email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Anca Damian • Réalisatrice

"J'ai forcé les limites du langage filmique"

par 

- Anca Damian combine plusieurs techniques d'animation et nous livre le premier film d'animation roumain en vingt ans.

La documentariste roumaine de renom Anca Damian a réalisé son premier long métrage de fiction, Crossing Dates, en 2009. Peu après, elle a commencé à travailler sur le premier film d'animation produit en Roumanie depuis deux décennies, Le voyage de monsieur Crulic [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Anca Damian
fiche film
]
, qui raconte l'histoire de Claudiu Crulic, un jeune Roumain mort de sa grève de la faim après avoir été injustement emprisonné par les autorités polonaises.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : Qu'est-ce qui vous a attirée dans ce projet ?
Anca Damian : D'abord, la manière dont Claudiu (Crulic, ndlr.) est mort. Quand on décide de faire une grève de la faim, le corps dépérit lentement, tellement lentement que la mort met des semaines à arriver. C'est comme regarder la mort en face. Ce que j'ai ressenti, c'est la solitude absolue de cet homme abandonné de tous. Voilà comment le projet a commencé. L'idée du film est venue de l'émotion que j'ai ressentie en imaginant la mort de Claudiu Crulic.

Pourquoi en faire un documentaire animé ?
Il existe un espace qu'aucun matériel ne couvre vraiment. L'histoire de Crulic n'existe que dans ce que les autres ont dit de lui, dans les bribes d'informations qu'ils ont données, bribes qui parfois ne coïncident pas entre elles, mais qui une fois réunies m'ont aidé à retisser intuitivement le récit en couvrant les blancs, grâce à l'animation. L'animation n'est qu'un liant : nous sommes toujours partis d'objets existants, des photos de Crulic aux milliers de photos prises par moi et mon élève Ilija Zogovski pendant notre enquête sur les lieux véritables de ce récit. Et ensuite, quand la victime raconte sa propre histoire depuis l'au-delà, rien n'aurait été plus convaincant et crédible que de l'animation.

Le documentaire a nécessité de vastes recherches avant la production. Les autorités polonaises se sont-elles montrées disposées à donner des détails sur l'affaire ?
Mes conversations avec les représentants polonais ont été des conversations de sourds. J'avais la position de la journaliste-artiste. J'ai rencontré beaucoup de difficultés, beaucoup d'obstacles. En tant que réalisatrice et productrice roumaine, je ne pouvais pas accéder aux éléments juridiques de l'affaire. J'ai pu recevoir le dossier de Crulic uniquement grâce à mon coproducteur polonais (Arkadiusz Wojnarowski, ndlr.).

Quelle est la plus grosse difficulté que vous ayez rencontrée pendant la production ?
La plus grande gageure résidait dans le côté unique du film. J'ai forcé les limites du langage filmique, dépassant ses frontières avec d'autres arts visuels et avec la musique. Les inventions qui en résultent en termes de langage font parfaitement corps avec l'histoire, qui en elle-même est déjà puissante – après tout, c'est de la mort qu'on parle, non ?

Votre documentaire utilise plusieurs techniques d'animation. Comment les avez-vous choisies ?
Dès le début, nous avons décidé d'utiliser des collages et de la photographie animée. Notre intention de départ était de réaliser une sorte d'oeuvre de vidéaste. Les animateurs Dan Panaitescu et Raluca Popa, dans leur grande créativité, sont allés plus loin et tout est devenu une nouvelle expérience pour nous. L'équipe d'animation a été formée exprès pour ce film. Le mérite en revient à Dragos Stefan, je n'ai fait qu'amener Roxana Bentu qui m'a aidée à réaliser les croquis nécessaires pour solliciter des financements. Dragos a amené Dan Panaitescu. Pour ce qui est de notre approche, nous avons utilisé le concept de la dématérialisation des contours : tandis que la fin de Crulic se rapproche, les contours sont de moins en moins visibles. Les animateurs ont suivi cette ligne de conduite.

À la fin, vous insérez des images télévisées : pourquoi de véritables images d'archives plutôt que de l'animation?
C'est l'épilogue : on revient à la réalité. Le film se conclut sur ces images et une mention légale. On revient à la réalité des archives télévisées, ce qui est censé réveiller le public, le forcer à voir le monde tel qu'il est vraiment.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy