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CANNES 2015 Compétition

Dheepan : Gardien du feu

par 

- CANNES 2015 : Jacques Audiard sort de nouveau ses griffes en compétition à Cannes avec un film immersif sur un nouveau départ en territoire dangereux et inconnu

Dheepan : Gardien du feu
Claudine Vinasithamby et Antonythasan Jesuthasan dans Dheepan

C'est une cité passée sous le contrôle du deal avec ses classiques escaliers interdits, ses guetteurs sur les toits, son ambiance de "guns" prêt à défourailler en cas de besoin. Pourtant, cette jungle est bien relative par rapport à l'expérience de la vraie guerre dont s'est extirpé Dheepan, le protagoniste du nouveau film de Jacques Audiard, Dheepan [+lire aussi :
bande-annonce
Q&A : Jacques Audiard
fiche film
]
, présenté en compétition au 68ème Festival de Cannes. Ancien chef de section de la rébellion des Tigres tamouls au Sri-Lanka, ce personnage très fort (interprété par le charismatique Antonythasan Jesuthasan) permet au brillant cinéaste français de percuter, avec sa fluidité habituelle, deux sujets qui lui tiennent à coeur : l'immigration-intégration (autrement dit l'immersion en territoire inconnu) et la violence humaine (ici, la guerre de séparatisme et le "petit" gangstérisme). Ce mix esquissant un portrait sans concession de l'état du monde et en particulier d'une certaine France, offre surtout l'occasion à Audiard de creuser son fil conducteur : la reconstruction d'une cellule familiale (qui n'en est pas une à l'origine) par association de pièces éparpillées, et par extension une redéfinition plus que nécessaire de l'avenir à travers les enfants et l'espoir (compliqué) d'une régénération d'une société gangrénée par le chaos et le  "business".

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Lancé par un prologue très efficace au Sri Lanka où Dheepan laisse derrière lui les cadavres de ses camarades brûlés de la guérilla défaite, dégotte dans un camp de réfugiés une fausse femme (Kalieaswari Srinivasan) et une fausse enfant (qui ne sont elles-mêmes ni la mère ni la fille l'une de l'autre) avant que tous les trois ne fuient la confusion meurtrière ambiante avec de faux passeports et l'espérance que leur supercherie leur ouvrira plus facilement le droit d'asile, le film s'installe rapidement en France. D'abord vendeur de rue à la sauvette, notre "héros" trouve un travail de gardien d'immeuble dans une cité "chaude" de banlieue. Naviguant à vue dans leur méconnaissance quasi totale de la langue française, les deux adultes vont établir le contact avec leur environnement et s'adapter progressivement, apprenant aussi à mieux se connaître jusqu'à commencer à s'aimer, tandis que la petite Illayal (Claudine Vinasithamby) avance à plus grand pas grâce à l'école. Un processus d'alphabétisation au sens propre et au sens large qui n'est pas sans rappeler l'apprentissage en prison d'Un prophète. Mais Dheepan, qui est chargé des cages d'escaliers A, B, C et D verra finalement les activités de l'escalier D (un gros trafic de drogue) l'obliger à sortir de sa réserve et ses rêves de jungle prendre une dimension urbaine brutale...

Volontairement allusif sur la réalité des trafics, le scénario (écrit par Noé Debré, Thomas Bidegain et Jacques Audiard) passe entièrement à travers le regard porté sur son nouvel environnement par cette famille qui n'en est pas une et qui va le devenir. Dans Dheepan, le monde semble un cercle d'humains fondamentalement semblables, mais que les conflits tendent à séparer. Et vouloir échapper à cette part archaïque, tenter de changer sa nature, n'est pas chose aisée. Car si le feu détruit, il est aussi ce qui éclaire et réchauffe (le foyer). Une idée que Jacques Audiard met en scène avec sa grammaire cinématographique bien connue (du fond et du punch), arpentant la cité avec ses personnages jusqu'à ce qu'ils repèrent les frontières existantes et acceptent parfois de les franchir en cas d'urgence. Car c'est bien d'avenir dont il est question, un futur qui est également celui du réalisateur qui signe un long métrage passionnant (sur un homme venu de très loin, découvrant la réalité européenne et sa face sombre), sans jamais juger aucun personnage, y compris les moins reluisants qui ne sont que le produit de leur espace d'existence.

Presque sous-tonal sur une ligne d'inquiétude adroitement entretenue, le film s'emballe sur le tard dans une sorte de western moderne sauvage soldant parfaitement les comptes de l'oeuvre de genre, mais auparavant, c'est paradoxalement le traitement très en surface du thème de gangs qui surprend chez un Audiard plutôt attaché en général à davantage de profondeur dans le détail. Un recentrage sur la gestation de la famille qui voit le cinéaste, comme son personnage principal, essayer d'échapper à sa nature sans y parvenir complètement.

Produit par Why Not, Dheepan - L'homme qui n'aimait plus la guerre sera distribué en France le 26 août par UGC. Celluloid Dreams et Wild Bunch pilotent ensemble les ventes internationales.

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