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CPH:DOX 2024

Critique : Jardin noir

par 

- Ce documentaire d'Alexis Pazoumian livre un récit poignant sur une vie dans les affres de la guerre

Critique : Jardin noir

Deux jeunes garçons courent à travers des paysages vallonnés tandis que la neige fond sur les collines. Ils se courent après par jeu, puis lancent un grand cri dans les airs. Cette scène soigneusement cadrée, située dans le village de Talish, dans le Haut-Karabagh, est la séquence d'ouverture du documentaire Jardin noir [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, du photographe et réalisateur franco-arménien Alexis Pazoumian, qui a fait sa première mondiale en compétition internationale cette année à CPH:DOX.

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Le film nous replonge au début de 2020, quand la vie semble revenir à la normale à Talish, juste à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, malgré les traces de dévastation laissées par les Azéris lors de la guerre des Quatre Jours de 2016. Ceux qui sont revenus au village essaient de reprendre leur vie là où ils l'avaient laissée. Avo et Samvel adorent faire tout ce qu'aiment faire les gamins de dix ans : rouler dans les rues à vélo, se raconter des blagues et pouffer de rire. Le jeune Erik fait quant à lui son service militaire près de la frontière. Ses journées en garnison paraissent tranquilles, et quand il n’est pas occupé à s'entraîner au combat, il fait des figures de gymnastique et parle de retourner à l’université. Karen, bûcheron et ancien combattant, se remémore le passé, quand Talish était un des plus grands villages du Haut-Karabagh. "Avec toutes les guerres, nous avons dû fuir trois fois", dit-il.

 "Comment la vie quotidienne s'exprime-t-elle dans les temps incertains, perpétuellement au bord de la guerre ?", écrit Pazoumian dans sa note d'intention en se référant au conflit du Haut-Karabagh. Peut-être pour tenter de trouver une réponse à la question qu'il pose, le réalisateur a filmé la vie dans le Haut-Karabagh, verrouillée dans l'anticipation d’une nouvelle guerre, plongée dans un calme inquiétant qui plane au-dessus des paysages dévastés de Talish. Dans entre-deux de la guerre, les chants patriotiques ne cessent de résonner, et les enfants à l’école apprennent des gestes de défense et comment manier un fusil.

Le film, où des cartons marquent clairement la chronologie, nous place au coeur des événements qui s'y déploient, suivant précisément le parcours de chacun des personnages. L’Azerbaïdjan lance, en septembre 2020, une attaque qui représente une énorme surenchère au conflit toujours non-résolu qui affecte la région. Au lendemain de cette reprise des hostilités, les familles d'Avo et Samvel fuient vers la capitale arménienne. Erik va aussi à Erevan pour sa rééducation, après avoir perdu une jambe dans une explosion. Karen, également déplacé, se retrouve à Stepanakert, toujours dans le Haut-Karabagh. En suivant de près ses personnages sur trois ans, le film brosse un triste tableau  des tensions de plus en plus graves dans la région, notamment du blocus de l’enclave, en 2022, de la grande offensive de l’Azerbaïdjan en 2023 et de l'exode massif des Arméniens du Haut-Karabagh qui s'est ensuivi.

La guerre n'est jamais glorieuse, même quand elle est racontée dans un film ou un poème. Le long-métrage de Pazoumian met en évidence ce sentiment, tout en restant fidèle à la perspective des gens du Haut-Karabagh sans jamais s'en détacher pendant tout le film. Avec beaucoup de sensibilité et un bon sens de la nuance visuelle, le réalisateur fait courir le motif du deuil presque tout au long du film, élargissant la métaphore de la douleur fantôme pour essayer de comprendre ce que vit quelqu'un qui perd son pays. L'usage très artistique que fait Pazoumian de la lumière contribue à teinter d'une mélancolie discrète les images lumineuses et méticuleusement composées du film, restituant un lieu atemporel, un Haut-Karabagh qui continuera pour toujours d'exister dans les chansons et l'imagination des gens.

Jardin noir a été produit par la société française Solent Productions, en coproduction avec la belge Naoko Films. Les ventes internationales du film sont assurées par Syndicado Film Sales.

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(Traduit de l'anglais)

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