email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Luc et Jean-Pierre Dardenne • Réalisateurs

“La solidarité face à la crise”

par 

- CANNES 2014 : Une fois de plus, le travail est au cœur du cinéma des frères Dardenne, qui reviennent pour la 6ème fois en compétition officielle avec Deux jours, une nuit

Luc et Jean-Pierre Dardenne  • Réalisateurs

Abonnés avec bonheur à la Croisette, les Dardenne reviennent pour la 6ème fois en compétition officielle avec Deux jours, une nuit [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Luc et Jean-Pierre Dardenne
fiche film
]
, un film dans la veine bien particulière de leur cinéma, un cinéma éminemment social, centré sur l’humain.

Cineuropa : D’où vient le sujet de Deux jours, une nuit ?
Luc Dardenne : En 1998, chez Peugeot France, une équipe avait donné son accord pour licencier l’un des leurs qui les empêchait d’avoir des primes à la production supérieures. Puis il y a eu des faits divers près de chez nous, parfois les gens étaient solidaires. Par exemple, les ouvriers acceptaient de perdre chacun 2 ou 3% de leur salaire pour éviter un licenciement.
Jean-Pierre Dardenne : C’est le fruit d’une longue maturation, et le fait que la crise financière se soit transformée en crise économique et en crise sociale nous a sans doute poussés à reprendre cette histoire.
L. : On a eu envie de raconter l’histoire d’une femme qui ne peut retrouver son travail car la direction a proposé aux autres travailleurs d’opter pour leur prime plutôt que pour sa réintégration. Sandra a un mari aimant, des enfants, mais cette stabilité familiale ne suffit pas à sa complétude. Il faut que la solidarité des autres se manifeste pour qu’elle reprenne confiance en elle, qu’elle n’ait plus peur. Sans connaître la fin, on savait qu’on racontait l’histoire d’une femme qui devait vaincre sa peur.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Le film a une forte résonnance morale…
J-P. : Chacune des personnes que Sandra rencontre est confrontée à un choix. La solidarité, c’est aussi une question d’éthique, c’est un choix personnel. Malgré la pression du groupe, cela reste un choix personnel. Sandra impose aussi sa morale. Evidemment, le problème quand on aborde des questions d’éthique et morale, c’est de ne pas verser dans le pensum…

A quel moment de l’écriture avez-vous choisi de travailler avec Marion Cotillard, et est-ce que cela modifie votre mode de fonctionnement ?
J-P. : Nous avons rencontré Marion en 2011, pour un autre personnage, celui d’un jeune médecin de banlieue. Mais on a calé dans l’écriture, et on est revenu au personnage de Sandra. Et comme nous avions vraiment envie de travailler avec Marion, et vice-versa, elle est devenue Sandra.
L. : Marion est une vraie star, et cela impliquait, aussi bien pour elle que pour nous, de faire oublier ce qu’elle a été dans les autres films, et surtout, dans la mode. Il fallait qu’elle trouve un nouveau corps, une nouvelle silhouette. On a néanmoins gardé la même méthode de travail : un mois de répétition. On a besoin de la lenteur du travail des répétitions. Tous les jours on habille les acteurs, on cherche des costumes, des coiffures, on filme les répétitions…

Vous êtes également présent à Cannes comme coproducteurs du film de Ken Loach. Comment envisagez-vous votre travail de coproducteur ?
L. : Pour Ken Loach, ainsi par exemple que pour Cristian Mungiu, on a suivi Why Not et Pascal Caucheteux, un ami. Quand on cherche un coproducteur français pour un projet, on se tourne vers celui de nos films, Denis Freyd (Archipel 35), et lui nous a proposé L’Exercice de l’Etat [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Pierre Schoeller
fiche film
]
. Le tout repose sur des relations d’estime et d’amitié. Evidemment, on nous propose naturellement des cinéastes qui nous intéressent… On vient de découvrir un nouveau producteur à Paris, et on a coproduit le prochain film de Cédric Kahn, Vie Sauvage (produit par Les Films du Lendemain, ndlr). On produit également Terre Battue de Stéphane Demoustier.

Est-ce que vous vous sentez cinéastes européens ?
J-P. : Avec la menace qui place sur la création européenne, on se sent plus que jamais Européens. On a lancé une pétition fin 2013, clamant que « L’exception culturelle n’est pas négociable », pour pousser les chefs d'Etats européens à se prononcer en faveur de l'exclusion des services audiovisuels et cinématographiques des négociations entre l'Europe et les Etats-Unis. Certains ont essayé de désolidariser le mouvement dans différents pays, en disant aux signataires qui n’étaient pas français : « Pourquoi vous faites ça, vous n’êtes pas français ? » Mais ce n’est pas une affaire française, c’est une affaire européenne.
L. : Si on ne se protège pas, il n’y aura plus du tout de cinéma européen. Nous sommes allés voir Karel de Gucht, le Commissaire européen belge en charge du dossier, et la discussion s’est avérée musclée. On lui a dit qu’il serait le fossoyeur du cinéma européen si jamais il refusait l’exception culturelle dans le domaine numérique. « On n’est pas en Chine, nous a-t-il répondu, on ne peut pas légiférer le numérique. » Mais bien sûr que si on peut le faire ! Dans le respect des libertés individuelles bien sûr, mais il faut le faire. Sinon, on est battu à plates coutures !
J-P. : On n’est pas contre le cinéma américain. Simplement, il faut trouver un moyen pour pouvoir continuer à produire des films dans cet espace du monde qui s’appelle l’Europe…

Thierry Frémaux a dit il y a quelques années : « Les Dardenne à Cannes, c’est comme l’Allemagne au football, à la fin c’est toujours eux qui gagnent… »
L. : Vous noterez que le Bayern vient de perdre !
J-P. : Thierry Frémaux a l’art de la formule... Nous, on se contente d’être l’équipe nationale belge ! S’il y a quelque chose au palmarès, tant mieux bien sûr. Il y a 18 réalisateurs et réalisatrices en compétition, et autant de personnes qui espèrent un prix !
L. : On se réjouit d’aller à nouveau à Cannes. Nous aurions été déçus si nous n’avions pas été sélectionnés. Evidemment, quand tout se passe bien à Cannes, le film acquiert une belle notoriété. De fait, on sort le film en même temps, parce que pour nous l’essentiel, c’est que le film rencontre un grand public. 

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy