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INDUSTRIE France

Les sorties "day-and-date" font débat

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- Explications et réactions sur l’expérimentation européenne à venir de sorties de films en "day-and-date", un projet potentiellement explosif

L’annonce cette semaine par le programme Media du lancement prochain de trois expériences de sorties européennes de quelques films en "day-and-date" (le même jour sur le maximum de supports de diffusion) dans le respect de la chronologie des médias (l’ordre des différentes exploitations des oeuvres, de la salle de cinéma à la TV gratuite, en passant par la vidéo – DVD ou Internet - et la TV payante) en vigueur dans les différents pays du Vieux Continent, se révèle en France un sujet hautement radioactif. Explications à travers le projet TIDE (Transversal International Distribution in Europe) coordonné par l’ARP (société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs) et auquel participeront (avec la sortie programmée de quatre films) Fandango (Italie), Goldcrest (Royaume-Uni), les structures françaises Urban Distribution, Wide Management, IPEDA et Under the Milky Way, 28 sociétés du réseau Europa Distribution et les Espagnols de The Film Agency.

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Selon Florence Gastaud, déléguée générale de l’ARP, "le projet ne concernera que des films prévus sur de toutes petites sorties en salles et déjà en marge du marché. Ce sera plus facile dans certains pays et plus compliqué par exemple en Allemagne et en France. Le but est de faire circuler les films européens en Europe. La France est le plus grand régulateur dans le domaine du cinéma et je pense que c’est à nous de réinventer la chronologie des médias, sinon Netflix et les autres vont tout balayer."

Pour Adeline Monzier, déléguée générale d’Europa Distribution dont 28 membres issus d’une quinzaine de pays vont participer à TIDE, "il s’agit d’une démarche pragmatique et simplement d’une expérimentation à mener avec prudence. Certains distributeurs sont intéressés à expérimenter sur la chronologie des médias, mais il y a aussi la perspective d’un travail marketing transversal afin de développer des outils et de travailler ensemble sur le marché européen. En France et en Allemagne, la chronologie des médias est très ancrée à travers la loi ou via un système de subvention auxquels les professionnels ne renonceront sûrement pas. Mais dans d’autres pays d’Europe, il n’y a pas de règle ou seulement des accords interprofessionnels, donc davantage de marge de manoeuvre. Certains distributeurs y sortent des films en salles sur un nombre très réduit de copies et dans deux ou trois grandes villes seulement : au-delà, c’est le désert ! Pour ces distributeurs, il s’agit d’offrir aux spectateurs la possibilité de voir les films. Il ne s’agit absolument pas d’attaquer la chronologie des médias, mais d’expérimenter, de collecter des données, de voir ce qui marche et ce qui ne marche pas, d’en tirer un bilan positif ou négatif. Car pour l’instant, il n’y a pas de modèle économique et l’on ne sait pas si cela cannibaliserait les salles ou pas."

Les exploitants français ont déjà fait savoir qu’aucune négociation n’était envisageable sur ce type d’expérimentation comme l’a encore souligné Alain Sussfeld, le directeur général d’UGC, samedi dernier aux Rencontres Cinématographiques de Dijon. Interpellé par le cinéaste oscarisé Michel Hazanavicius sur la possibilité de simplement discuter du sujet, sa réponse a été nette : "non". Une fin de non-recevoir dans la lignée de la lettre ouverte publiée en septembre par l’UNIC (Union Internationale des Cinémas), Europa Cinemas et la CICAE (Confédération internationale des cinémas d'art et d'essai) : "Si les cinémas soutiennent le développement de plateformes VàD payantes, il ne faut pas perdre de vue qu’une œuvre cinématographique ne peut être rentable – et atteindre le public – que si elle est exploitée selon un calendrier de sortie soigneusement élaboré (la chronologie des médias)" ; "Étant donné que le marché du film en salle est 10 à 15 fois plus étendu que celui de la VàD, nous pensons que certains développements récents de la politique audiovisuelle européenne sont déséquilibrés et pourraient même défavoriser, à moyen terme, l’industrie du film et du cinéma : l’action préparatoire destinée à soutenir des projets de sorties simultanées (day-and-date) notamment." Des positions qui peuvent faire craindre un clash et des menaces de boycott par les salles à l’encontre des participants aux projets européens de sorties "day-and-date".

Du côté des télévisions françaises, la froideur est aussi de mise et des "mises en garde" ont été proférées. Ainsi, Rodophe Belmer le directeur géneral de Canal + (principale source de financement de la production cinématographique française) a-t-il déclaré à Dijon : "la valeur d’un film et ce qui lui donne son prestige culturel et patrimonial, vient de la sortie salles. On a besoin de protéger les salles : c’est le fondement de l’économie de notre secteur. Attention aux expérimentations anecdotiques et à ne pas détricoter tout un système." Manuel Alduy, responsable du cinéma chez Canal+, s’est aussi exprimé sur le sujet hier soir via un tweet ironique à méditer : "Je vais expérimenter le refus d'achat de films sortis partout en même temps. Il faut que ces expériences restent pures... "

Les projets européens de sorties "day-and-date" n’ont donc sûrement pas fini de créer des remous en France, certaines lignes de fractures apparaissant déjà (chez les distributeurs notamment, puisque Wild Bunch et Rezo sont respectivement aux commandes et simple participant des deux autres projets similaires à TIDE). Un retour à terme à la table des négociations sur la chronologie des médias est à prévoir, mais les rapports de force font aussi peser le risque d’une guerre ouverte. A suivre…

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