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Appel des professionnels du cinéma, conférence de Liverpool, octobre 2005

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- Le manifeste des professionnels du cinéma, diffusé au cours de la Conférence de Liverpool en 2005. Les signataires invitent la Commission à saisir l'occasion de réviser la directive Télévision Sans Frontières, afin d'étendre aux fournisseurs d’accès et aux sociétés de telecom, les règles qui imposent aux télévisions d’investir dans la production indépendante.

Défendons la diversité culturelle !

Voilà plus de 15 ans maintenant que l’Europe s’est dotée d’une réglementation de ses activités télévisuelles avec la directive Télévisions Sans Frontières (TVSF). Ambitieuses et cohérentes, les règles qu’elle a posées conservent aujourd’hui encore toute leur légitimité, qu’ils s’agisse des obligations de diffusion et de production qui imposent aux radiodiffuseurs de consacrer une part de leur programmation aux œuvres européennes ou encore des dispositions encadrant la publicité ou la coupure des œuvres. La législation européenne a témoigné de son efficacité et de sa contribution essentielle à une protection de la production, à une meilleure exposition de nos œuvres et à l'expression de nos diversités.

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Mais durant ces 15 années, le monde de la télévision s’est profondément transformé. L’arrivée récente de nouveaux services et les bouleversements technologiques rendent nécessaires une révision de cette directive. L'avenir de l'ensemble de la création cinématographique et audiovisuelle européenne en dépend.

La Conférence de Liverpool qui a réuni tous les acteurs européens de l’audiovisuel pour débattre des orientations que devrait prendre la nouvelle réglementation européenne vient de se clore, laissant planer de sérieuses zones d’ombre sur la politique audiovisuelle future de l’Europe. Nos craintes sont en effet profondes de voir la Commission réviser à la baisse ses ambitions d'impulsion de la diversité culturelle et, dans une vision à court terme, céder aux pressions de quelques industriels soucieux d’échapper à toute contrainte.

Or les évolutions technologiques n’ont pas démodé ou ringardisé le principe de la diversité culturelle. C'est au contraire une idée moderne que d’empêcher une ou quelques cultures dominantes d’imposer aux plus faibles leurs modes de penser, d'écrire ou de vivre.

Certes, la diffusion des œuvres ne répond plus à un schéma monolithique. Désormais, elles peuvent être vues sur un écran de télévision ou d’ordinateur ou encore sur un téléphone portable. Mais, au virage technologique ainsi pris par l’exposition des œuvres, doit coïncider, à notre sens, un virage politique et stratégique de la Commission européenne ; faute de quoi, au fil du progrès technologique, les régulations lentement acquises seraient condamnées à perdre toute portée.

L’enjeu est bien là : c’est celui d’étendre à ce qu’on appelle techniquement "les services non linéaires" (et qui recouvrent notamment les services de vidéo à la demande) les engagements en termes de diversité culturelle et de promotion de la production audiovisuelle européenne qui ne valent aujourd’hui que pour les services traditionnels de télévision.

L’industrie des télécommunications, dès lors qu’elle participe également à l’exposition des œuvres, ne peut plus désormais être exonérée de quelconque obligation en faveur de la diversité culturelle. Elle ne saurait, sous le prétexte d’un marché économique naissant, échapper à une contribution juste et équilibrée, et à des engagements vis-à-vis de la création et de la production, au même titre que les diffuseurs de télévisions.

Si nous ne sommes pas capables d’adapter aujourd’hui les règles pour inciter l’ensemble des opérateurs diffusant et investissant dans des œuvres de création à respecter la diversité culturelle, il y a fort à parier que l’uniformisation et l’homogénéité s’imposeront au détriment de l’innovation, de l’audace et de la qualité.

Aujourd’hui et plus encore demain, nous devrions assister à un fort développement des nouveaux services permettant la mise à disposition du public de films et d’œuvres audiovisuelles. Mais quelle valeur ajoutée pour la création européenne si nos films et nos téléfilms n’y figurent pas ? Quel intérêt pour nos concitoyens si l’offre est circonscrite à des produits formatés, provenant en majorité des Etats-Unis et, pour nos jeunes enfants, du Japon ? Quelle image pour l’Europe si elle ne fixe pas à l’ensemble des opérateurs (chaînes, fournisseurs d’accès à Internet, opérateurs télécoms) des règles communes et unifiées contribuant à la production et à la mise en valeur des œuvres européennes ?

La Commission doit saisir l’opportunité qu’offre la révision de la directive TVSF pour généraliser à l’ensemble des opérateurs de contenus audiovisuels les règles de soutien à la diversité culturelle. Elle commettrait une erreur politique lourde de conséquences à la fois pour l'identité européenne et pour la création si elle manquait ce rendez-vous.

Nous avons toujours pris nos responsabilités et payé de nos personnes pour faire entendre nos voix à Bruxelles, à Genève ou à New York. Nous nous sommes toujours mobilisés pour réaffirmer l'idée de l’importance fondamentale de la protection d’une variété des expressions.

Il nous faut rendre cette vision de la culture, vivante, concrète et directement applicable, partout et pour tous.

L’Europe a su parler d’une seule voix pour élaborer la Convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui vient d’être adoptée à l’UNESCO. Cette convention représente le premier instrument international de soutien à la diversité de la création. Il serait paradoxal et finalement dramatique que l'Europe défasse d'un côté ce qu'elle a contribué grandement à élaborer de l'autre.

Nous ne comprendrions pas que l’Europe, sur son propre territoire, ne défende pas avec davantage d’ambition, de sincérité et de force la diversité culturelle auprès de l’ensemble des diffuseurs d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques. L’avenir de la création, de son pluralisme, de sa vitalité et de sa richesse en dépend.

Les cinéastes signataires :

Alejandro Amenábar
Luc et Jean-Pierre Dardenne
Marco Tullio Giordana
Francis Girod
Francesco Maselli
Maria de Medeiros
Radu Mihaileanu
Claude Miller
Manoel de Oliveira
Edgar Reitz
Volker Schlöndorff
Ettore Scola
Danis Tanovic
Bertrand Tavernier
Paolo et Vittorio Taviani
Fernando Trueba
Liv Ulmann
Margarethe Von Trotta
Andrej Wajda

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