email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

LOCARNO 2017 Cinéastes du présent

Scary Mother : la famille, cet incubateur de monstres

par 

- LOCARNO 2017 : Dans son premier long-métrage, au programme à Locarno, la Géorgienne Ana Urushadze évoque les restrictions que les sociétés et les familles imposent aux femmes, mères comme épouses

Scary Mother : la famille, cet incubateur de monstres
Nato Murvanidze dans Scary Mother

Après deux courts-métrages, la Géorgienne Ana Urushadze, ancienne élève de l’Université Shota Rustaveli de théâtre et cinéma (TAFU), vient de présenter son premier long-métrage, Scary Mother [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Ana Urushadze
fiche film
]
, en avant-première mondiale dans la section compétitive Cinéastes du présent du 70e Festival de Locarno. Scary Mother s’intéresse à la place et au rôle des femmes dans la Géorgie d’aujourd’hui.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Manana (Nato Murvanidze) est une femme au foyer de 50 ans passionnée d’écriture, mais personne dans sa famille ne la soutient dans son désir de devenir écrivain. Tout au plus le tolèrent-ils comme une originalité de sa part, et son mari Anri (Dimitri Tatishvili) est carrément son pire critique. Quand Manana décide de lire à sa famille le livre qu’elle a écrit en secret, tout se met à s’écrouler, et la fiction se mêle à la réalité. La seule personne qui l’encourage est le propriétaire de la papeterie du coin, Nukri (Ramaz Ioseliani), qui croit en elle et en son chef-d’oeuvre. À partir de ce moment, Manana va lentement s’écarter de son rôle de mère et épouse aimante, sans tenir compte des conséquences.

La vie de Manana a jusque là toujours dépendu entièrement de sa famille et de ses besoins. Son apparence physique, ses idées, ses désirs et ses actions ont toujours été sujets au jugement de tous. Tandis qu’elle tente d’échapper à cet environnement clos, où tout le monde tient son dévouement pour acquis, elle se sent de plus en plus marginalisée. Le fait qu’elle note sans arrêt des choses sur ses mains et s’inspire de tout ce qui l’entoure dans sa maison (comme le carrelage de la salle de bain) n’est pas bien vu par les autres. Chacune de ses tentatives d’échapper à sa dure existence de femme de la classe moyenne décidée d’avance, complètement stéréotypée, se heurte au réel. Manana doit évoluer et se débarrasser du caractère transparent qui la rend invisible aux autres. Elle craint de devenir une Manananggal, un créature appartenant à la mythologie philippine qui prend la forme d’une femme et se transforme en monstre vampirique la nuit. La seule chose qu’elle souhaite, c’est d’être entendue, mais elle est constamment remise à sa place dans son petit coin. Après avoir été pour elle un noyau social, la famille devient un incubateur de peur, de terreur et de monstruosité.

Urushadze, qui a également composé le scénario du film, trace le portrait d’une femme d’abord incomprise qui traverse une théorique crise de la quarantaine. Ce qui est impressionnant, c’est la manière dont cette histoire devient un commentaire social sur ce qu’une femme est forcée d’endurer – et qui est parfaitement accepté – dans la Géorgie d’aujourd’hui. Malgré les nuances qu’apportent à Scary Mother le ton d’ironie amère, sensible à l’absurde, qu’a choisi la réalisatrice, le film est bel et bien un drame réaliste qui aborde des sujets très sensibles. L’héroïne, merveilleusement incarnée par Murvanidze, pourrait être n’importe quelle femme dans dans n’importe quelle situation qui souffre des insultes qu’on lui adresse au quotidien. C’est une exclue au sein d’une famille qu’elle n’a d’autre choix que de supporter, que cette famille soit sa raison de vivre ou un nouveau monstre pouvant s’avérer plus auto-destructeur que dangereux.

Le tout se passe à Tbilisi, dans un environnement urbain post-soviétique presque dystopique brillamment photographié par Konstantine-Mindia Esadze. Le lieu donne en effet une texture différente aux images, bien exalté par les teintes froides utilisées, qui créent à la fois un sentiment de proximité et de distance par rapport aux héros. Scary Mother est un premier long-métrage courageux sur un sujet qui a déjà été abordé de différentes manières, mais auquel Ana Urushadze donne encore un éclairage différent, prouvant du même coup qu’elle est une cinéaste à suivre.

Scary Mother est une coproduction entre la Géorgie et l’Estonie qui a réuni les producteurs de Brides [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Tinatin Kajrishvili
fiche film
]
(2014), Lasha Khalvashi de Studio Artizm, Tinatin Kajrishvili de Gemini et Ivo Felt d’Allfilm, qui avait coproduit Tangerines [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
(2013) de Zaza Urushadze, le père d’Ana. Les ventes internationales sont pilotées par Artizm.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy