email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SÉVILLE 2022

Critique : Christina

par 

- Le réalisateur serbe Nikola Spasic façonne le portrait hybride, entre documentaire et fiction, d’une femme transgenre en Serbie

Critique : Christina
Kristina Milosavljevic dans Christina

Une femme est allongée sur la moquette dans un salon, un morceau de tissu sur les yeux. Hors champ, une voix féminine la guide doucement de plus en plus loin dans un rêve éveillé. À la fin de ce parcours, la femme allongée finit par décrire, une pointe de déception dans sa voix, que quand elle finit par regarder vers le bas, elle voit une paire de pieds masculins.

Le réalisateur serbe Nikola Spasic et le directeur de la photographie Igor Lazic (aucun lien !) ont tourné cette séquence de manière aucunement invasive, nous offrant des images si chaleureuses et belles qu'on ne ressent pas immédiatement le besoin d’interpréter cette scène ou d'en tirer des conclusions. Ce n’est qu’après qu'il est rendu explicite que Kristina se voit parfois comme un homme pendant ses séances d'hypnothérapie régressive parce qu’elle est une femme transgenre.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Spasic, Lazic et la scénariste Milanka Gvoić maintiennent cette esthétique captivante de l'instant présent tout au long de Christina [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Nikola Spasic
fiche film
]
, portrait filmique de Kristina Milosavljevic, qui a gagné deux prix au FIDMarseille et vient de jouer au Festival de Séville, où il a remporté le prix de la meilleure mise en scène pour un premier ou deuxième long-métrage. Quoique le film contienne des interviews où elle parle au réalisateur placé derrière la caméra, il ne tombe jamais dans le genre de réduction de l'être en objet voyeuriste qui est si fréquente dans les documentaires ou les docufictions hybrides comme ce titre. La réification n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais il est rafraîchissant de voir un film qui s’intéresse davantage au quotidien et aux pensées de son sujet tels qu'elle les vit elle-même que comme une personne extérieure pourrait les percevoir.

Cette mise en perspective est accomplie en grande partie à travers le rythme plaisamment tranquille du film, où chaque plan s’attarde juste assez pour que le spectateur s’y sente bien et que la surprise initiale d’une nouvelle image passe, créant une atmosphère qui vous happe. Cependant, avec sa durée de 90 minutes seulement, et contrairement à beaucoup de films d’auteurs, le film évite de s’attarder juste pour s’attarder, de sorte qu'il condense beaucoup de choses sur une durée assez courte.

Cette richesse, ainsi que le sentiment d’introspection dont le film est empreint, vient aussi de Kristina elle-même. Kristina est une personne très pensive et le film est, de fait, un récit à combustion lente qui s'élabore de manière presque imperceptible au fil de ses rencontres avec un homme qu’elle ne cesse de croiser par hasard. Kristina a des amis, mais voilà un étranger qui est gentil avec elle, un homme. Dans ses confessions face caméra (ensuite facétieusement intégrées dans une séquence plus nettement fictionnelle qui montre Kristina parlant à ses amis), elle l'évoque avec angoisse et se soucie de savoir exactement ce qu'il sait d'elle. Tandis que Kristina vaque à son quotidien, cet étranger y fait irruption encore et encore, jusqu’à une scène très belle où nos deux personnages finissent par vraiment passer du temps ensemble. Assis sur un banc, ils parlent franchement mais respectueusement d'eux-mêmes et d'eux deux, et on apprend qu’il travaille dans une église. Comme le reste du film, cependant, la conversation n’est pas un jeu d'oppositions et de dynamiques binaires. Ce qui prime sur quelques principes ou idées que ce soit qu'ils pourraient avoir en dehors de leur rencontre est leur connexion à cet instant, leur co-présence l’un à l’autre. Ils discutent de leur relation à la religion non pas dans des termes absolus, mais comme d'un parcours. Il connaît le métier de Kristina, et sait qu’elle est transgenre, et quand elle lui demande si le fait que quelqu’un "était avant un homme" serait rédhibitoire pour lui, il dit simplement qu’il ne sait pas, mais qu'il est prêt à voir.

Christina a été produit par Rezon. Les ventes internationales du film sont gérées par Reason8.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy