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LÉGISTATION Europe

"Diversité culturelle" : sécurité ou sursis pour l’Audiovisuel européen ?

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L’enjeu de la Convention de l’UNESCO relative à la "diversité culturelle", actuellement en violent débat à Paris, est de permettre aux états du monde de pratiquer leur politiques culturelles (donc Audiovisuel/Cinéma) de manière permanente. L’Union Européenne en a fait un cheval de bataille, depuis le refus de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), d’accepter "l’exception culturelle" demandée par l’Europe en raison de la double nature commerciale ET culturelle ainsi que de la vulnérabilité intrinsèque de ce secteur.

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Le postulat de base de l’OMC où siègent des ministres de commerce est d’organiser la libéralisation maximale du marché économique mondial. Subsides, quotas préférentiels, mesures protectionnistes, incitants étatiques directs comme toute position monopolistique sont vus comme une source possible de concurrence déloyale entre pays comme entre entreprises.
En fonction des conjonctures économiques spécifiques, l’OMC peut accorder des "exemptions" toujours provisoires, généralement sur un court terme de 5 ou 10 ans.
En ce moment par exemple, c’est la politique agricole qui y est examiné. Sous la pression des pays en développement, les nations riches viennent d’accepter de diminuer sensiblement leurs subsides à leur propre agriculture dans les 5 années à venir. A hauteur de 70% pour l’UE et de 60% pour les USA. Mais le président français Jacques Chirac, fragilisé par le référendum négatif et confronté à la grogne de ses agriculteurs, devant le niveau (inattendu !) de ce pourcentage, tente de mettre en cause la validité du mandat du Commissaire européen de l’Agriculture Peter Mandelson.
En matière culturelle, un tel scénario n’est peut-être pas à exclure, bien que futuriste : des gouvernements pourraient se lasser d’être "inondées" de biens culturels non seulement made in USA mais même made in EU, ou d’avoir du mal à faire circuler leurs propres productions culturelles… On n’en est pas là aujourd’hui. C’est, au contraire, la fragilité économique par nature du secteur culturel qui est avancée aujourd’hui à l’UNESCO pour justifier sur le long terme, des politiques nationales. Cela pour tous les pays même si c’est une initiative de l’UE.

C’est au nom du contexte propre à l’Europe que l’OMC avait accordé aux pays de l’Union une "exemption culturelle" pour 10 ans (Marrakech, 1994), permettant donc les différentes aides nationales actuelles. Après une année de vide juridique et d’expectative, cette exemption vient d’être prolongée de 5 ans, à la demande expresse de l’Union. Mais quid au-delà de 2010? On peut craindre que l’exemption ne soit plus prolongée une nouvelle fois...
De plus, lorsque les pays européens, après le rejet OMC de "l’exception culturelle" (Seattle 1999), se sont tournés vers l’UNESCO où siègent des ministres plutôt culturels, ce ne fût pas sans valse-hésitation. Les opinions sont très partagées selon les traditions culturelles (plutôt anglo-saxonnes ou plutôt latines) et selon les tendances politiques des gouvernements (plutôt libéralisme commercial ou plutôt Etat-Providence). Mais le Conseil des ministres européens avait finit par s’accorder, grâce aux arguments déterminants de la Belgique, et véritablement "imposer" un mandat clair à la Commission européenne pour d’une part défendre à l’OMC le maintien et le développement des différentes politiques culturelles internes à l’Union et d’autre part, plaider la "diversité culturelle" à l’UNESCO ("exception culturelle" étant désormais banni du vocabulaire !).


Un texte sans ambiguité combattu par les USA
Le texte de la Convention en (âpres) discussions aujourd’hui à Paris, est fort explicite.
Dans son intitulé, tout d’abord, qui précise bien "Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles", détaillé en "activités, biens et services" avec dans son préambule référence à "la diversité des medias", "droits de l’homme", "libertés fondamentales". Dans son article 5, ensuite, qui affirme "le droit souverain des pays signataires de formuler et mettre en œuvre leurs politiques culturelles et d’adopter et promouvoir des mesures pour protéger et promouvoir la diversité culturelle". Pour Henri Benkoski, expert du gouvernement belge, "Cet article 5 est le miroir exact du texte relatif au mandat donné à la Commission Européenne par ses pays membres !" L’article 20 enfin, instaure le "principe de non-subordination entre instruments internationaux" et parle "de complémentarité et de soutien mutuel". Une mise au point claire sur l’équivalence juridique avec les règles de l’OMC et la nécessité d’ajuster toutes les réglementations internationales s’appliquant aux biens culturels.

Ce texte a déjà franchi une première étape cruciale avec le feu vert au Conseil Exécutif de l’UNESCO. Avec une voix contre (USA) et une abstention (Australie). Mais d’ici à son vote en séance plénière le 20 octobre prochain, il est soumis aux assauts continus des USA qui veulent le faire avorter ou l’édulcorer fortement par des amendements (lire la new du 14 octobre). Les USA sont irrités par les politiques européennes de quotas et de subventions qui limitent la pénétration de leurs films et séries TV dans l’UE, ce qui réduit considérablement leur chiffre d’affaires (l’un des plus élevé de la balance commerciale américaine, comparable à celui de son industrie aéronautique). Paradoxe : ce sont les mêmes arguments que ceux des pays en développement pour le commerce agricole mondial où il s’agit de faire vivre les paysans africains…mais ici, il s’agit de sauvegarder les énormes profits d’Hollywood. Le maintien à long terme des aides publiques pour la Culture et l’Audiovisuel européen est véritablement suspendu à ce vote final …

Pourtant, il ne faudrait pas tomber dans la caricature simpliste. Aux USA, la Culture n’a pas de ministre, ni d’administration publique, ni de budget spécifique comme dans l’Union car elle est totalement privatisée. Le gouvernement américain soutient son entertainment de manière indirecte, préférant encourager, par des allègements fiscaux, des sociétés privées ou des personnes physiques - auxquelles l’Etat américain ne veut pas se substituer - à faire du mécénat et du sponsoring. En Europe, par contre, il existe une vaste économie publique ou mixte publique/privée véhiculant une logique de mécénat étatique peu orientée vers le "profit" commercial et davantage soucieuse des contenus. On tient compte de la valeur artistique ou éducative des oeuvres culturelles et des medias : ce ne sont pas de simples marchandises et leur rôle social mérite d’être protégé. Deux courants de pensées différents, assortis de leurs stratégies économiques, qui traversent le grand marché planétaire et l’influencent. Non sans tensions.

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