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Tunç Davut • Réalisateur

"La façon dont on raconte une histoire est plus importante que l’histoire elle-même"

par 

- Entanglement, de Tunç Davut, a fait son avant-première mondiale lors de la compétition officielle du Festival de Sarajevo. Cineuropa a rencontré le réalisateur

Tunç Davut  • Réalisateur

Le scénariste et réalisateur turc Tunç Davut a parlé à Cineuropa d’Entanglement [+lire aussi :
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bande-annonce
interview : Tunç Davut
fiche film
]
, son premier long métrage, ainsi que de son inspiration, de son approche de la réalisation et de l’importance de la philosophie.

Cineuropa : Comment l’idée de cette histoire vous est-elle venue ?
Tunç Davut : Je travaillais sur un documentaire dans la région de la mer Noire lorsque j’ai rencontré une femme qui m’a raconté l’histoire sur laquelle est basé le film. J’ai lié l’histoire – celle d’une femme née entre deux frères qui les a fait s’éloigner – à un thème très ancien, celui d’Abel et Caïn. Le fait que cette histoire soit présente dans toutes les religions la fait passer de locale à universelle. Elle est aussi inspirée de mon propre monde cinématographique et de mon approche philosophique de la vie.

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Il y a peu de dialogues dans le film, et l’atmosphère et le style visuel sont très recherchés.
L’histoire se déroule dans les montagnes d’Anatolie, où les habitants ont un mode de vie particulier. Ils sont plus fatalistes et introvertis. Ils parlent peu si ce n’est pas nécessaire. De plus, les forêts qu’on trouve dans ces montagnes possèdent un son qui leur est propre, celui du silence. Le fait que ces personnages soient introvertis s’ajoute à ce silence, pour donner un style de narration particulier. 

Pour moi, l’histoire n’est pas essentielle. Ce qui me préoccupe d’avantage c’est de savoir comment la raconter, de créer mon propre langage cinématographique. J’ai tenté de me démarquer de la dramaturgie conventionnelle et d’éviter l’approche cause et effet. J’ai juste montré des éléments fondamentaux de l’histoire et choisi de laisser le reste dans l’obscurité. C’est l’un des éléments les plus importants de l’art du XXe siècle, une sorte de jeu. Le public doit utiliser sa propre sagacité, ses connaissances, ses idées et sa culture pour compléter lui-même l’histoire.

La relation entre le chien, Efe, et Nalan, est très intéressante. Au début, il se montre agressif à son égard, mais plus tard ils sont tous les deux unis.
Efe est un berger d’Anatolie. Lorsque ces chiens sont avec leurs maîtres, ils peuvent se montrer agressifs envers les étrangers, surtout lorsqu’ils pénètrent sur leur territoire. Lorsque le chien est battu par Kemal, qu’il est seul et sans défense, il accepte quelqu’un. C’est ainsi, en Anatolie. Ces chiens sont des gardiens pour leurs maîtres, mais s’ils sentent qu’un étranger n’est pas menaçant, ils ne se montrent pas agressifs du tout.

Tous les personnages semblent malheureux ; ils aimeraient se trouver ailleurs. Et malgré leurs relations, ils sont tous seuls.
Pour Kemal, qui est fort et voit le monde de manière réaliste, le futur est incertain ; il n’y a pas de rêve concret de demain, et tout ce qui le préoccupe est le présent. Des circonstances l’ont conduit en prison, peut-être par accident, et sa vie de prisonnier l’a rendu plus dur et solitaire.

Cemal, qui possède bien moins d’expérience de la vie, est un idéaliste, plus sensible. Le décès de sa mère le fait beaucoup souffrir, et lorsqu’une autre femme plus âgée arrive dans le foyer, il met en pratique certaines des idées qu’avait sa mère à propos du monde – par exemple qu’il ne faut pas faire de mal aux animaux. Il y a aussi probablement un peu du complexe d’Œdipe dans sa relation avec Nalan.

Nalan, quant à elle, tente d’échapper à un sombre passé. Mais le futur est également incertain pour elle. Elle ne croit plus en la vie. Elle choisit de fuir, se traînant d’un endroit à un autre, à la recherche d’un endroit sûr. Elle trouve cette sécurité, et en quelque sorte, son sauveur, en Kemal. Mais elle fait ensuite face à la dure réalité de la vie. 

Cela renvoie à la maladie du désespoir. Bien entendu, le désespoir n’est pas une maladie ; le mot maladie est utilisé ici dans le sens du livre de Søren Kierkegaard, La Maladie à la Mort, dans lequel il définit trois types de désespoir. Les trois personnages du film représentent ces trois désespoirs. La philosophie de Kierkegaard est essentielle pour ma vision du monde, et mon approche des films et de l’art en général.

 

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(Traduit de l'anglais)

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