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TORONTO 2019 Discovery

Jorunn Myklebust Syversen • Réalisatrice de Disco

"Je suis un simple témoin. Mon film est un constat plus qu’une dénonciation"

par 

- La réalisatrice norvégienne Jorunn Myklebust Syversen analyse pour nous son deuxième long-métrage Disco présent au Festival de Toronto dans la section Discovery

Jorunn Myklebust Syversen • Réalisatrice de Disco

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, deuxième long-métrage de la réalisatrice norvégienne Jorunn Myklebust Syversen, est présent au Festival de Toronto dans la section Discovery. Il est produit par Maria Ekerhovd pour Mer Film et distribué par cette même société. Succès international pour Mer Film avec La Mauvaise Réputation [+lire aussi :
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(2017) de Iram Haq et Natür Therapy [+lire aussi :
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(2014) de Ole Giæver, films qui eux aussi ont eu leur première mondiale à Toronto. Disco est également invité au prochain Festival de San Sebastian dans la section New Directors et sera sur les écrans norvégiens dès le 4 octobre.

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Cineuropa : Qui est Mirjam, l’héroïne de ce film dont vous êtes aussi la scénariste ?
Jorunn Myklebust Syversen
 : Championne de danse disco, elle fait la fierté de la communauté religieuse à laquelle elle appartient. Une chute malencontreuse, un échec, un secret de famille lancinent, et la voilà en proie à l’inquiétude, au doute, malgré les encouragements prodigués par les siens.  

Pourquoi cette histoire ?
Je me suis toujours intéressée aux milieux où l’on vit en vase clos, dans lesquels les relations humaines sont déséquilibrées. J’essaie de comprendre les mécanismes qui sont à l’origine de certains modes de fonctionnement. Je crois que, dans un environnement où s’exercent des rapports de force puissants, le désir de domination, de manipulation prospère d’autant plus que se fait sentir le besoin de trouver un sens à l’existence : en tentant de partager, puis d’imposer ses convictions, on a l’impression de vivre intensément. Il est alors facile de basculer dans l’abus de pouvoir, surtout si la communauté est influençable, malléable.

Pourquoi avoir mis l’accent sur les communautés religieuses ?
Je suis intriguée, et même fascinée par certains jeunes pasteurs, par leur gestuelle autant que leur jargon. De vrais bateleurs ! J’ai fait des recherches, j’ai assisté aux réunions de plusieurs congrégations, et je constate que, s’il y a des variations sur le contenu, la méthode est souvent la même : on a recours à une campagne publicitaire qui vise à faire la promotion d’un produit. Il s’agit en l’occurrence de transmettre, voire de vendre un message spirituel. Etonnant de voir des fidèles prêts parfois à donner de l’argent pour obtenir les faveurs divines. Ces officiants sont en général très habiles à cibler leur public, surtout les jeunes, si sensibles à un emballage glamour.  On revendique la liberté, la modernité, mais en fait les idées´, les opinions exprimées sont conservatrices.

Parlez-nous un peu de vos acteurs.
Per le pasteur charismatique, beau-père de Mirjam, est interprété par Nicolai Cleve Broch. Sa manière de jouer sur plusieurs registres m’a vivement impressionnée. Je trouve d’ailleurs épatants tous les acteurs du film, Kjærsti Odden Skjeldal, Andrea Bræin Hovig, Espen Klouman Høiner… pour en citer quelques uns, et je n’oublie pas, naturellement, Josefine Frida Pettersen qui joue Mirjam. Son talent d’actrice et de danseuse lui vaut, d’être la Rising Star de cette édition du Festival de Toronto. C’est la première fois que la Norvège obtient cette distinction. Josefine a été par ailleurs une des vedettes de la série télévisée Skam.

Votre film voit la vie en rose.
Le rose c’est traditionnellement la couleur de la féminité, mais c’est aussi la mièvrerie, le superficiel, les paillettes et fanfreluches. C’est l’esthétique disco, la vie facile, le monde moderne fortement sexualisé, à l’opposé de la porte étroite à laquelle il est fait allusion dans le film. J’ai été inspirée par une série télévisée d’animation qui baigne dans le rose, Jem et les Hologrammes. J’ai aussi beaucoup discuté de la palette des couleurs avec le directeur de la photo Marius Matzow Gulbrandsen : écrans envahissants, reflets, jeux de vitres et de miroirs, effets de contraste contribuent à créer une ambiance factice, un univers trompeur. Le tout est mis en valeur par les compositions et choix musicaux de Jan Erik Mikalsen, Thom Hell, et Marius Kristiansen.

Votre film rose est quand même bien sombre.
Dans mes films il y a le thème récurrent d’une situation qui empire, d’une spirale descendante à laquelle on ne peut échapper, surtout si on est vulnérable. J’ai voulu montrer combien il est facile de se perdre, de perdre son identité dans des relations destructrices. Mirjam, comme Anders dans The Tree Feller [+lire aussi :
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interview : Jorunn Myklebust Syversen
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mon précédent film, est à un moment crucial de sa vie, un moment de crise, ce dont l’entourage n’a pas conscience. On ne l’aide guère, et quand on veut l’aider ce n’est pas très réussi. Il y a pourtant des gens bienveillants, compatissants dans ces communautés...  

Je trouve Mirjam un peu passive.
Elle perd peu à peu sa voix, son aptitude à s’exprimer. Mais ce n’est pas forcément la personne en souffrance qui a un problème. Elle est souvent victime de la pression sociale car l’apparence physique, la réussite sociale sont si importants dans ces milieux que ne pas se sentir à la hauteur peut créer un dommageable sentiment de frustration.

Quelles solutions proposez-vous ?
Je n’en ai pas. Je suis un simple témoin. J’observe, je montre. Mon film est un constat plus qu’une dénonciation.

Constat troublant qui met en évidence des ambiguités, des contradictions.
Il faut oser regarder la réalité en face, en toute lucidité. Se voiler la face n’est pas la solution.  Disco va peut-être susciter des débats. C’est bien. J’aimerais en tout cas que l’on soit plus vigilant, plus sensible à la souffrance humaine.

Pourquoi ne pas avoir fait un documentaire?
Mon film est empreint, je crois, d’une forte charge émotionnelle que le documentaire ne permet pas toujours d’exprimer. Et puis je me sens plus à l’aise dans la fiction pour mettre en évidence la complexité des relations humaines et laisser s’épanouir les symboliques de mon choix.

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