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SAN SEBASTIÁN 2023 Séances Spéciales

Thomas Lilti • Réalisateur de Un métier sérieux

"Le collectif, le groupe, c’est la solution"

par 

- Le cinéaste français explique pourquoi il a décidé de plonger en fiction dans le quotidien des enseignants avec son style mêlant réalisme, comédie et drame

Thomas Lilti  • Réalisateur de Un métier sérieux

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, actuellement à l’affiche des salles françaises et sélectionné hors compétition au 71e Festival de San Sebastián est le 5e long métrage de Thomas Lilti qui vient d’enchaîner de très jolis succès au box-office avec Hippocrate [+lire aussi :
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Cineuropa : Pourquoi avoir décidé de vous intéresser au monde des enseignants après trois films sur l’univers hospitalier ?
Thomas Lilti : C’est aussi un milieu que je connais extrêmement bien car en dehors de mon père et de moi-même, il n’y a que des enseignants dans ma famille, de collège, de lycée, d’université. Donc j’ai beaucoup de tendresse pour ce monde dont j’ai vu les difficultés. Et je voulais continuer à creuser mes thématiques de prédilection : l’engagement dans son travail dans ces métiers d’utilité publique qui sont malmenés depuis des décennies avec des politiques publiques qui les abîment. Nous avons d’ailleurs tous un regard qui n’est parfois pas tendre sur les profs, notamment ceux du secondaire, de collège.

Au-delà de l’environnement familial, vous êtes-vous beaucoup documenté ?
Oui, c’est indispensable quand on veut épouser au mieux un métier et surtout pour comprendre les émotions que ressentent les profs, leur état d’esprit. J’ai fait un travail de recherche documentaire : regarder des reportages, lire des articles de journaux, etc. J’aime beaucoup le travail journalistique comme source d’inspiration car on est au plus près des individus avec leurs tics de langage, un parler spontané, etc. : il n’y a pas le prisme de la fiction et du romanesque que j’essaye ensuite d’apporter. Après, j’ai rencontré des enseignants en activité et je me suis plongé dans les décors : des salles des profs, des réfectoires, des classes. J’ai aussi rencontré de élèves, car même si la particularité du film est d’épouser seulement le point de vue des enseignants, les entendre parler de leurs profs a été assez instructif.

Comment avez-vous choisi le type de collège au coeur du film ?
Je ne voulais pas faire un film sur l’école, mais sur le métier d’enseignant. Qu’est-ce qu’enseigner ? Quelle est cette responsabilité ? Quel est ce métier qui s’est abîmé, qui est malmené, que plus personne n’admire, qui est dur, qui subit une crise des vocations ? Pourtant, je ne peux pas croire qu’il n’y ait pas des hommes et des femmes qui font sans passion et sans engagement total ce métier qui est au centre de nos vies. Donc il fallait que le film ne soit pas parasité par cette image qu’on a tout le temps de l’école, relayée par les médias et à juste titre, cette école qui va très mal, l’école des fait divers, du communitarisme, des quartiers en grande difficulté. Cette réalité qu’on voit dans les médias n’est pas du tout celle de la grande majorité de collèges français où cela va assez bien : il y a évidemment des difficultés et des élèves qui ne vont pas bien, mais ce n’est pas le chaos comme on l’entend tout le temps à la télévision. Voilà pourquoi c’était très important de n’être ni dans un collège en difficulté, ni dans un collège bourgeois. Les problèmes de la société actuelle, la banlieue, les défavorisés, la paupérisation de la population, m’intéressent évidemment, mais je savais que pour raconter vraiment ce qu’est le métier d’enseignant, je ne devais pas me faire parasiter par des problématiques qui sont plus grandes que celles de l‘école.

Un métier sérieux est un film choral. Comment avez-vous travaillé sur les personnages pour qu’ils soient des archétypes à la fois humains et réalistes ?
À partir du moment où l’on constitue un groupe, chaque personnage épouse un rôle et peut donner le sentiment d’archétype, mais je ne l’ai pas conçu comme ça, même si évidemment il faut que ce soit un groupe cohérent avec des caractères différents. Ce qui m’a permis de créer un groupe, c’est d’abord parce que je me suis intéressé à imaginer la vie intime de ces profs. Donc chacun avait une histoire un peu singulière. Quand on est élève, le prof n’existe que quand il entre dans la classe et jusqu’au moment où il en sort, et quand on le croise par hasard au supermarché, on trouve ça hallucinant, presque improbable. Je voulais raconter ce qu’on ne connaît pas : qu’est-ce qui se passe quand les profs ne sont pas en classe ? Ensuite, j’avais l’envie de réunir Vincent Lacoste et François Cluzet car c’étaient deux acteurs avec qui j’avais eu de très belles aventures cinématographiques, ce qui a un peu axé le film sur deux générations. Puis sont nés les autres personnages avec cette idée de troupe que j’apprécie : travailler avec des acteurs et actrices que j’aime beaucoup et comme ils ont de l’affection pour moi, cela va créer de l’affection et des liens entre eux. On dira peut-être que c’est une vision idéalisée et que tous les profs ne s’entendent pas comme ça, qu’il n’y a pas cette confraternité. Certes, mais mon objectif est de raconter la solidarité dans un collège car je pense sincèrement, comme je l’ai fait dans mes films sur les soignants, que le collectif, le groupe, c’est la solution dans ces métiers là, presque la bouée de sauvetage pour rendre supportable la difficulté du métier : montrer que ces hommes et ces femmes trouvent un peu de réconfort et de sens à leur travail, face aux difficultés et dans un métier aussi solitaire, parce qu’ils sont ensemble.

Ces enseignants sont aussi des parents et de parents d’élèves. Pourquoi avoir voulu explorer cet effet miroir ?
Comment peut-on déployer autant d’énergie à s‘occuper de 30 enfants différents plusieurs heures par jour et ensuite trouver encore l’énergie de s’occuper de ses propres enfants ? Et comment les profs font-ils quand ça ne se passe pas bien avec leurs enfants, avec leurs réussites ou leurs échecs scolaires ou simplement pour qu’ils fassent leurs devoirs ? Derrière les profs, il y a des parents, des hommes, des femmes, avec leurs chagrins, leurs problèmes du quotidien. C’est difficile dans tous les métiers d’harmoniser vie personnelle et vie professionnelle, mais pour les profs, c’est particulièrement prégnant.

Votre cinéma mêle toujours chronique, comédie, drame, romanesque, sujets intelligents mais volonté d’ouverture au grand public : quelle tonalité visez-vous ?
Ce style, je l’ai trouvé à partir d’Hippocrate et déjà les financeurs me demandaient quel était le ton du film car ils avaient besoin de le mettre dans une case. C’est difficile à définir mais je suis extrêmement attaché et de manière presque pointilleuse à recréer un sentiment de réalité en le mêlant à des histoires que je trouve très romanesques, à de la pure fiction. C’est ce mélange qui me donne mon inspiration. Ensuite, j’ai toujours en tête que je dois faire du divertissement car c’est le cinéma que j’aime (dans tous les sens du terme car par exemple Anatomie d’une chute [+lire aussi :
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me divertit tout en me faisant réfléchir) : aller au cinéma doit être un moment quand même agréable pour le spectateur. Mais c’est l’écriture des personnages qui porte ce mélange de comédie et de drame, qui permet de passer de l’une à l’autre, et ce n’est pas calculé.

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