email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Ektoras Lygizoz • Réalisateur

"Pas facile de se consacrer à son art quand on travaille dans de mauvaises conditions"

par 

- Boy Eating Bird’s Food : un "cinéma d'austérité" de fabrication grecque mais d'excellente qualité (contrairement aux politiques d'austérité du pays)

Ektoras Lygizoz • Réalisateur

Boy Eating Bird’s Food [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, d'Ektoras Lygizoz, représente en plein le "cinéma d'austérité" à la grecque, mais contrairement aux politiques d'austérité du pays, il est d'une incontestable qualité. Ce film, tourné avec un budget très bas (environ 20 000 euros) et une équipe réduite, trace le portrait intime d'une catastrophe sociale, c'est-à-dire qu'il se détache du ton du documentaire engagé pour s'engager dans une voie plus viscérale et mystique. Après sa présentation à Karlovy Vary (critique) et Toronto l'année dernière, et après un lancement controversé en Grèce le mois dernier, le film concourt cette semaine au 11ème Brussels Film Festival.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa :  Ce film est votre premier long métrage, mais vous venez du milieu du théâtre. Cette espérience de la scène vous a-t-elle influencé dans votre travail de réalisateur, notamment dans la manière dont vous dirigez la performance très chorégraphiée de votre acteur principal, Yannis Papadopouos ?
Ektoras Lygizoz :
J'ai fait du théâtre physique. J'essaie toujours de créer une routine gestuelle, d'assembler les actions en une suite de mouvements. C'est aussi comme cela que j'ai commencé à improviser avec Yannis Papadopouos. Nous avons chorégraphié le film ensemble avec la caméra, que j'avais en main pendant les répétitions comme pendant le tournage.

J'ai perçu le cadrage comme une scène où l'acteur devrait faire tous ces mouvements. Bien sûr, le cinéma pose des difficultés que ne pose pas la scène, parce qu'il exige plus de réalisme, et on est limité par le cadre de l'image.

Était-il essentiel de travailler caméra à l'épaule pour donner au spectateur l'impression d'assister à une chorégraphie ?
C'est venu naturellement pendant les répétitions. J'ai tendance à préférer un style plus neutre, mais en explorant mes possibilités, j'ai senti le besoin de rester très près de mon acteur pour capturer ses réactions, ses yeux, sa bouche, sa peau...

Comment s'est passée l'écriture ? Le film est résolument une adaptation très libre du livre La faim du Norvégien Knut Hamsun.
Ce n'est pas vraiment une adaptation, c'est un film librement inspiré de cet ouvrage. De grandes parties du scénario étaient décrites dans le détail, mais de nombreuses idées se sont ajoutées à cela en discutant avec les acteurs. Pendant le tournage même, plusieurs choses ont changé parce qu'il nous fallait trouver une manière visuelle de rendre tous les détails que je voulais mettre à l'image. Nous avons supprimé de nombreux éléments du scénario : la version originale contenait plus de dialogues et plus de rencontres avec d'autres personnages que ce qu'on voit à présent à l'écran.

Votre personnage principal est-il une représentation métaphorique de la Grèce en ces temps difficiles ?
D'une certaine manière, oui, bien que je n'aie pas nécessairement conçu le personnage dans cette idée. Il s'agit d'un chanteur qui serait disposé à partager son art mais ne peut pas trouver de travail et n'a même plus assez pour se nourrir. Il est désespéré !

En Grèce, le soutien familial compte beaucoup. Même à 35 ans, on peut faire appel à ses parents, mais que se passe-t-il quand la crise socio-économique frappe aussi les citoyens plus âgés ? C'est comme si on n'avait plus de filet de sécurité. C'est ce qui arrive au héros dans le film, mais il conserve malgré tout un sentiment de dignité, de fierté, ce qui est perturbant. C'est probablement lié à la manière dont les enfants grecs sont éduqués : quand on est malade, on n'est pas censé le montrer. Quand on a des problèmes d'argent, il ne faut pas que cela paraisse...

Vous sentez-vous aussi sous-estimé en tant qu'artiste ?
L'année dernière, il est devenu difficile de gagner sa vie en se contentant de faire des films et du théâtre. C'est dur et cela affecte l'amour propre, comme dans le film. En Grèce, les gens voient l'art comme un passe-temps. Il n'est pas facile de se consacrer à son art quand on travaille dans de mauvaises conditions, quand on ne peut pas payer les acteurs, ni les autres, quand on ne peut pas se payer soi-même... On finit par ne plus y croire !

Malgré la dureté de l'univers dépeint dans le film, il a aussi des aspects mystiques. Il y a une scène de chant très belle, dans l'église, et quand le personnage porte une échelle dans la rue, on songe immanquablement au Christ portant sa croix...
C'est tout à fait cela ! En procédant de cette manière, j'ai pu m'éloigner du style naturaliste ou réaliste. Pour moi, ce film parle d'un homme qui devient petit à petit un saint – pas au sens chrétien du terme : j'entends par là que le personnage se bat pour rester pur dans une situation très rude. 

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy