email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2018 Marché / France

Yohann Comte • Exportateur

"Nous n’avons pas choisi l’indépendance pour être asservis"

par 

- Line-up, stratégie de développement, tendances du marché. Rencontre avec Yohann Comte de la jeune société de ventes internationales Charades

Yohann Comte  • Exportateur

A deux jours du coup d’envoi de l’European Film Market du 68e Festival de Berlin (du 15 au 25 février 2018), rencontre avec Yohann Comte (ancien de Gaumont) qui a lancé l’an dernier la dynamique société française de ventes internationales Charades avec Carole Baraton (ex Wild Bunch), Pierre Mazars (ex Studio Canal) et Constantin Briest (Asuna).

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : Quel est le bilan de la première année d’activité de Charades ?
Yohann Comte :
Cela ne fait même pas un an car si nous avions annoncé le lancement de la société à Berlin, le premier line-up a été dévoilé à Cannes avec cinq films. Aujourd’hui, nous allons arriver à Berlin avec presque 15 films, ce qui nous semble le bon rythme de croisière. Avoir trois vendeurs expérimentés dans l’équipe a beaucoup d’avantages, mais cela implique aussi d’avoir une activité et un volume de films assez conséquents. Ce dont nous sommes heureux, c’est que la diversité de films que nous espérions, nous l’avons trouvée. Cela va d’un documentaire musical sur Chilly Gonzales (Shut Up and Play the Piano [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
 de Philippe Gedicke qui fera sa première mondiale au Panorama de la Berlinale) à Revenge [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Coralie Fargeat
fiche film
]
 de Coralie Fargeat qui était notre première acquisition et coproduction, en passant par le film d’animation en 3D The Queen’s Corgi de Ben Stassen. Pour le moment, il n’y a pas beaucoup de films français sur notre line-up, mais nous venons d’en ajouter deux avec Intime Conviction (Conviction) d’Antoine Raimbault (article) et Marche ou crève (Head Above Water) de Margaux Bonhomme (article), et nous sommes en discussion pour d’autres titres, en particulier des comédies, un type de films que nous n’avons pas encore.

On entend dire que les films sont plus difficiles à vendre, on prédit même la fin des vendeurs à terme, mais cela n’empêche pas des sociétés de se créer et de faire preuve comme Charades d’un dynamisme remarqué. Comment expliquer ce paradoxe ?
Je ne crois pas une seconde à cette idée de fin des vendeurs internationaux. En revanche, c’est peut-être le type de vendeur qui évolue. Il y a trente ans, un vendeur allait sur un marché, faisait lire cinq pages d’un script français et tout se prévendait. C’était l’âge d’or des ventes internationales du cinéma français, il n’y avait pas beaucoup de concurrence, les cinématographies locales n’étaient pas aussi fortes qu’aujourd’hui, il n’y avait pas d’acteurs mondiaux, etc. Le vendeur d’aujourd’hui vend des films de toutes nationalités et jamais ni Netflix, ni Amazon, ni qui que ce soit, ne pourra absorber l’intégralité du volume mondial de films, et ils n’y ont aucun intérêt. Et tant que la salle persistera, les vendeurs existeront. 

Quel genre de films cherchent maintenant les distributeurs ?
C’est difficile à définir car il y a beaucoup de types de distributeurs. Certains films sont parfaits pour Netflix par exemple que je considère comme un distributeur, alors que d’autres sont vraiment destinés à la salle. Je pense que ce que font les studios, les "tentpoles", les films fondés sur des éléments connus avec énormément de marketing, va connaître un essoufflement. Ce que doivent proposer les distributeurs indépendants, ce sont des films qui sortent du lot. A chaque fois qu’il y en a un, ça marche. Revenge par exemple a déclenché une envie énorme alors que normalement les films de genre ne sortent pas en salles. Celui-là va sortir partout dans le monde. Pourquoi ? Parce qu’il a un côté pop que n’avait pas la majorité des films de genre qui sont sortis jusqu’à présent. Tellement de choses sont en train de changer que c’est difficile de dire ce qui plait aujourd’hui, mais comme toujours, ce sera ce qui est distinctif. Avant Intouchables [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
 qui a ouvert une brèche, on disait que les comédies françaises ne s’exportaient jamais, ensuite il y eu une vague avec beaucoup de comédies, sans doute trop, et aujourd’hui, il y a une espèce de ras-le-bol qui va s’appliquer par un rejet du public par rapport à un certain nombre de comédies qui ne sont pas adaptées au marché international. Mais il y aura toujours de la place pour une comédie intelligente avec un côté distinctif. C’est pareil sur le film de genre. Tout ce qui obéit à une logique de volume ou de recettes finit toujours par s’essouffler.

Quelle est la stratégie éditoriale de Charades ?
Si nous avons fondé la société, c’est car il ne fait jamais aussi bon d’être un petit bateau que quand le vent est en permanence en train de changer. Nous sommes un peu dans une logique multi-niches. Nous pensons que sur le genre, il y aura toujours une base de fans. Ensuite, si c’est un film un peu différent et pouvant peut-être accéder à une plus grande audience, avec notre expérience, on sait l’accompagner. C’est pareil sur le film d’animation japonais (ndr. au line-up figure Mirai de Mamoru Hosoda), sur le documentaire musical (ndr. Charades vend aussi Inna de Yard de Peter Webber, sur le reggae), sur la comédie française ou sur les films des grands auteurs qui ont toujours un public fidèle qu’on peut travailler à énormément élargir si l’oeuvre est extraordinaire. Cette logique de niches, de fan-base et de certitudes sur le potentiel international nous permet de limiter nos risques et de pouvoir à contrario nous aventurer sur des coups de cœur, par exemple des premiers longs français sans cast et sans auteur connu. Car nous n’avons pas choisi l’indépendance pour être asservis par un line-up que nous n’avons pas choisi. 

Jusqu’à quel point considérez-vous les plateformes comme des distributeurs comme les autres ?
C’est une excellente nouvelle pour le cinéma mondial. Beaucoup de distributeurs se plaignaient de l’encombrement des salles. Or Netflix désengorge les salles. On ne peut pas se plaindre tout le temps… Et chacun est libre de ses choix. Quand nous travaillons avec les plateformes, c’est toujours en accord avec le producteur et avec le réalisateur qui sont très contents d’avoir un film sur une plateforme mondiale plutôt qu’en salles dans trois pays. C’est vrai qu’il y a un manque de feed-back sur les résultats des films sur Netflix, mais il n’y a jamais eu non plus de transparence sur la pay TV dans le monde… Si on veut un feed-back, de la transparence, et des analyses de données, on ne va pas chez Netflix ! Mais si on veut que le film existe dans le monde entier, sans forcément avoir de retour et qu’il soit vu partout, on y va. Ce sont des stratégies différentes qui dépendent à quel stade en est le réalisateur dans sa carrière. Pour un premier long, c’est un arbitrage à faire avec beaucoup de paramètres. Si c’est un cinéaste établi et que tout le monde a refusé de faire le film car il est un peu trop décalé, trop subversif ou trop original, et que seul Netflix signe le chèque…

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy