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CANNES 2023 Quinzaine des Cinéastes

Critique : Agra, une famille indienne

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- CANNES 2023 : L’Indien Kanu Behl plonge dans le chaos cauchemardesque d’une famille indienne pour traiter le sujet des conséquences de la frustration

Critique : Agra, une famille indienne

Accrochez vos ceintures et âmes sensibles s’abstenir ! Car si la ville indienne d’Agra, une famille indienne [+lire aussi :
interview : Kanu Behl
fiche film
]
, titre du nouveau film de Kanu Behl, présenté à la 55e Quinzaine des Cinéastes du Festival de Cannes est mondialement célèbre pour le Taj Mahal, elle est aussi localement bien connue pour abriter le plus grand hôpital psychiatrique du pays. Et c’est dans un véritable cauchemar humain, familial et urbain que le cinéaste propulse le spectateur avec son second long métrage après Titli, une chronique indienne (sélectionné à Un Certain Regard en 2014). Un film coup de poing aussi éprouvant qu’audacieux qui ne laissera personne indifférent et que seul un cinéaste formellement aussi talentueux que Kanu Behl pouvait amener à bon port par-delà la noirceur ambiante.

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"Elle est à moi, la terrasse !... Je la prendrai coûte que coûte." À 24 ans, Guru (Mohit Agarwal) est en pleine crise, comme un animal en cage. Il n’a jamais eu de copine et ne réussit pas à en trouver, projetant ses fantasmes de jour comme de nuit dans un état de frustration sexuelle si intense qu’il est au bord de l’explosion, ce qui n’arrange guère ses relations très houleuses avec ses proches. Il faut dire que la maisonnée est en pleine ébullition car le père (Rahul Roy) vit à l’étage avec sa seconde femme (Sonal Jha) alors que la mère (Vibha Chibber) qui déborde de haine à cause de l’abandon marital, partage le rez-de-chaussée avec Guru. Quant à la fameuse terrasse, elle est également convoitée par la cousine Chhavi (Aanchal Goswami) qui voudrait y installer un cabinet dentaire. Disputes homériques et violentes, menaces de suicide (au détergent et à l’essence), hallucinations de Guru, bagarre terrible avec un médecin, agression sexuelle : le chaos est total jusqu’à ce que le jeune homme rencontre enfin une femme (Priyanka Bose), une veuve au pied bot, et qu’une nouvelle donne s’opère dans la famille puisque le père a maintenant une troisième femme et qu’il souhaite reconstruire la maison sur cinq niveaux pour satisfaire tout le monde. Mensonges, manoeuvres, négociations avec un promoteur immobilier : la famille dysfonctionnelle n’est pas au bout de ses peines…

Portrait cinglant d’une micro société indienne agressive et détraquée par la frustration à la fois sexuelle et liée au manque d’espace, par un pouvoir patriarcal bloquant les espérances de la jeunesse et par une culture de complications dès que de l’argent est en jeu, le tout dans une cacophonie sonore urbaine, Agra est un film plus que saisissant. N’hésitant pas à miser sur un personnage principal quasiment repoussant dans la première partie de l’intrigue, le réalisateur change ensuite son fusil d’épaule pour élargir son propos à la quête obsessionnelle de territoires individuels d’existence personnelle au sein d’une solidarité familiale retrouvée ("si on ne se bat pas ensemble on va se retrouver à la rue", "dans une si grande ville, on ne peut pas vivre seule"). Deux facettes d’excès mises en scène avec une indiscutable maestria, mais qui heurteront vraisemblablement certains à cause de la crudité initiale déchaînée, et d’autres en raison de la nébulosité de l’intrigue secondaire. Mais nul ne pourra dire que Kanu Behl est un cinéaste ordinaire.

Produit par les Indiens de Saregama India et coproduit par les Français de UFO Production, Agra, une famille indienne est vendu à l’international par Les Films de l'Atalante et Saregama.

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