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SUNDANCE 2024 Compétition World Cinema Documentary

Benjamin Ree • Réalisateur d'Ibelin

“Je voulais que les gens sachent que le monde du jeu vidéo peut être inclusif”

par 

- Le réalisateur norvégien entre dans le monde virtuel et y trouve de vraies émotions

Benjamin Ree • Réalisateur d'Ibelin
(© Kristoffer Kumar)

Dans Ibelin [+lire aussi :
critique
interview : Benjamin Ree
fiche film
]
, un titre présenté à Sundance dans le volet World Cinema Documentary Competition qui porte le nom de l'avatar du personnage central dans World of Warcraft, le Norvégien Benjamin Ree reconstruit l’existence en ligne de feu Mats Steen, qui souffrait d’une maladie musculaire dégénérative. Le résultat est un film qui ne parle pas de la mort, mais plutôt d'amitié, d’amour et de la vie.

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Cineuropa : La manière dont vous avez choisi de tourner ce film était sans doute la seule option, mais ça n'a pas dû être facile.
Benjamin Ree : Le montage a duré deux ans. Nous avons un film dans un film et au début, les spectateurs n'étaient pas très investis dans la partie animée. Ils se fichaient d'"Ibelin" : ce qui les intéressait, c’était Mats. Pour que ces transitions fonctionnent, nous avons dû charger toutes les scènes des questions qu'il se posait et des objectifs qu'il s'était fixés. Nous apprenons à le connaître à travers son blog et une voix off lue par un acteur, et puis on l'entend de nouveau dans cette vie d'avatar. C’est presque comme s'il prenait le public par la main. Dans cet univers, nous le voyons essayer de se faire des amis et de trouver l’amour, et ça, on peut s'y rapporter sans problèmes. Mais on ne fait pas que rencontrer ses amis : on rencontre leurs avatars, et ne se ressemblent même pas. Cela posait un autre challenge, parce qu’il fallait qu'on puisse les reconnaître tout de suite.

Certains se sont-ils opposés à votre idée de reprendre de vrais dialogues entre gamers ? Quand on joue sur une telle durée, on ne s'attend pas à ce que quelqu’un lise un jour les échanges.
Ces transcriptions des jeux de rôle entre gamers étaient sur un forum public. Ça a été utile, parce que ça en faisait de l’information publique, mais ensuite tout s'est effondré – ce qui, dans un sens, a été une chance, car ça a réduit la quantité de matériel qu’on avait. J’ai choisi les dialogues à partir de 4000 pages de texte. Ça vous donne une idée d’une vie vécue en ligne. J’ai remarqué petit à petit que c’était un récit d’apprentissage. Mats grandissait et faisait des erreurs. Il a aidé beaucoup de gens, mais personne n’est parfait tout le temps. Il y a eu des conflits. J’ai demandé la permission des amis de Mats, et ils ont dit oui à tout. La seule personne à qui je ne pouvais pas demander, c’était Mats lui-même : il est mort en 2014. Il a tenu sa maladie secrète dans le jeu mais vers la fin, il s’est mis à s’ouvrir sur la question dans son blog. Il a participé à un documentaire sur les équipements spécialisés. Je ne pense pas que j’aurais pu faire ce film s'il n'avait pas fait ces choix. Il voulait qu’on se souvienne de lui.

Ses parents disent : "Nous avons découvert toute cette vie qu'il avait en ligne, dont nous n'avions aucune idée". On suppose que ça va être affreux, mais au lieu de ça, vous créez vraiment la surprise.
Je n’ai pas de chiffres, mais mon impression est que 99 % de la couverture des médias sur le gaming est négative. Mon objectif était de rendre ce film compréhensible même de ma grand-mère, et que tous les gamers et adaptes de World of Warcraft s'y reconnaissent. Nous montrons cet autre côté aussi : vos amis en ligne ne savent pas tout sur vous. Mais je voulais que les gens sachent que ce monde peut être inclusif.

On peut comprendre qu'il ait gardé le secret sur sa situation. Si vous viviez avec une maladie débilitante et que vous pouviez l’oublier une seconde, pourquoi ne le feriez-vous pas ? La même chose vaut pour ses amis, mais ici, vous leur demandez de revenir sur certains traumatismes.
Par chance, en 2019, il y a eu un article sur Mats. Beaucoup d'entre eux ont participé, et ça a été une expérience positive. Il y a aussi le fait que les gens veulent être compris. Ils veulent raconter leur histoire. Ça a été douloureux mais gratifiant aussi, je l’espère, de parler de ce qu’ils avaient vécu à l’intérieur de ce jeu.

Je vois votre film comme un film galvanisant, ce qui est assez fou, compte tenu de son sujet. Avez-vous vous-même été surpris par cette chaleur humaine ?
C’est une perspective intéressante : comment un film sur un jeune homme qui meurt d’une maladie rare devient-il porteur d’espoir ? À un moment, Mats était vraiment au pire de sa maladie, il souffrait énormément. Et puis le voilà qui, en ne bougeant que ses doigts, aide des gens partout en Europe et change des vies ! Ça en dit long sur l'importance qu'a eue pour lui l'aide qu'on lui a apportée. Ma première pensée a été : "Il ne travaillait pas, donc il avait du temps pour les amis". Mais je me trompais. Il n’avait pas l’énergie pour cela, mais il a tout de même choisi de leur donner la priorité, de leur demander comment ils allaient et de les écouter. Je ne suis pas bon à ça, personnellement. C’est une des choses que j’ai apprises de lui.

Je suis né la même semaine que Mats, et nous avons joué ensemble enfants. Quand j’ai regardé ses vidéos de famille, j’étais là aussi. J’ai aussi reçu ces jeux à mon anniversaire. Ce film est plein d’espoir aussi parce que ses parents, alors qu'ils pensaient que Mats avait vécu une vie coupée du monde, se sont rendu compte qu’il a vécu toutes ces choses. Nous pouvons aider les gens qui n’ont jamais joué à comprendre ce que c’est que de faire partie d'une telle communauté.

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(Traduit de l'anglais)

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