email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Eve Deboise • Réalisatrice

"Le paradis n’est paradis que parce qu’il est perdu"

par 

- Avec Paradis Perdu, Eve Deboise livre un premier film pudique mais sensuel sur la confusion des sentiments, entre inceste larvé et (r)éveil des sens

Après une licence en droit, Eve Deboise entre aux Beaux-Arts de Paris, puis intègre la Fémis (Département scénario). Elle y rencontre Rithy Panh dont elle écrit les deux premiers films de fiction. Elle adapte Henry James pour Olivier Schatzky (L’Elève), puis collabore avec Christophe Blanc (Une femme d’extérieur), Maria de Medeiros (Capitaines d’Avril) et travaille aussi avec Toni Marshall, Jean-Claude Carrière, Danièle Thompson… Après avoir réalisé deux courts métrages, elle se lance dans l’aventure du long avec Paradis Perdu [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
(lire la critique), sorti en France l’été dernier, et qui sort en Belgique dans la foulée du Brussels Film Festival.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

La pépinière : le lieu comme catalyseur du récit

Le lieu a été un catalyseur, il m’a permis de vraiment incarner les personnages. Je me suis appuyée sur un lieu où je vais souvent, qui était en moi depuis pas mal d’années. J’ai découvert une pépinière, qui existait vraiment, un endroit à la fois très beau, mais aussi un peu en déréliction, avec avec la beauté des plantes et des fleurs, et en même temps la poussière, la rouille, les vieilles machines. J’y ai vu mes personnages, un peu comme Adam et Eve, un père et une fille dans ce jardin d’Eden qu’était cette pépinière. C’est là que j’ai commencé vraiment à pouvoir les faire exister, les faire parler ou ne pas se parler, surtout. Il y a des films qui m’ont fortement marquée, dans des espaces clos. Ce que je voulais faire moi dans cette nature, même si elle est très vaste, c’était décrire un enfermement mental dans cet espace concrètement très ouvert ; que les personnages soient comme sur une île, dans leur monde à eux. Il y a des films comme ça qui m’ont beaucoup inspirée, comme Respiro [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, ou des films de Kim Ki-Duk comme L’Ile, L’Arc, qui se passe uniquement sur un chalutier en pleine mer, avec une relation trouble entre un homme âgé et une très jeune fille. J’avais déjà travaillé sur ces questions dans mon court métrage Petite Sœur avec Olivier Gourmet, mais j’avais encore des choses à dire, le besoin de retravailler sur ce thème.

Un univers proche du conte

Le film courrait le risque d’être un simple fait divers, l’histoire d’un homme brutal qui a un comportement violent vis-à-vis de sa femme. Très vite, j’ai ressenti le besoin d’aller plus du côté du conte. Certains éléments, déjà présents au moment du scénario, se sont renforcés pendant le tournage, confrontés à cette nature, à la magie des tournages de nuit dans la forêt. Par ailleurs, je voulais que l’on puisse aimer les personnages, que l’on puisse s’y attacher, malgré leur comportement. Le conte me permettait de contourner une réalité potentiellement sordide. Dans les contes il y a toujours des mères mortes ou des mères absentes, et des jeunes filles qui sont obligées de prendre leur place, une place qu’elles ont parfois du mal à tenir, ou qui est difficile à vivre. D’ailleurs, je me suis rendu compte moi-même au fur et à mesure du tournage que les scènes ménagères se multipliaient !

Le traitement de l’inceste

Je voulais travailler sur le trouble, mais aussi sur la sensualité. Ce qui m’intéresse, c’est comment mettre en scène la frustration, dans les sentiments, mais aussi dans la sensualité et dans la sexualité. Ces personnages sont tous dans cette forme de désir étouffé. Il faut que ce désir s’exprime d’une façon ou d’une autre, trouve des portes de sortie.

Le paradis perdu

La course de Lucie à la fin, c’est sa libération. C’est une fin purement dynamique. Et puis pour moi il y a une sorte de nostalgie quand je regarde cette image, aller vers cette forme d’épanouissement, c’est aussi une forme de deuil. Le paradis n’est paradis que parce qu’il est perdu, ou parce qu’on est obligé de l’abandonner.  Je voulais travailler sur le sentiment de perte, qui peut aussi révéler les êtres.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy