email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BRIFF 2023

Mathieu Volpe • Réalisateur de Une jeunesse italienne

"Ce qui me frappe c’est cette génération qui vit sur un continent, mais qui a toujours la tête tournée vers celui de ses parents"

par 

- Le jeune cinéaste né en Italie et installé en Belgique parle de son premier long documentaire, qui suit les aller-retours entre deux continents d’un jeune burkinabé

Mathieu Volpe  • Réalisateur de Une jeunesse italienne

Mathieu Volpe suit dans son premier long métrage documentaire Une jeunesse italienne [+lire aussi :
critique
interview : Mathieu Volpe
fiche film
]
, projeté en compétition nationale au BRIFF, les aller-retours entre l’Italie et le Burkina Faso de Sokuro, jeune burkinabé qui voit dans son mariage avec la jeune Nassira une opportunité de renouer avec ses origines, tout en bataillant pour garder son nouvel ancrage italien.

Cineuropa : Quelles sont les origines de ce projet ?
Mathieu Volpe :
J’ai fait un master en documentaire, après lequel j’ai réalisé un court métrage en 2019 qui s'appelait Notre territoire et qui racontait la vie d'un bidonville près de l’endroit où j'ai grandi, dans le sud de l'Italie. C’est là que j'ai rencontré la famille de Sokuro, qui travaillait dans ce ghetto où les gens viennent l'été pour la cueillette des tomates, et participait à l'économie de cette ville fantôme. Tous les projets que je fais ont un lien avec la place des personnes étrangères en Italie et le regard que la société pose sur elle. Il y a un regard en Italie sur les personnes noires qui n'est pas juste. Et je pense qu'à travers les films qu'on fait, on peut changer ce regard-là.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Comment présenteriez-vous le film en quelques mots ?
C’est l'histoire de Sokuro, un jeune immigré burkinabé qui habite en Italie, que je connais depuis quelques années, et qui un jour m'a demandé si je pouvais filmer son mariage avec une jeune femme de son village natal. Au début c’était une belle opportunité de passer du temps ensemble et puis je me suis rendu compte qu’il y avait là les prémisses d'un film qui pourrait parler de l'écart entre le Nord et le Sud. On a observé comment cette relation se construisait malgré la distance, comment elle se délitait ou se reconstruisait. C’est aussi l’histoire de l'héritage que reçoivent ces jeunes gens dont les parents viennent de changer de pays. A quel point sont-ils déracinés, surtout quand ils arrivent à l'âge adulte, comment choisir où s’installer ?

Ce qui me frappe le plus quand je vois Sokuro, c'est qu'il fait partie de cette génération qui vit sur un continent, mais qui a toujours la tête tournée vers celui de ses parents. D’autant que pour lui, le mariage est un moyen de se rattacher à ses origines, alors que pour Nassira, c’est la première étape d’une migration vers l'Europe. Comment est-ce qu'ils ont pu construire cette relation malgré cet écart de vision, de projet ?

Au cœur de sa vie familiale, intime, amoureuse et personnelle, il y a les questions financières, qui prennent vite une importance disproportionnée.
Oui, pour les jeunes comme Sokuro, il y a les enjeux culturels transmis par la famille, mais aussi les enjeux économiques parce que l'Europe devient une sorte d'Eldorado où tout est possible. Sauf qu'en arrivant en Europe, ils se retrouvent dans des métiers précarisés, tout en devant envoyer de l'argent à la famille restée au pays, avec pour Sokuro la problématique du mariage en plus.

La trajectoire de Sokuro permet aussi d'offrir un autre regard sur la question de l'immigration économique.
Ce qui me semble fondamental aujourd'hui, surtout pour un cinéaste blanc qui s'intéresse à l’Afrique, c’est de partager le regard avec son protagoniste. J’ai voulu raconter cette histoire avec lui, qu’elle parle d’immigration, mais qu’elle reste à taille humaine, qu'elle soit incarnée au travers de cette histoire d'amour, au travers de cette construction familiale.

J'avais lu une phrase de Laurent Gaudé dans son roman Eldorado, qui disait qu'il y a toujours une génération qui se perd dans la migration, cette génération, ce sont les enfants de tous ceux qui ont décidé de partir et qui ont de fait imposé cette migration. Mais il faut attendre deux ou trois générations pour vraiment être enraciné dans le pays. Comme s’il y avait un maillon faible dans la migration. Pour son petit frère, c’est différent puisqu’il est né en Italie, donc il y a suivi un cursus scolaire. Donc, comment tu fais alors que tu viens d'un écart culturel, physique, économique de 4000 kilomètres entre le Burkina et l'Italie ?

Il y a le poids de l'héritage familial, mais aussi de la société qui accueille, qui fait que ce type de profils ne pourront pas avoir accès à autre chose que les boulots que les Italiens ne veulent plus faire.

Quelles étaient vos références, les films ou les lectures qui vous ont nourri ?
J’ai beaucoup regardé les films du documentariste Roberto Minervini, qui travaille vraiment dans un temps long. Pour ce film, on a à chaque fois des longs moments au Burkina ou en Italie, on passait peut-être deux ou trois semaines avec vivant avec la famille de Sokuro. Parfois on tournait à peine 10mn par jour, mais on était dans le partage. C'était une façon aussi de les respecter.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy