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João Salaviza • Réalisateur

"Les corps ont une histoire à raconter"

par 

- Le cinéaste João Salaviza, Palme d’Or du court métrage, revient sur l'expérience de la mise en scène de son premier long, Montanha, un adolescent à Lisbonne.

João Salaviza  • Réalisateur

Avec les récompenses raflées par ses courts métrages comme Arena et Rafa, João Salaviza a acquis la réputation d'un des auteurs européeens les plus prometteurs. Imperméable aux pressions et tenant à garder une certaine distance par rapport aux modèles de production industriels, le cinéaste portugais a accompli une transition bien anticipé vers le long métrage avec Montanha, un adolescent à Lisbonne [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : João Salaviza
fiche film
]
. Il revient sur le processus de création de ce film sur l'adolescence pour lequel le chaos et le temps ont été incorporés comme des éléments créatifs essentiels.

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Cineuropa: Quelle est l'origine de Montanha, un adolescent à Lisbonne?
João Salaviza:
Au départ, je voulais mettre certains de mes souvenirs d'adolescence en images, de manière structurée et souple. Je voulais savoir si je pouvais réaliser un film ancré dans ces souvenirs dont une partie était déjà en train de s'éloigner dans le passé. Mais le projet n'a commencé à prendre forme que quand j'ai rencontré (l'acteur principal) David Mourato. En ce sens, le film est finalement davantage sur lui que sur moi. Ce n'est pas un film autobiographique.

Vous vous étiez déjà centré sur des personnages adolescents dans certains de vos courts métrages? Pourquoi cette attirance?
L'idée de filmer l'adolescence et un corps en transformation, un corps suspendu entre la fin de l'enfance et le début de l'âge adulte, réclame beaucoup d'attention de la caméra. Je pense que la résistance que l'on peut rencontrer dans un corps sur le point de muter est au fond beaucoup plus intéressante que  de faire, par exemple pour un peintre, le portrait de quelque chose de statique. Le corps de David résiste sans cesse et tente de s'échapper tout au long du film, d'échapper aux situations auxquelles le personnage trouve difficile d'être confronté, mais aussi d'échapper à quelqu'un qui est en train d'essayer de le filmer. Au début, il y avait un scénario assez vague avec quelques idées sur le cheminement  des personnages, en y associant quelques situations que les personnages allaient expérimenter. Mais finalement, c'est juste vers la fin du tournage que j'ai commencé à prendre conscience que David avait pris une sorte de chemin invisible pendant tout le processus. Je me suis rendu compte qu'il avait vraiment changé. Cela n'a été possible que parce que le tournage s'est étalé sur plusieurs mois : il avait le temps d'évoluer.

Cette approche physique vous intéresse davantage que la psychologie ?
Je crois que les corps ont une histoire à raconter et le cinéma est un art de filmer les corps en mouvement. Je considère les dialogues comme l'extension des corps. Pendant le tournage, je discute toujours de choses très concrètes comme la façon dont le personnage ouvre une porte, comment il s'assoit, de quelle manière il embrasse, etc. Prenons par exemple la dernière scène : c'est compliqué pour un jeune réalisateur comme moi de filmer les sensations d'un jeune qui vient de perdre sa virginité. Il a changé quand il entre dans la maison. Comment bougerait-il ? Comment puis-je capturer cette intensité et cette vérité ? Les corps peuvent être éloquents. Comment puis-je saisir un certain état sans paroles ? Nicholas Ray a dit que la mélodie est dans les yeux. Je suis totalement d'accord !

Le film se déroule en été, mais la photographie est étonnamment sombre…
Oui, et une grande partie du film se déroule la nuit. C'est un paradoxe car ces jeunes se dévoilent seulement la nuit comme si l'obscurité leur offrait la lumière dont ils ont besoin pour apparaître et montrer qui ils ont vraiment.

Pourquoi avoir mélangé des acteurs professionnels et non-professionnels ?
Je suis intéressé par les gens, pas particulièrement par le fait qu'isl soient ou non des comédiens professionnels. Tout ce qui m'a fasciné chez Maria Joao Pinho et Carloto Cotta n'a rien à voir avec ce qu'ils ont appris dans les écoles qui forment les acteurs. Je crois, contrairement à ce qui est enseigné normalement, qu'un film permet de se révéler soi-même davantage que d'être quelqu'un d'autre. C'est le masque du personnage qui permet à un acteur de s'exposer lui-même. Et je pense que les grands acteurs ont toujours été eux-mêmes et qu'ils n'ont jamais refusé de montrer qui ils étaient.

Le tournage a connu plusieurs pauses. Pourquoi était-ce nécessaire pour vous ?
Je pense que l'industrie a tendance à vous pousser dans une manière de faire des films qui n'est pas nécessairement la vôtre. J'ai constaté que les interruptions me conviennent bien. J'ai besoin d'entrer dans un état d'esprit de chaos et d'auto-sabotage et pour cela d'étendre au maximum le temps passé avec le cast. Ce qui m'intéresse vraiment, c'est de tourner dans un registre intime. Je veux entendre les histoires des gens que je filme et je pense que le travail d'un cinéaste est aussi de raconter ces histoires et pas seulement la sienne.  

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(Traduit de l'anglais)

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