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Andrzej Zulawski • Réalisateur

"Le cinéma doit être comme la queue d'un paon"

par 

C’est pour faire connaître, apprécier et promouvoir le potentiel des jeunes artistes qu'Andrzej Zulawski (L'important c'est d'aimer, Possession, La femme publique, La note bleue) a accepté de présider le jury de la première édition du Young Film Festival de Wrocław qui s'est déroulé du 2 au 4 juin 2005 dans la capitale de Basse-Silésie, en Pologne. Cineuropa a rencontré ce maître du cinéma polonais.

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Le Young Film Festival, dont vous présidez le jury est ouvert aux réalisateurs de moins de 40 ans. Comment analysez-vous vos propres films, ceux que vous avez réalisé à cet âge?
J’ai la conviction profonde que, comme disait Heracle, „panta rei” – tout coule, tout évolue. Ainsi, je ne peux plus me mettre dans la peau du jeune réalisateur qui tournait dans la réalité polonaise, au temps du régime communiste. Je me souviens quels étaient mes objectifs; j’essayais de les accomplir et je crois, au moins en partie, avoir réussi à le faire. Cependant, il n’existe pas, parmi mes films, un film précis que je considérerais comme le plus important. Un film ce n’est pas une oeuvre sculptée dans le marbre. Pour moi il n’y pas de films canoniques.

Pourtant, il arrive qu’un film entre dans l'Histoire malgré lui ou son réalisateur.
Le film, le cinéma en général, est soumis à un drôle de cycle. Autrefois j’adorais les films de Bergman. Récemment j’ai invité une jeune personne au cinéma, nous sommes allés voir Fanny et Alexandre. Au bout d’une heure on est sorti de la salle. Le film m’est apparu trop théâtral, ennuyant, prétentieux. Un autre exemple: Charlie Chaplin. Il y eut un temps où ses films étaient perçus comme trop sentimentaux. Aujourd’hui on y revient avec délice, on s’en délecte.

Depuis La fidélité (réalisé en 2000) vous n’avez plus tourné. Vous avez, par contre, écrit et publié de nombreux ouvrages. Par l'écriture vous vous êtes simultanément privé du moyen d’expression important qu’est l’image et vous vous êtes restreint au verbe. Cette réduction ne vous pèse pas?
Effectivement, j’ai publié 20 livres qui ont été traduits en plusieurs langues. Il est vrai que maintenant je voudrais revenir vers l’image, vers le film. Mais pendant ces dernières années j’avais des histoires à raconter; et, comme vous le savez bien, on ne peut pas tout filmer et – à l’inverse – on ne peut pas tout écrire. La littérature et le film s’entrecroisent. Le texte – le scénario – est à la base de chaque film, en même temps le livre absorbe de plus en plus le langage cinématographique. La littérature devient de plus en plus dynamique, rapide… D’où son délitement.

Le scénario de votre prochain film est-il déjà écrit?
Oui, mais je ne veux pas trop en parler car ce sera peut être mon denier film. J’ai 64 ans et je crois que c’est l’âge où il faut savoir dire "assez." La profession de metteur en scène n’est pas une profession pour les vieillards.

Après une période où vous avez tourné en France, vous pensez réaliser votre nouveau film en Pologne. Pourquoi?
Pour plusieurs raisons, mais surtout parce que je suis un cinéaste polonais.

Comment jugez-vous le cinéma polonais d’aujourd’hui?
La cinématographie polonaise vit une crise sérieuse. On ne produit plus de bons films dans ce pays. Les anciens maîtres ont vieilli, les jeunes ne savent pas faire de bon cinéma, ils ne reçoivent pas non plus de bonne éducation cinématographique. La cinématographie polonaise est en état d’agonie. Mon fils y tourne son film depuis deux ans et il n’arrive pas à le terminer. Le système de financement n’existe pratiquement pas. Les jeunes réalisateurs, accablés par la conscience permanente du manque d’argent, manquent d’ambition. Pour débuter, ils sont obligés de faire des films avec des budgets très bas.

Mais un film fait avec des moyens financiers restreints n'est pas forcément un mauvais film…
Je suis d’accord. On peut tourner un très bon film dans une chambre avec deux acteurs. Je vois partout dans le monde, dans les pays comme le Mexique ou l’Inde, les exemples d'un très bon cinéma qui ne coûte pas cher. Mais le cas des jeunes réalisateurs polonais est spécifique. Ils s’enferment pour filmer uniquement leur entourage, le gris de leur quotidien. Les spectateurs n’ont plus besoin de regarder sur l’écran la réalité qui fait partie de leur expérience journalière. Le cinéma doit être comme la queue d'un paon. Il faut qu’il y ait de la place pour tout: la comédie, le drame, les films pour enfants, l’histoire intime, le grand spectacle. Cette diversité assure la vie du cinéma. Sans elle, comme montre l’exemple polonais, le cinéma est au seuil de la mort.

Y a t-il une chance de le ressusciter?
Je crois dans le potentiel des jeunes. C’est pour soutenir leurs nouvelles initiatives que j’ai accepté de présider le jury du Young Film Festival. La Pologne est un pays étrange où même sur les chemins abandonnés poussent encore les fleurs. Et ceci sera toujours le cas.

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