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German Angst: sexe, fascisme et monstres en forme d’organes génitaux

par 

- Toujours onirique et surprenant, German Angst est une pièce maîtresse de la section dédiée cette année par Rotterdam à la résurgence du surréalisme

German Angst: sexe, fascisme et monstres en forme d’organes génitaux

La présentation en avant-première mondiale de German Angst [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
dans la section "Really? Really." du 44e Festival international de Rotterdam, dédiée au surréalisme, marque le retour définitif de Jörg Buttgereit après 22 ans d’absence. Cela a été rendu possible par ses co-réalisateurs Michal Kosakowski et Andreas Marshall, qui ont réussi à convaincre "Butti" de réaliser avec eux ce film sanglant en trois parties.

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Le résultat est à la hauteur de l’attente. Dans son court-métrage, Final Girl, le réalisateur fait passer son attention de la vidéo au contenu provoquant circulant sur le manteau à un registre plus intellectuel. Ses plans stylisés aux contours flous effacent notre vision périphérique pour la focaliser sur les détails écœurants, un dispositif qui frôle la misanthropie quand il est appliqué au personnage de Lola Gave la fille anonyme, car on s’attarde en très gros plans sur toutes ses imperfections.

L’approche n’est pas cependant sans humour : Lola est explicitement la "final girl" du titre (c’est-à-dire la dernière survivante dans un film d’horreur, celle qui va se venger du méchant), sauf qu’on ignore qui est le méchant. On ne peut que supposer qu’il s’agit peut-être de son père abusif, une interprétation encouragée par le plan de vengeance de la jeune fille, qui implique les organes génitaux. Cependant, avec l’habileté qu’on lui connaît, Buttgereit détourne notre attention de l’horrible mutilation avec un orgasme. En définitive, Final Girl s’apparente à un gigantesque jeu de bondage incestueux qui a mal tourné. Nous sommes placés dans une position inconfortable, mais qui a quelque chose de cathartique.

L’acceptation de la difficulté qu’on trouve à ne pas retourner la lecture de Final Girl et l’interpréter à contre-pied des codes établis par Buttgereit fait partie du jeu, de manière assez merveilleuse. La mise en scène et les instruments de torture primitifs pourraient parfaitement dater d’il y a 20 ans. Cette attitude rétrospective semble même avoir inspiré Kosakowski pour son court, Make a Wish, qui propose des flash-backs sur l’époque de l’occcupation nazie en Pologne, mais racontée sur le ton d’un conte de fées des frères Grimm, avant de passer soudain à un style qui n’est pas sans évoquer le Super 8, comme en hommage aux premiers films de Buttgereit. Ce voyage dans le passé à l’époque nazie fait écho aux efforts de Buttgereit pour contrer la manière dont la culture allemande tend à en réprimer la mémoire. Le propos de Kosakowski reste toutefois résolument contemporain, car on revient très vite aux néo-nazis d’aujourd’hui, ce qui rend impossible d’ignorer le passé compliqué de l’Allemagne.

Dans Alraune, Marschall met en scène des répressions culturelles d’un tout autre ordre, mais toujours en s’inspirant du style du maître. L’étymologie du titre, nous dit-on, renvoie à l’idée de "chuchotement de cauchemar", en référence à la racine de mandragore qui apparaît régulièrement tout au long de ce segment hallucinogène. "Alraune" est aussi une référence intertextuelle au livre éponyme de Hanns Heinz Ewer. Ainsi, Kosakowski et Marschall ont tous deux veillé à conserver ce qui fait la marque de fabrique de Buttgereit : son aptitude à transformer artistiquement le surréalisme en cauchemar.

Le chuchotement cauchemardesque de Marschall semble dire que la monogamie entraîne un manque total de satisfaction difficile à surmonter, mais qui porte à succomber en rêve aux plaisirs engourdissants d’alternatives, de sorte que le film trouve son paroxysme dans une scène gore de mort à la fois fantasmée et réelle qui montre un monstre génital, mi-pénis, mi-vagin, qui tue par éviscération.

En somme, tous les segments de German Angst constituent un vibrant hommage à l’univers de Buttgereit, riches qu’ils sont en cet élément gore qui manquait tant à ses fans, mais on y trouve aussi le genre de coups cinglants à portée critique que recherchent les spectateurs les plus avertis.

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(Traduit de l'anglais par Séverine Meuleman)

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