email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CINÉMA DU RÉEL 2024

Critique : Leaving Amerika

par 

- À travers le magnifique et touchant portait d’un afro-américain, Marie-Pierre Brêtas tisse un passionnant road movie révélateur des fractures sociales et raciales aux États-Unis

Critique : Leaving Amerika

"L’adversité construit le caractère", "je sais ce que vous voulez mais vous ne l’obtiendrez pas de moi. Mon peuple vient de trop loin et je viens de trop loin dans ma vie pour me soumettre ou me laisse déshumaniser pour vous mettre à l’aise." Au cinéma et à fortiori dans le documentaire, le choix des personnages est crucial. Avec Derrick Johnson, le captivant protagoniste de Leaving Amerika, dévoilé en première mondiale dans la compétition internationale du 46e festival Cinéma du réel, la cosmopolite réalisatrice française Marie-Pierre Brêtas (appréciée pour ses oeuvres brésiliennes La Campagne de Sao José et Hautes terres) a touché le jackpot en termes de charisme, de "flow" et de parcours hors normes.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Autant d’atouts crevant d’emblée l’écran dans une sensationnelle séquence d’ouverture et renforcés par l’amitié de longue date entre la cinéaste (qui cadre elle-même et très bien) et son sujet. Un lien né d’une rencontre de hasard il y a 30 ans sur une plage new yorkaise et qui a survécu miraculeusement aux embardées du temps.

C’est donc au cœur d’un voyage très intime démarrant de nuit sur le parking d’un Walmart floridien où Derrick dort dans sa voiture ("je pourrais me payer un loyer, mais ça me ramènerait toujours au même point : vivre de facture en facture") dans lequel nous embarque un film qui va beaucoup se déplacer, de Johnson City (Tennessee) à La Havane (où Derrick planifie depuis des années son expatriation), de Miami à Brooklyn jusqu’à Ithaca. Une géographie qui reconstitue peu à peu le passé tumultueux de Derrick, jeune d’un quartier où il fallait impérativement se faire respecter avec ses poings, étudiant à Cortland (où sa vie prendra un tournant névralgique), trafiquant de drogue, taulard, poète (auteur de A Black Man’s Journal – Poetic Expressions), militant afro-américain, travailleur pauvre de l’Amérique ultralibérale (entre autres chauffeur Uber).

Après avoir longtemps tenté de jouer le jeu social en respectant des règles qui ne s’harmonisent guère avec sa personnalité ("on ne les laisse pas nous briser ou nous opprimer", "si tu connais tes droits, ils te regardent comme un problème"), notre homme a maintenant décidé de retrouver sa liberté, d’essayer accomplir son rêve, "d’aller à contre courant, de sortir de la boîte, de faire ce qui n’est pas conventionnel ou que l’Amérique juge non conventionnel". Avant son exil solaire définitif en solitaire à La Havane, Derrick fait donc le tour de sa famille et de quelques amis, accompagné sur les routes par son amie cinéaste, dialoguant avec elle, vidant les garde-meubles des pierres angulaires de son existence et de sa mémoire dans une nation qui ne fait pas de cadeaux.

Laissant le champ libre à son fascinant personnage féru d’introspection, acceptant les temps plus faibles pour mieux intensifier en contraste les passages les plus poignants, et intégrant avec bonheur les accidents de tournage (en particulier le passage furtif d’un clochard en chapeau haut de forme aux couleurs du drapeau américain qui lui glisse : "Abracadabra"), Marie-Pierre Brêtas délivre un documentaire remarquable sur les méandres d’une quête (trouver sa place dans le monde) et sur la bravoure, l’endurance et la foi aiguisée en ses rêves nécessaires pour parvenir à ses fins.

Produit par les Français de Bootstrap Label (qui gère aussi les ventes), Leaving Amerika a été coproduit par 8h13 Productions.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy