31/10/2023 - Carlota Nelson signe un stimulant film-surprise, camouflé en documentaire télévisuel, qui nous rapproche d'une fascinante artiste qui raconte des histoires émouvantes à travers des images

Quiconque connaît le travail de la photographe originaire de la Manche Cristina García Rodero ne saurait nier que chacun de ses clichés déborde de talent, d’humanité et, surtout, raconte mille histoires en une seule image. Elle a chroniqué des festivités, des traditions, des moments et les réactions des gens dans un environnement parfois réel, parfois débordant de l'imagination dont l’être humain est capable. La semaine dernière, la 68e Seminci - Semaine internationale du cinéma de Valladolid a accueilli la première mondiale du documentaire Cristina García Rodero - La mirada oculta [+lire aussi :
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fiche film], qui dévoile comment cette artiste regarde le monde. Les programmateurs du festival ont eu la sagesse (alors que cette décision aurait a priori pu sembler audacieuse ou absurde) de proposer le film hors-compétition, une place que méritait largement ce long-métrage de Carlota Nelson (Anclados, Brain Matters).

C'est qu'au sein d'un programme chargé, un documentaire à la saveur hagiographique risque souvent d’être relégué au second plan quand parfois, l'émotion, la surprise et la beauté qu'il invoque dépassent largement ce qu'offrent beaucoup des films les plus en vue du festival. C’est bien le cas ici. Pourquoi ? Parce que ce film dépeint un être fascinant : une femme menue, libre, indépendante, courageuse et tenace qui non seulement s'adapte au paysage humain qu'elle saisit avec son téléobjectif, mais met aussi parfois en jeu son intégrité physique, au milieu d’une fête colorée en Inde ou dans la houle d'une fête patronale andalouse.

Ce documentaire, ponctué par des propos tenus par la photographe autodidacte lors d’une interview conduite par la réalisatrice, présente aux spectateurs la manière de travailler et de comprendre son métier (et la vie) d’une personne au charisme irrésistible dont les nombreux trophées ne lui sont pas montés à la tête. Au contraire, García Rodero est d'une humilité désarmante. La photographe, qui a reçu après la projection du film à Valladolid le Prix spécial de la création artistique, reconnaît devant la caméra de Nelson que comme beaucoup de cinéastes, elle ressent beaucoup d'émotion quand elle voyage vers un autre continent, en quête d’une image qui puisse transmettre passion, beauté et vérité. Elle précise aussi qu'elle vient de la peinture (elle est diplômée des Beaux-Arts et y enseigne à présent, et de fait, certaines de ses photographies évoquent les tableaux de Vélasquez, du Caravage ou de Murillo) et dit qu'elle se sent très heureuse quand elle travaille. Elle considère qu'à 73 ans, il lui faut profiter de chaque instant pour continuer de se consacrer corps et âme à sa vocation.

C'est ce même élan qui a amené, en 2001, notre anthropologue visuelle jusqu’au Nevada pour le festival Burning Man, et c'est là qu'elle a rencontré Nelson. À partir de là s'est développée entre elles deux une amitié qui aura été le germe de ce long-métrage qui fait l'effet d'un soupir, en partie grâce aux photographies hallucinantes et émouvantes qui l'illustrent et arrivent à vaincre le temps, immortalisant des moments qui ne se reproduiront plus mais qui, grâce à García Rodero et à ce film, vivront à jamais.

Cristina García Rodero - La mirada oculta a été produit par Wanda Films, Ojos Cabeza Corazón AIE, RTVE et Castilla-La Mancha Media.

(Traduit de l'espagnol)