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TRIESTE 2018

Maciej Sobieszczański • Réalisateur

The Reconciliation est aussi une étude de la violence”

par 

- Maciej Sobieszczański nous parle de l'ambitieux The Reconciliation, vu à Trieste, assurant qu'un drame sur la Seconde Guerre mondiale peut tenir lieu de fable des temps modernes

Maciej Sobieszczański • Réalisateur
(© Wojtek Rojek)

Maciej Sobieszczański, sacré meilleur réalisateur au Festival des Films du Monde de Montréal, nous parle de l’ambitieux The Reconciliation [+lire aussi :
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, actuellement en compétition au Festival de Trieste, et nous explique en quoi un drame situé pendant la Seconde Guerre mondiale peut tenir lieu de une fable des temps modernes.

Cineuropa : En 2015, vous avec co-réalisé avec Łukasz Ronduda The Performer [+lire aussi :
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, dont l'intrigue s’ancrait dans le monde de l'art contemporain. The Reconciliation s'inscrit dans une thématique, un genre et un style d'écriture radicalement différents. Nous suivons ici trois amis, un Polonais, un Silésien et un Allemand, qui se rencontrent au camp de travail de Zgoda alors que la Seconde Guerre mondiale touche à sa fin.
Maciej Sobieszczański : The Performer a marqué une sorte d'étape avant The Reconciliation. J'ai commencé à travailler sur ce projet en 2007, mais oui, il a été compliqué à mener à son terme sous bien des aspects, principalement liés à l'indispensable et sérieux travail de recherche que le film requérait. Cela dit, pour moi, changer de style et de genre est important. Je détesterais devenir un réalisateur qui fait toujours le même genre de films. Ce qui m'intéresse, c'est une histoire qui me donne envie et qui promet d'être une aventure tout en me permettant de m’essayer à un sujet ou une technique spécifiques. Pour être réalisateur, il faut être fort et obstiné, et déterminé à emprunter une route difficile – par « déterminé », j'entends qu’il faut ressentir un besoin inconscient profond d'échanger avec le reste du monde. Voilà ce que le cinéma représente à mes yeux : un langage qui me permet d'exprimer mes émotions les plus enfouies.

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Dans The Reconciliation, on découvre un chapitre inconnu de l'histoire polonaise, mais j'ai cru comprendre que vous ne vouliez pas vous limiter aux faits historiques.
Pendant la phase de pré-production, on m'a beaucoup demandé si je réalisais un film historique. Je répondais que non, je ne voulais pas que The Reconciliation  soit vu comme tel. Mon intention n'a jamais été de réaliser un film sur le camp de travail de Zgoda, mais plutôt de l'utiliser comme toile de fond pour mon histoire. J’ai fait des recherches approfondies, mais je n'ai gardé que les éléments qui faisaient avancer l’intrigue. C'est pour cette raison que j'ai limité la présence de certains personnages, comme Salomon Morel, le commandant du camp. Autrement dit, The Reconciliation est un film actuel déguisé en film historique. C'est la même chose avec les pièces de Shakespeare : personne ne s'intéresse aux destins d'Hamlet ou de Richard III, ce sont les thèmes abordés dans ces pièces qui nous interpellent. Pour moi, The Reconciliation essaie de comprendre la situation actuelle en Pologne. Comment la société a-t-elle pu se diviser à tel point que certains parlent aujourd'hui de « deux Polognes » ? Les protagonistes de mon film sont trois amis séparés par l'Histoire. Je voulais montrer ce qui peut arriver quand les gens regardent ce qui les divise plutôt que ce qui les rapproche. The Reconciliation est aussi une étude de la violence, un sujet lui aussi très actuel – songez par exemple au harcèlement moral ou au phénomène #metoo –, et pourtant, on ne s’y attaque jamais vraiment, on se concentre sur des événements sociétaux sans parler de la violence en elle-même. En fait, n'importe quelle acte a sa part de violence, même le sexe, et c'est ce que j'aborde dans mon film. 

Justement, la dimension charnelle a une place importante dans votre film : les corps sont soumis à la violence, aux agressions, mais ils sont aussi capables de donner de l'amour. Comment avez-vous travaillé avec vos jeunes acteurs, Julian Świeżewski, Zofia Wichłacz et Jakub Gierszał, qui incarnent des personnes dans des situations extrêmes ?
En commençant à travailler avec les acteurs, j'ai vite compris qu'il allait falloir adopter une approche plus comportementale que psychologique. C'était le bon outil pour « ouvrir » mes personnages. Ils appartiennent à un monde presque hors d'atteinte, commandé par l'instinct, dans lequel toute tentative d'intellectualisation est vouée à l'échec. Prenez la scène où Erwin essaie de sauver Anne : il réfléchit trop et échoue.

J'ai fait auditionner 2 500 personnes et j'ai rejeté immédiatement tous les acteurs qui « jouaient » trop. Je sais qu'il est difficile de ne pas « jouer », puisque les acteurs ont besoin de ce type d'outils psychologiques. J'ai toutefois demandé à mes acteurs de me faire confiance et de comprendre que ce genre d'économie de moyens peut en fait apporter une sophistication. Il me semble que c'est aussi la meilleure manière d'aborder cette période de l'Histoire et les individus qui l'ont vécue. Quand je regarde La Liste de Schindler, Le Choix de Sophie ou La Passagère d’Andrzej Munk, qui sont pourtant de très bons films, je vois que les acteurs « jouent » et ça me gêne.

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(Traduit de l'anglais par Carole Roudot)

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