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Thomas Ordonneau • Distributeur

"De la façon la plus libre possible"

par 

- Rencontre avec Thomas Ordonneau, qui pilote Shellac, coproducteur et distributeur en France du triptyque Les mille et une nuits

Thomas Ordonneau  • Distributeur

Distributeur et producteur audacieux, Thomas Ordonneau s'est taillé une jolie réputation avec sa société Shellac qu'il a co-fondé et qu'il dirige depuis Marseille. Au catalogue pointent notamment les premiers longs de Benoît Forgeard (Gaz de France [+lire aussi :
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- sortie le 23 septembre), Virgil Vernier, Antonin Peretjako, Justine Triet, Damien Manivel, Fred Nicolas, Sophie Letourneur ou encore Sarah Leonor, mais aussi des films de Roberto Minervini (The Other Side [+lire aussi :
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- sortie France le 30 décembre prochain), Paul Vecchiali, Joao Nicolau, Arnaud des Pallières, Béla Tarr, Cristi Puiu, Chantal Akerman, Alain Guiraudie, José Luis Guerin, Nicolas Klotz, Serge Bozon, Nadège Trébal, Emmanuel Mouret, Claire Simon, Vincent Dieutre et du duo Hélène Cattet - Bruno Forziani. Surtout, Shellac est le partenaire fidèle du Portugais Miguel Gomes dontla structure va distribuer en France le triptyque Les Mille et une nuits, découvertà la Quinzaine des réalisateurs cannoise : L'inquiet [+lire aussi :
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le 24 juin), Le désolé [+lire aussi :
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(le 29 juillet) et L'enchanté [+lire aussi :
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(26 août).

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Cineuropa : Comment avez-vous développé votre lien avec Miguel Gomes et quelle est votre stratégie de distribution pour Les Mille et une nuits ?
Thomas Ordonneau : J'ai découvert Miguel avec son premier film qui révélait tout son potentiel et sa créativité. Après une rencontre avec lui et ses producteurs, nous avons décidé d'une petite sortie en France pour acter qu'un nouveau cinéaste était là. Ensuite nous avons travaillé en co-développement avec son producteur Luis Urbano (O Som e a Fúria), une collaboration très vertueuse et très représentative de ce que Shellac fait : une recherche dans l'écriture cinématographique, la découverte de nouveaux talents, le développement de leur potentiel, leur accompagnement en production et en distribution. Miguel Gomes est le meilleur exemple de ce que Shellac fait, veut faire ou essaye de faire. Les Mille et une nuits est un film qui ne ressemble à rien d'autre et nous allons distribuer en France un volet à la fin de chaque mois à partir de fin juin. Nous pensons que ce film peut tirer son épingle du jeu dans n'importe quel contexte concurrentiel : ce qui compte pour sa distribution, c'est de raconter une histoire, comme Miguel l'a fait dans le processus d'écriture du film et comme nous l'avons fait pour la production. On se lance et on propose aux spectateurs de se lancer. Chaque volet est autonome, donc nous voulions une respiration entre chacun, mais ils sont liés néanmoins et il y a un mouvement vers le 3. Les exploitants s'engagent tous pour les trois films avec, pour la grande majorité, un temps d'exploitation allant d'un volume à l'autre,

Quelle est votre opinion sur le sujet des sorties en VoD et de la chronologie des médias, et plus généralement sur la situation de la distribution indépendante en France ?
Je ne crois qu'à la salle, même si le champ s'est extrêmement rétréci ces derniers temps. Sur la VoD, pour nos films et notre positionnement, il ne se passe pas grand-chose. C'est tellement, tellement embryonnaire : je positionne les films sur les plateformes, mais bon... Du coup, raccourcir la chronologie, je trouve que ce ne serait pas une bonne idée. On voit bien qu'on commence à nous proposer sur un plateau, éventuellement subventions à l'appui, de sortir direct en vidéo pour faire de la place sur le marché, au lieu de se demander si on ne pourrait pas trouver des modes d'exploitation un peu plus raisonnables. On s'est un peu emballé sur le nombre de copies et on devrait être capable de retrouver un meilleur équilibre et une "sérénité" dans l'exploitation. Il y a quelques temps, j'ai remarqué que 11 films occupaient 6000 écrans en France alors qu'il en existe 5000 (avec la multiprogrammation). Est-ce que les choses doivent vraiment se faire comme cela ? Je suis plutôt favorable à ce que l'on travaille de ce côté là ou alors qu'on crée des écrans supplémentaires pour un certain type de cinéma. Car il y a des spectateurs ! Le problème, c'est que nous sommes dans une époque où tout le monde veut tout avoir et tout voir, et la question du choix ne se pose pas tellement. Ensuite, je trouve que l'exploitation art & essai s'est trop mise dans le tempo de l'exploitation commerciale : elle suit le calendrier des distributeurs, elle subit l'accélération de la rotation qui a été mise en place par les circuits, elle se retrouve dans un mouvement qui n'est pas son mouvement naturel. Du coup, elle perd complétement ses prérogatives qui étaient un lien particulier avec le public, le fait de pouvoir défendre des films indépendamment de leur marketing national, de pouvoir travailler sur d'autres temps, en décalé, en continuation, tout ce qui pourrait faire sa singularité.

Comment vivez-vous le fait de découvrir des talents et de les voir parfois partir ensuite chez d'autres distributeurs ?
La meilleure réponse que nous avons trouvé, c'est de devenir producteur pour pouvoir travailler encore plus en amont avec les auteurs, être dans un rapport plus fort de construction et d'anticipation de la production à la distribution. Mais, par exemple, alors que nous avions sorti et fait bien exister La bataille de Solférino [+lire aussi :
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, Justine Triet part chez Le Pacte car ils mettent au moins 250 000 euros de MG et ils engagerons au moins 350 000 euros de frais d'édition avec une forte de pénétration que nous n'avons pas. Je pourrais prendre ce MG sur mon fonds de soutien et faire des dettes pour les frais d'édition, mais je n'aurais pas accès au même nombre de copies, donc je ne donnerais pas toutes ses chances à Justine Triet. Cependant, depuis deux ou trois ans et surtout depuis Tabou [+lire aussi :
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, nous arrivons davantage à établir des collaborations sur du moyen terme.

Quelle est la stratégie de développement de Shellac ?
Aller, de la façon la plus libre possible, au-devant de nos désirs, de nos intuitions pour révéler, développer et accompagner les talents et les suivre le plus loin possible dans leur maturité. En 10 ans, Shellac est devenue assez mûre, capable d'encaisser un certain niveau de programme, et des auteurs et des producteurs commencent à vouloir être avec nous dans un certain positionnement, donc nous pouvons faire des choix de plus en plus ouverts. Maintenant, la question est de savoir comment on évolue sans quitter ce qui fait nos racines et notre identité, ce qui est fondamental car si nous perdons notre positionnement, nous n'existons plus et nous serions juste bons à aller sur les marchés pour chercher un film et faire un coup. Or, ce n'est pas ce que nous faisons. Dans notre line-up, j'essaye de préserver un équilibre entre des premiers films qui soient de vrais objets de désir par rapport à la liberté de forme et de ce qu'on entrevoit du potentiel de l'auteur, et garder de la place pour faire du suivi d'auteurs avec qui l'on a déjà travaillé comme Miguel Gomes, Benoît Forgeard, Joao Nicolau, tout en se laissant la possibilité de rentrer des films un petit peu plus porteurs (avec des rôles principaux importants par exemple) mais qui sont dans notre ligne éditoriale.

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