email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SITGES 2019

Lorcan Finnegan • Réalisateur de Vivarium

"Il y a quelque chose d'horrifique dans le quotidien"

par 

- Nous avons parlé à Lorcan Finnegan, le réalisateur dublinois de Vivarium, qui propose une approche nouvelle du rêve représenté par les banlieues résidentielles

Lorcan Finnegan  • Réalisateur de Vivarium

Le formidable Vivarium [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Lorcan Finnegan
fiche film
]
de l'Irlandais Lorcan Finnegan, qui se lance à la conquête des festivals de Sitges et Varsovie après avoir fait sa première mondiale à la Semaine de la Critique de Cannes, met en scène deux personnages interprétés par Imogen Poots et Jesse Eisenberg qui se retrouvent prisonniers de la maison où ils espéraient fonder une famille, et pas seulement métaphoriquement. Nous avons interrogé Finnegan sur son film.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : L’idée de vie domestique semble terroriser les gens – il suffit de penser à George A. Romero et sa vision des supermarchés. Dès qu’on la considère sous un autre angle, c’est pétrifiant.
Lorcan Finnegan :
Il y a quelque chose d'horrifique dans le quotidien que Garret [Shanley], le scénariste avec lequel j’ai travaillé, et moi-même trouvions très intéressant : nous aimions l'idée de prendre quelque chose de normal et de l'envisager sous un jour différent, jusqu’à ce que cette chose devienne très étrange. Nous avons fait un court-métrage en 2011 intitulé Foxes, qui constituait un commentaire socio-politique sur ce qui se passait en Irlande. Des ensembles de lotissements, construits loin des villes, pullulaient de toutes parts, l'idée étant de maximiser le nombre de maisons qu’on peut caser dans un espace et de maximiser les profits, avec aucun intérêt pour la manière dont les gens allaient y vivre. Mais c’était une histoire assez surnaturelle, et il restait des idées que j’avais envie d’explorer, dans ce style science-fiction des années 1960 ou 1970.

On nous dit que c’est ce qu’on est censé faire : acheter une maison, planter un arbre, avoir un fils. Essayiez-vous de montrer que le concept dans son ensemble peut devenir parasitique, vous ronger vivant ? On prend un prêt, on le rembourse toute sa vie et puis on meurt.
C'est ça le truc : c’est un contrat social. On voit constamment ces publicités sur papier glacé, ces images de boutons de manchettes et de gens qui tiennent des asperges, des choses comme ça. On est censé vouloir ça, c’est comme ça qu'on nous le vend. Et beaucoup des gens qui y croient le vivent très mal. Ils ont l’impression d’avoir été dupés, un peu comme le personnage de Jesse, qui est constamment en train de creuser ce trou.

Notre histoire est universelle, ou du moins elle essaie de l'être, donc nous avions besoin de personnages qui donneraient l’impression d’être normaux, pas une rock star déjantée ou un chef-célébrité ! Mais dès que le casting commence, on voit débarquer tout un tas de gars qui ressemblent à des mannequins Gillette. J’ai rencontré Imogen d’abord, et nous avons oublié de parler du scénario : nous n’avons parlé que d'art et de musique. C’est elle qui a suggéré Jesse. Elle lui a envoyé le scénario sur le coup, de son téléphone, parce qu'il correspondait parfaitement à cette histoire.

C'est peut-être parce qu'aussi fous que puissent paraître bien des éléments de l’histoire, elle reste reconnaissable ? Surtout pour tout parent qui se débat avec cette drôle de créature qui demande toute leur attention.
J’ai rencontré quelqu’un à Londres qui a pensé que tout le film parlait de maternité. Elle se retrouvait dans ce personnage. Quelqu’un d’autre a dit qu’il avait l'impression d'avoir lui aussi passé toute sa vie à creuser un trou [rires]. Les gens peuvent voir dans ce film la tragédie banale de la vie, même si ici on force le trait pour faire ressortir l’absurdité de tout cela. Nous n’essayons pas de dire : "Ne le fais pas, ce n'est pas bien". L'idée est surtout de considérer le genre de vie qu'on pousse dans notre direction. Et les publicités insistent si lourdement là-dessus que les gens se mettent à y croire. Il croit que c’est une chose à laquelle on peut aspirer. Si vous faites des films, vous ne pouvez pas vous permettre d’acheter une maison en Irlande de toute façon, mais il y a cette anxiété qui vous gagne dès qu’on se met à penser à ce qu’on est censé avoir accompli avant un certain âge. Prendre un prêt, c'est tellement énorme. En Irlande, on est obsédé par l'idée d'être propriétaire et de posséder des choses. Tout cela est une question de cupidité, je suppose.

Le film a indéniablement des airs de Pleasantville.
Je songeais à toutes ces banlieues résidentielles d’après-guerre, qui avaient quelque chose de bizarre et de calculé. J'avais aussi en tête le travail du photographe Andreas Gursky, et L'Empire des lumières de Magritte, avec tous ces nuages cotonneux dans le ciel. J’ai étudié le graphisme, donc je suis arrivé au cinéma en passant par l'art. Je ne sais pas s'il y a une nouvelle vague de cinéastes qui ont grandi nourris de The Twilight Zone ou Bizarre, bizarre, ou si c'est que le monde dans un état tellement déplorable que les gens ont l’impression qu’ils doivent trouver de nouvelles manières de réagir. Le cinéma de genre est une bonne manière de le faire parce qu’on n'est pas gêné par la contrainte du réalisme. Ça n'a pas été évident pour autant, car il y avait tout de même des règles à suivre, mais elles pouvaient être aussi bizarroïdes que nous le voulions. Je voulais que l'endroit ait quelque chose de synthétique mais en même temps qu'il soit tangible.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy