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FILMS / CRITIQUES

Une fois que tu es né

par 

- "'Une fois que tu es né, tu ne peux plus te cacher' est réellement un nom africain... Le véritable nom d'un clandestin..."

"'Une fois que tu es né, tu ne peux plus te cacher' est réellement, comme le film le dit, un nom africain, car là-bas les concepts servent souvent de noms. Et c'est le véritable nom d'un clandestin que j'ai rencontré et dont j'ai recueilli le témoignage." (Marco Tullio Giordana)


Un bateau à voile file au large dans les ténèbres de la nuit. Un garçonnet penché dessus la proue perd l'équilibre et tombe à la mer. Il se débat, résiste, puis se laisse engloutir dans l'onde obscure. Des bras inconnus le repêchent et l'extraient de ce liquide amniotique, mettant en scène une renaissance symbolique.

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Ainsi se déroule la scène la plus belle et la plus sensible de Une fois que tu es né... [+lire aussi :
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, séquence dont dépend toute l'idée du film, qui consiste à adopter le regard d'un enfant, poser des yeux étonnés sur le monde comme on se laisse étonner devant le grand écran. Pour raconter la croissance morale de son tout jeune personnage, Marco Tullio Giordana prend comme prétexte le phénomène le plus marquant de notre époque: la migration de milliers de gens en quête de terre promise vers les côtes italiennes, un phénomène qui met en cause un jeu de dynamiques entre intégration et rejet, solidarité et méfiance, tolérance et racisme, hospitalité et mépris, consumérisme et marginalité, citoyens du monde riche et nouveaux barbares. Nous et eux. Le film est seulement la version italienne d'un problème mondial, une question rebattue qui a déjà inspiré toute une série d'images, de chroniques et de films qui ont saturé notre imaginaire d'une rhétorique qu'il faudrait éviter. C'est d'ailleurs pour cela qu'à Cannes (où ce film tiré du livre enquête éponyme de Maria Pace Ottieri a été présenté), les critiques français et américains ne se sont pas montrés tendres envers Giordana. L'auteur a été accusé de préférer l'évidence à l'implicite, de ne pas se lancer avec assez de courage, de tomber dans le piège didactique, de ne pas tenir ses promesses et de s'appuyer sur des clichés. Aussi légitimes que ces critiques puissent être (le film est qui plus est organisé de manière chaotique et fragmentée), la mise en scène et le scénario n'avaient pas pour but d'illustrer des lieux communs mais d'en souligner la prévisibilité.

Au centre du film, magnifiquement photographié par Roberto Forza, on trouve le jeune Sandro Lombardi, joué par un Matteo Gadola profondément sérieux. Sandro pourrait être l'un des petits enfants de la famille Carati dans Nos meilleures années [+lire aussi :
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. On retrouve en effet en lui les caractéristiques morales des personnages filmés par Giordana en 2003, le même désir d'agir sans accepter les préjudices ni se plier aux stéréotypes. Sandro est un garçon de treize ans des quartiers riches de Brescia qui tombe à l'eau au cours d'une croisière et qui, comme dans "Capitaine Courageux" de Kipling, est sauvé par des immigrés clandestins dont l'embarcation se dirige vers les côtes italiennes. Alors, Radu et sa soeur Alina, deux jeunes réfugiés, entrent dans la vie de Sandro. Après ce voyage, quand il retourne chez lui, il découvre que sa vie ne sera jamais plus comme la vie facile d'avant.

Le regard du jeune personnage s'efface, remplacé par le point de vue plus "conventionnel" et plus politique des auteurs, Stefano Rulli et Sandro Petraglia, sur les gens du Nord, la schizophrénie d'un racisme qui s'ignore et d'une énergie contenue par la peur. Telle qu'elle apparaît dans le film, la ville de Brescia est une des plus pluriéthnique d'Italie, celle qui a été confrontée en premier au problème de l'immigration et a vite compris que la force de travail que représentent ces étrangers est une ressource indispensable. Brescia est à la fois généreuse, obtuse, laborieuse, brute, sensible, vulgaire et solidaire. On ne retrouve cependant pas dans Une fois que tu es né... l'affreuse culpabilité qui hante Caché [+lire aussi :
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de Michael Haneke. Il ne s'agit ici que d'un petit garçon qui apprend une "langue" nouvelle, différente de celles déjà connues, qui se met à voir des personnes dans ce qui n'était avant pour lui qu'un ensemble de présences, qui comprend que l'amitié est un luxe et qu'"intégration" et "cohabitation" ne sont que de belles paroles et qui découvre le droit de ne pas se cacher, une fois qu'on est né.

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(Traduit de l'italien)

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