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FILMS Espagne

Grand piano : Traque au trac

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- Le troisième film d'Eugenio Mira se déploie comme un jeu suffocant, agile et théâtral, un exercice de style qui mise sur la tension et le spectaculaire en dynamitant la crédibilité

Grand piano : Traque au trac

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Les rapprochements entre le film et L'Homme qui en savait trop sont légion, car Mira a emprunté au grand Alfred quelques traits de son pentagramme. L'influence de De Palma est encore plus manifeste, car le réalisateur espagnol a grandi avec ses films. Quant à son compatriote Cortés (dont la réalisation la plus récente est Luces rojas [+lire aussi :
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), il a pris sous son aile Grand Piano et laisse planer sur lui son ombre de producteur car Mira et lui partagent la même passion pour le thriller angoissant et l'exploitation visuelle des espaces clos qui permettent de créer un sentiment de claustrophobie. Les quatre réalisateurs, maîtres et élève, sont des cinéastes pour lesquels il n'a jamais fait de doute que s'il faut sacrifier la crédibilité d'une histoire au rythme, au suspense et à l'émotion, le choix est vite fait.

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Ainsi, quiconque chercherait des explications logiques à ce qui se passe pendant les 90 minutes que dure Grand piano peut aller directement au bureau des réclamations. En revanche, si le spectateur se laisse porter par l'élégance de la mise en scène, l'atmosphère puissante et le crescendo émotionnel du film, il sera subjugué comme un mélomane pendant le concert du Nouvel an au Philarmonique de Vienne.

Le sujet du film, conçu par le scénariste américain Damien Chazelle, est minimal : un jeune pianiste, Tom Selznick (incarné avec conviction par Elijah Wood (déjà acteur dans le film espagnol Crimes à Oxford [+lire aussi :
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d'Alex de la Iglesia et que l'on verra bientôt en salles dans Open Windows [+lire aussi :
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, nouveau tour d'audace de Nacho Vigalondo) se rend à Chicago plusieurs années après y avoir abandonné sa prometteuse carrière à cause d'un récital raté où il interprétait la très complexe composition d'un maestro récemment disparu. Sous le regard de sa magnifique jeune épouse, une actrice renommée, qui suit son concert du balcon, il se retrouve face au piano qui a causé son échec et à son trac énorme d'entrer en scène. Et il est d'autant plus terrorisé de faire une seule erreur qu'un détraqué menace de l'assassiner (ainsi que sa femme) à la moindre fausse note. Le jeu du chat et de la souris qui commence et qui sera fatal, nous est dépeint de manière baroque et dans le même style d'opéra qui caractérisait déjà le film précédent d'Eugenio Mira : Agnosia [+lire aussi :
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Le thriller se déroule pratiquement en temps réel dans un auditorium où le spectateur a le meilleur fauteuil car, tout en assistant au concert, il sait quelque chose que le reste du public réuni ce soir ignore, tout transporté qu'il est par le retour de Selznick à la vie artistique. De cette place privilégiée, les événements sont d'autant plus chargés de suspense, même si les situations se présentent de façon si extrême, étonnante et impossible qu'elles sont à la limite de ce seuil de crédibilité qu'on évoquait précédemment. S'il s'est laissé happer par ce spectacle sophistiqué, exécuté par Mira sans pudeur ni peur du ridicule, l'angoisse qui en résulte et envahit le personnage de Wood ne manque pas de submerger le spectateur.

L'audace débordante du réalisateur détonne en ces temps de dictature de la logique et de l'explication où le spectateur lui-même exige qu'il n'y ait pas une note dissonnante dans le concert cinématographique qui défile devant ses yeux. Par l'extravagance du spectacle qu'il nous livre, Eugenio Mira défie le trac et les spectateurs les plus rationnels.

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(Traduit de l'espagnol)

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