07/09/2006

Des plans fixes, des acteurs statiques, des dialogues récitatifs presque atones... Á en juger par la fuite général qui s'est emparée du public lors de la projection presse de leur dernière oeuvre à la Mostra de Venise, le cinéma de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet n'est toujours pas facile à saisir. Ce couple de cinéastes français, installés depuis plusieurs années maintenant en Italie, fit partie de l'art et essai le plus estimé, radical et rigoureux pour qui les débouchés en salle sont presque inexistants. Il est plus facile dès lors de croiser leurs oeuvres dans les rétrospectives ou dans les festivals, comme au Lido cette année où Ces rencontres avec eux sont en compétition pour le Lion d'Or.

Certes, on savait que les deux réalisateurs ne seraient pas présents aujourd'hui lors de la conférence de presse qui devait suivre le film. Mais la surprise a été totale lorsqu'en présence de l'équipe du film, le directeur du Festival lui-même, Marco Muller est venu expliquer le "sérieux problème" révélé par cette absence. Lors d'un coup de théâtre, il a ouvert et lut une lettre envoyée par le couple, écrite précisément pour l'occasion. Une lettre d'ailleurs très forte, au ton volontairement polémique contre le circuit du cinéma institutionnel dont ils se sont toujours tenus éloignés. Leur absence devait être considéré comme "une vendetta contre tous les ruffians", réaction contre tous ces festivals auxquels ils ont assistés et d'où ils sont repartis les mains vides, Jean-Luc Godard ayant même une fois payé pour la projection de l'un de leurs films. Straub a ajouté qu'il ne pouvait "se réjouir avec toute cette milice privée et publique à la recherche d'un terroriste. Le terroriste, c'est moi."

Vingt-sept ans après De la nuée à la résistance, Ces rencontres marque le retour au "Dialogues avec Leucò" de Cesare Pavese, un ouvrage écrit juste après la Seconde Guerre mondiale par l'écrivain piémontais. Cette fois, Straub et Huillet ont choisi un paysage bucolique de la Toscane pour mettre en scène cinq des vingt six dialogues de Pavese, suspendus entre réalité, mythe et évocation classique.

Produit par les réalisateurs et Pierre Grise Productions – avec la participation de la Région Toscane, la Province de Pise, le Théâtre communale de Buti "Il Saracino", Le Centre National de la Cinématographie (CNC), Le Fresnoy et Archipel - L.T.C. Saint-Cloud (Paris) - , le film est vendu à l'international par Pierre Grise Distribution.

(Traduit de l'italien)