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Naji Abu Nowar • Réalisateur

"Theeb se veut une immersion dans la vie des bédouins, pour un récit plus authentique"

par 

- VENISE 2014 : Entretien avec Naji Abu Nowar, Prix Orizzonti du meilleur réalisateur pour Theeb, qui décrit la vie des bédouins pendant la Première Guerre mondiale

Naji Abu Nowar  • Réalisateur

Le week-end dernier à la Mostra de Venise, le réalisateur Naji Abu Nowar a reçu le Prix Orizzonti du meilleur réalisateur pour son premier long-métrage Theeb. Le film raconte l'histoire, pendant la première guerre mondiale, d'un jeune bédouin qui entre précipitamment dans l'âge adulte lorsqu’il embarque dans un périlleux voyage à travers le désert pour conduire un officier britannique vers sa mission secrète.   

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Quel est la signification donnée au mot Theeb (« loup » en arabe) qui est le titre du film et le nom de votre personnage principal ?
Le loup est un animal très important dans la culture bédouine. C’est une créature ambiguë, à la fois vénérée et  crainte, un ennemi et un ami. Beaucoup de chansons, de poèmes et d'histoires parlent de la relation des Bédouins avec les loups. Dans la culture bédouine, si on vous surnomme le « loup », vous êtes respectueusement perçu comme un homme audacieux et malin, une personne qui peut accomplir les exploits les plus fous. C'est pour cette raison que le nom Theeb est un nom bédouin courant, similaire à d'autres animaux vénérés comme le faucon et le lion. L'ambiguïté d'un loup en tant que héros et méchant, à la fois craint et respecté est quelque chose qui m'a inspiré pour nommer notre personnage. C'est glorieux et tragique à la fois.

Les Bédouins ont-ils participé au processus créatif ? 
Absolument. Dès le début, nous étions d'accord avec mes producteurs que la seule façon de réaliser Theeb était de se plonger dans la vie des Bédouins et de créer de l'intérieur quelque chose d'organique. À cette fin, nous nous sommes rendus dans le désert du Wadi Rum en Jordanie pour nous immerger complètement dans l'univers de notre histoire. Nous sommes restés un an dans le village de Shakiriya avec quelques-uns des derniers Bédouins à avoir vécu une vie nomade en Jordanie. Sédentaires depuis peu, leurs vies étaient en train de changer drastiquement, tout comme les personnages de notre film. Alors que les anciens savaient comment monter à cheval, suivre les animaux à la trace, chasser et trouver de l'eau, les jeunes étaient pour la plupart incapables de faire preuve des mêmes aptitudes, dépendants des véhicules tous terrains, des routes et des facilités de la plomberie moderne. Les Bédouins se sont passionnés pour le projet parce qu'ils l'ont perçu comme une façon de préserver leur culture. Nous avons conclu un partenariat avec les Bédouins et développé ensemble l'histoire basée sur notre désir commun d'authenticité. À mesure que nous prenions connaissance de leur folklore et de leurs traditions, le drame et l'intensité de notre scénario se développait. Leur contribution nous a poussés à dépasser les limites d'un film conventionnel et à entrer dans un univers plein de vie.

Quelle expérience retirez-vous de votre travail avec des acteurs non professionnels ? Quelle était votre philosophie ? 
Les Bédouins étaient au début simplement curieux, sans être passionnés par le fait d'avoir à jouer. Leur univers, c'est la famille, la chasse et les dromadaires ; l'expérience cinématographique n'a à leurs yeux que très peu d'attrait. Il était alors important pour nous de s'assurer que les acteurs bédouins trouvent du plaisir dans le processus et se passionnent pour le projet. Nous avons débuté par des ateliers où les jeux d'acteurs amusants nous ont fait tous rire et ont imprégné le groupe d'une énergie positive. Nous augmentions alors progressivement le niveau de concentration et d'efforts nécessaires pour aborder certains des éléments les plus exigeants du jeu d'acteur.

Comment la troupe d'acteurs a-t-elle répondu face aux dialogues à apprendre ? 
Certains membres de l'équipe était illettrés ou avaient très peu d'éducation proprement dite ; je savais qu'il serait difficile pour eux de mémoriser leurs répliques. Nous nous étions mis d’accord avec Hisham qu’il était nécessaire de leur donner les instructions générales et de leur laisser la possibilité de parler librement à leur façon. Cela m'a également permis de trouver la spontanéité et le réalisme que je recherchais. 

Auriez-vous jamais imaginé remporter cette prestigieuse récompense (le Prix Orizzonti du meilleur réalisateur) ?
Je n’imaginais pas que nous remporterions ce formidable prix.  Être accepté à la Mostra était le plus grand honneur de ma vie. Lorsqu’à la première du film, nous avons reçu 10 minutes d'ovation, j'ai eu l'impression que tous mes rêves se réalisaient. Remporter maintenant une récompense et partager le même honneur que de nombreux talentueux cinéastes est extraordinaire ; je pense qu'il me faudra pas mal de temps avant de réaliser et de vraiment assimiler ce qui s'est passé. Tout ce que je peux faire, c'est remercier le jury et toute l'équipe du festival de m'avoir offert l'expérience la plus fantastique de ma vie.  

Å qui dédiez-vous cette récompense ?
Cette récompense appartient à la communauté qui s'est réunie pour faire ce film : des tribus bédouines aux jeunes entrepreneurs qui ont investis dans le film, à l'équipe de tournage qui a travaillé bénévolement, aux entreprises qui nous ont sponsorisé et aux fonds de financement cinéma qui nous ont accordé des subventions, jusqu'à la famille et les amis qui nous ont tous, à leur façon, apporté leur aide. Beaucoup de personnes ont donné de leur cœur, de leur passion, de leur temps et de leur argent au film. Je ne peux pas tous ici les nommer mais ils se reconnaîtront ; cette récompense est la leur, autant que la mienne. J'espère que nous travaillerons tous encore ensemble dans les années à venir. Je sais qui réellement fait un film et j'apprécie, dans chaque domaine, le talent des artistes avec qui je travaille. Cette récompense est simplement la leur.

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(Traduit de l'anglais)

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