email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SÉVILLE 2016

Wrong Elements : l'acte de se souvenir

par 

- L’écrivain Jonathan Littell réalise son premier film, un documentaire sur d’anciens enfants soldats du groupe guérillero ougandais LRA qui affronte la réalité par la mémoire

Wrong Elements : l'acte de se souvenir

La scène d’ouverture de Wrong Elements [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
est aussi symbolique que prometteuse : au beau milieu de la jungle, la caméra se déplace et s’enfonce dans la végétation dense, capturant au passage quelques bribes de personnes qui se cachent et s’enfuient, des personnes que l’on ne voit jamais. Le moment est d’autant plus frappant lorsque l’on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’adultes, mais bien d’enfants et d’adolescents. L’écrivain franco-américain Jonathan Littell, auteur du roman Les Bienveillantes dans lequel il plonge dans l’un des épisodes les plus horribles de l’humanité (l’Holocauste), s’attaque à présent à un autre acte effroyable de guerre et de politique, plus actuel et en Afrique cette fois : l’enlèvement de plus de 40 000 enfants et adolescents par la Lord’s Resistance Army (LRA, l’Armée de résistance du Seigneur), le groupe guérillero paramilitaire du peuple Acholi, dirigé par Joseph Kony et établi dans la jungle du nord de l’Ouganda, dans le but de les convertir en une armée sans volonté propre. Le documentaire, qui marque son entrée dans le monde du cinéma, a été présenté mondialement hors compétition au dernier Festival de Cannes et fait aujourd’hui partie de la section Nuevas Olas No Ficción du 13e Festival du cinéma européen de Séville.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Trois de ces enfants ont été sélectionnés par l’écrivain pour structurer le regard qu’il porte sur ce fait. Ce sont Geoffrey et Michael, qui faisaient partie des personnes enlevées et Nighty, forcée à être l’une des femmes de Kony à un âge précoce, qui nous raconte leurs histoires. En effet, pour le réalisateur, il était tout aussi important de parler de ce qu’ils ont fait durant la période qu’ils ont passée sur le territoire de Kony que de montrer les résultats du processus de réintégration dans la société à laquelle ils ont été arrachés depuis des années. C’est une société rurale, simple et insouciante : à Gulu, le village de leurs origines, Geoffrey et Michael sont chauffeurs de taxis-motos et Nighty est une mère altruiste qui prend soin de son fils, né de l’un des viols de Kony. Littell les laisse s’approcher des spectateurs sans trop s’interposer ; leurs pensées et sentiments transparaissent sans fioritures et, lors d’un voyage à Djebelin, là où se situait leur campement, ils reconstituent eux-mêmes ce qu’ils faisaient il y a des années (se cacher dans la broussaille quand ils entendaient des hélicoptères approcher, faire la cuisine quand ils étaient ‘’de service’’ ou enlever des paysans, bien que cette fois, ils utilisent des armes en bois).

Les prises des protagonistes capturent des images puissantes, comme l’exorcisme d’un présumé mauvais esprit d’une autre ancienne petite fille soldat ou encore l’introduction d’archives de télévision montrant les camps de réfugiés. La musique baroque, pompeuse et majestueuse, de Jean-Sébastien Bach y ajoute une atmosphère intéressante, tout en restant un choix stylistique déconcertant.

La moralité critiquable de ceux qui ont pris part à cette histoire est suggérée dès le début du film, avec une citation sur fond noir de la médium et chef des rebelles Acholi Alice Lakwena, ‘’la guerre a pour objectif d’éliminer tous les mauvais éléments de la société’’ ; et reste présente lorsque les ‘’innocents’’ deviennent ‘’coupables’’, documentant ainsi la remise de l’un des chefs de la LRA, Dominic Ongwen, aux autorités internationales. Bien que le thème abordé puisse rappeler des œuvres récentes comme The Act of Killing – L’acte de tuer [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
ou Beasts of No Nation, Wrong Elements est suffisamment fort pour devenir l’un des films marquants de l’année.

Le documentaire est produit par les compagnies Veilleur de nuit (France), Wrong Men (Belgique) et Zero One Film (Allemagne). Les ventes à l’étranger sont assurées par Le Pacte.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'espagnol)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy