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BLACK NIGHTS 2022 Compétition

Christopher Roth • Réalisateur de Servus Papa, See You in Hell

"Je ne voulais pas faire un documentaire, je voulais que le film ait son autonomie”

par 

- Le réalisateur allemand nous parle de son intérêt pour les utopies et de son souhait de dépeindre le pouvoir que génère le fait de rester immobile

Christopher Roth • Réalisateur de Servus Papa, See You in Hell
(© Andrea Rosetti)

Le réalisateur allemand Christopher Roth a présenté le film dramatique mâtiné de tragi-comédie Servus Papa, See You in Hell [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Christopher Roth
fiche film
]
plus tôt cette année au Festival de Munich. Le film s'inspire d’événements réels survenus dans une commune active en Autriche dans les années 1970, fondée par l’artiste de performance et gourou autoproclamé Otto Muehl. Après un passage au Festival Black Nights de Tallinn, il arrive dans les salles allemandes, distribué par Port-au-Prince. Nous avons interviewé le réalisateur sur cette adaptation d'une histoire vraie et sur son approche visuelle.

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Cineuropa : Comment êtes-vous tombé sur cette histoire ?
Christopher Roth : La base du film est la commune d'Otto Muehl. J'ai été au courant de son existence dès mon enfance parce que ma sœur avait une amie qui y vivait, de sorte que des membres de la commune nous rendaient régulièrement visite. À six ans, j’étais fasciné par leur apparence, avec leurs crânes chauves et leurs salopettes. J’étais irrité par leurs manières extrêmement agressives et offensantes, et le fait qu’ils étaient toujours nus dans notre jardin. À l’époque, personne n’a su m’expliquer pourquoi ils se comportaient ainsi. J’ai toujours été intéressé par les utopies, et c’est pour cela que je suis retourné dans la commune plus tard. J’ai rencontré Jeanne Tremsal, qui y a vécu adolescente et qui est le modèle de mon personnage principal, ainsi que la co-autrice du scénario du film. Ce qu’elle avait à raconter était fascinant. Elle a dit qu'au début, c’était le paradis de passer son enfance et son adolescence entourée par la nature. Et puis, le moment est venu où elle est tombée amoureuse, or l’amour n’était pas permis là-bas, juste le sexe. Tous les jeunes hommes étaient renvoyés du camp à cause de ça.

Étiez-vous en contact avec d'autres gens de cette commune ?
Tous sont encore là. J’ai rencontré les parents de Jeanne, des amis de ses parents, son demi-frère et son cousin. J’ai aussi parlé à d’autres gens, dans la première phase de mes recherches. Je me suis intéressé à tout, jusqu’à avoir collecté suffisamment de matériel pour développer ma propre histoire à partir de ça. Je ne voulais pas faire un documentaire ; je voulais que le film ait sa propre autonomie.

Quels aspects spécifiques de cette histoire vouliez-vous souligner ?
Il était important pour moi de mettre le doigt sur la manière dont une utopie est vécue et mise en pratique. On ne devrait jamais vivre une utopie derrière des portes fermées mais ouvertement, au sein de la société. Ce que j’ai également trouvé fascinant est le rôle qu'avaient les jeunes dans cette commune. Ces jeunes gens auraient été le futur de la commune, mais ils ne voulaient pas qu’on leur dicte comment vivre : ils voulaient remettre en cause les idées de la génération de leurs parents avant-gardistes, alors ils se sont rebellés.

Vous vouliez dépeindre leur rébellion.
Ce n’est pas une rébellion classique. Dans le film, Jeanne s’arrête, et on s’arrêtant elle crée un espace où les autres peuvent réagir et agir. Se rebeller ne signifie pas toujours être contre quelque chose. Jeanne ne rejoint pas les autres, elle refuse de les rejoindre, or au sein de cette communauté, ça lui donne un pouvoir dingue : juste tout arrêter provoque l’agression.

Comment avez-vous travaillé avec les jeunes gens qui sont dans le film ? Comment leur avez-vous parlé de ce sujet ?
Les scènes décisives du film sont les séances de groupe où chacun devait livrer quelque chose de personnel - ils appelaient ça des autoportraits. Des enfants et des adolescents y participaient. Il était important qu'on leur dise ce que nous faisions. Nous leur avons dit que nous reconstituions une chose qui était sans doute pire dans la réalité, mais qu’on la condensait. Clemens Schick, qui joue le leader de la commune, a également eu un rôle important dans ce travail. Il s’est vraiment bien préparé, ce qui lui a permis de prendre les rênes des scènes en question. Nous avons tourné avec deux caméras et sans coupures. Clemens guidait les enfants et les jeunes en partant de son rôle de gourou. C’est ainsi que la longue scène de danse s’est produite, sans qu’elle soit dans le scénario.

L'utilisation du caméscope semble importante. Est-ce que vous vous êtes inspiré des images d’archives et de leur esthétique ?
Il y a énormément d’archives disponibles. Comme beaucoup de mauvaises personnes, Otto Muehl et les gens de la commune ont tout filmé et tout archivé. Muehl a publié le matériel, parce qu’il ne mesurait pas l'ambiguïté de ces images. Ce sont des descendants des gens de la commune qui ont bloqué l'accès plus tard. Certaines parties sont encore accessibles sur YouTube. Tout ça pour dire que ce caméscope existait vraiment dans la commune, alors nous voulions nous en servir aussi. Il enregistre des scènes d'expression personnelle, comme une caméra à un match de boxe, il y a un aspect documentaire là-dedans. Par contraste, on est ensuite le monde qui fait contrepoint à cela, le reste, qui est filmé de manière classique, plus précise et pensée. Cette partie est censée être plus belle, plus proche d’un conte de fées.

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(Traduit de l'anglais)

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