email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FILMS / CRITIQUES

Le Havre

par 

- Une élégance de maestro, un humour distancié et un engagement politique subtil. Le grand oublié du palmarès de Cannes 2011.

Avec Le Havre [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Aki Kaurismäki
fiche film
]
, présenté en compétition officielle du 64e Festival de Cannes, l'inimitable réalisateur finlandais Aki Kaurismäki (Grand Prix du festival de Cannes 2002 avec L'Homme Sans Passé [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
) signe une fable utopique et constamment en décalage avec son temps.

Bien qu'il n'en comprenne pas le moindre mot, Kaurismäki est revenu tourner dans la langue de Molière en France et plus précisément en Haute-Normandie dans la petite ville portuaire du Havre, vestige préservé de l'épreuve du temps. Marcel Marx (André Wilms) cire des chaussures. Lorsqu'un container empli de clandestins est découvert par la police, un petit garçon africain (Blondin Miguel) parvient à s'enfuir et à trouver refuge chez Marcel qui va l'aider à rejoindre l'Angleterre.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Œuvre la plus aboutie d'un réalisateur qui a souvent été taxé de cynisme, Le Havre est une petite merveille d'intelligence, d'inspiration formelle et d'humour décalé. Les références y sont nombreuses et elles contribuent à installer le film dans un rythme de comédie charmante, mâtinée de surréalisme. Le dénommé Marcel Marx est un ancien écrivain. Il s'exprime dans un français châtié et désuet, manie l'imparfait du subjonctif avec la même dextérité que le chiffon avec lequel il fait briller les chaussures. C'est un seigneur comme il en existait autrefois chez les gens de peu à moins que ce type de personnage n'ait jamais existé, mais cela, Aki Kaurismäki se refuse à le croire. Le réalisateur s'adoucit avec l'âge et son optimisme laisse rêveur.

Chez Kaurismäki, le minimalisme est un art de stylisation du réel. D'aucuns seront d'emblée réfractaires à une façon de jouer qui consiste à réciter son texte, l'œil vide, mais il s'agit en réalité d'une formidable incursion dans l'absurde, parfaitement maîtrisée. Les dialogues sont systématiquement désynchronisés de leur sujet et c'est la porte ouverte aux surprises à chaque coin de phrase. Pour diriger son casting étranger, le cinéaste s'est fié à la musicalité du langage et à la sobriété des mouvements qu'il veut les moins démonstratifs possible.

L'histoire se déroule de nos jours, mais le réalisateur la situe dans un environnement archétypal qui semble tout droit importé de la France rurale des années 60. Politiquement, les enjeux sont bien actuels. L'immigration clandestine, le zèle de la police et le cirque politique sont autant de thèmes que le film survole dans une réalité humaine qui est, par ailleurs, complètement fantasmée. Les hommes du Havre sont gentils et fraternels. Leur cœur est solide et bon. Lorsqu'un inspecteur façon Melville (Jean-Pierre Darroussin) est déployé pour exercer son métier de répresseur, il cède naturellement à la bonté environnante. Au diable le réalisme s'il y a une belle leçon à tirer au passage !

Au final, Le Havre est une histoire élégante et rythmée dans laquelle l'humour stoïque et la générosité priment sur les discours politiques et la gravité du quotidien. Un film simple et à la fois très compliqué à réussir. Une merveille.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy