email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2024 Compétition

Critique : The Devil’s Bath

par 

- BERLINALE 2024 : Le duo Veronika Franz-Severin Fiala s'immerge dans l'esprit torturé de la femme d'un fermier du XVIIIe siècle

Critique : The Devil’s Bath
Anja Plaschg dans The Devil’s Bath

L'histoire se passe en 1750 dans un petit village au nord de l’Autriche. Une femme prend dans ses bras un bébé qui pleure et va le promener dans la verdure impénétrable de la forêt, le long d'une fraîche rivière qui déploie ses méandres à travers les pierres et la terre et conduit à une chute d'eau tonitruante. Là, sans ciller, la femme jette le bébé, et il meurt. Le film ne s’attarde cependant pas sur ce moment. Dans la scène suivante, la femme frappe à la porte d’une église : elle a un meurtre à confesser. Quand on l'apercevra de nouveau, elle ne sera plus qu'un corps sans vie placé en hauteur, au-dessus de la vallée, en guise d'avertissement pour que les autres gens ne s’éloignent pas trop de la rectitude prescrite par la religion.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Que s’est-il donc passé ? Le duo autrichien Veronika Franz-Severin Fiala, auquel on doit ce film, The Devil’s Bath [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Veronika Franz, Severin Fi…
fiche film
]
, présenté en compétition à la 74e Berlinale, ne donne pas immédiatement de réponses. Les auteurs décident plutôt de déplacer leur attention sur l’héroïne du film, Agnes (Anja Plaschg), une jeune femme sensible et profondément croyante. Quand on la rencontre, elle est sur le point d’être mariée à Wolf (David Scheid). Comme il n'est que le deuxième fils d’une fermière nommée Gänglin (Maria Hofstätter) et ne peut de fait espérer qu'un maigre héritage, leur mariage est manifestement destiné à être riche en épreuves, et fortement guidé par la tradition. Les traditions sont, d’un côté, ce qui maintient cette communauté en vie, mais de l’autre, elles requièrent la maternité et l'assujettissement de l’épouse.

Si les premiers moments du film sont baignés de soleil, comme un souvenir heureux et fugace, les co-réalisateurs ne tardent pas à assombrir l’atmosphère. La nature, un labyrinthe d’arbres, de pierres et de rivières qui se croisent, devient une ennemie menaçante qui enserre de plus en plus Agnes, créant autour d'elle un espace suffocant. Les attentes instillées en elle, le fait que Wolf refuse de la toucher et les critiques constantes de sa belle-mère se mettent à ronger sa santé mentale et physique. Sa tête se met à tourner et elle entend des chuchotements : Agnes n'est pas adaptée à la vie qu'elle a. La mère assassine du début, dont elle aperçoit par hasard le corps sur un plateau, génère en elle une fascination morbide qui est un fantasme d’évasion, une possible issue.

À cela près que l’Église a encore une emprise très forte sur les gens, et le suicide est un péché mortel pour lequel il n’y a pas d’absolution. Agnes va devoir prendre des mesures radicales pour se libérer de la situation désespérée dans laquelle elle se trouve. Même s’il semble facile d'identifier la source de la souffrance d’Agnes (c'est à l'évidence l'univers qui l'entoure), Franz et Fiala s'abstiennent de désigner un ennemi précis. Ce qui les intéresse, c'est de mettre en lumière les pauvres, les illettrés et les femmes, dont les histoires sont rarement racontées dans les livres d'histoire.

En optant ainsi pour une approche historique, non seulement les auteurs brossent le tableau d’un temps révolu, mais ils attirent aussi l’attention sur un chapitre sombre de l’histoire, dont le schéma n'est pas exclusif à la campagne autrichienne, mais se retrouve partout en Europe. Le film, surtout dans ses dernières minutes, inoubliables, devient aussi une réflexion sur le dogmatisme, le salut qu'il prétend garantir et le contraignant corset des injonctions, qui mènent à la tragédie.

The Devil’s Bath est un film qui continue d'accompagner le spectateur un moment. C’est un film dramatique qui puise dans le riche attirail d'instruments liés au cinéma d'horreur de Franz et Fiala, tout en s'émancipant de ce genre qui les a fait connaître. Toute l'histoire des femmes reste un espace en blanc, un traumatisme séculaire qu'on a toujours effacé : The Devil’s Bath essaie de faire le jour sur une petite portion significative de cette histoire.

The Devil’s Bath a été produit par les sociétés autrichiennes Ulrich Seidl Filmproduktion et Heimatfilm. Les ventes internationales du film sont assurées par Playtime.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)


Galerie de photo 21/02/2024 : Berlinale 2024 - The Devil's Bath

11 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.

Veronika Franz, Severin Fiala, Anja Plaschg, David Scheid, Maria Hofstatter
© 2024 Dario Caruso for Cineuropa - dario-caruso.fr, @studio.photo.dar, Dario Caruso

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy