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BERLINALE 2020 Generation

Zoé Wittock • Réalisatrice de Jumbo

"La difficulté, c’était de garder le juste milieu entre la réalité et le fantastique"

par 

- La jeune Belge Zoé Wittock revient sur son premier long Jumbo, un cross-over entre conte de fées et teen movie, projeté à Berlin dans la section Generation

Zoé Wittock • Réalisatrice de Jumbo

Rencontre avec la jeune réalisatrice belge Zoé Wittock, dont le premier long métrage, Jumbo [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Zoé Wittock
fiche film
]
, découvert à Sundance, est présenté à Berlin dans la section Generation 14plus. Elle revient pour nous sur cette histoire d’amour particulière, aux frontières du genre, entre une jeune fille timide et solitaire, et un lumineux manège, dans un parc d’attractions perdu au fond des bois. Un cross-over surprenant entre conte de fées moderne et teen movie.

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Cineuropa : Quelles sont les origines du projet ?
Zoé Wittock :
Alors que je venais de terminer mes études en réalisation, je suis tombée sur un fait divers étonnant, l’histoire d’une femme amoureuse de la Tour Eiffel, qui avait fini par l’épouser. Ca m’avait forcément fait sourire, et en même temps, ça m’avait fascinée. J’ai contacté la dame en question, Erika Eiffel, avec qui j’ai commencé à discuter. Je me suis presque sentie un peu bête, car avec tous les clichés que j’avais en tête, je m’attendais à tomber sur quelqu’un de différent, en marge de la société, et en fait je me suis retrouvée face à quelqu’un de très sensé, même normal, si tant est que l’on puisse vraiment définir la normalité. Cela n’a fait qu’accroître ma fascination. C’est elle qui a donné la tonalité au film. Elle me disait: "Mais ce n’est qu’une histoire d’amour !" A partir de là, j’ai commencé à écrire le scénario, en gardant en tête son cas. Je trouvais la Tour Eiffel trop statique pour un sujet de fiction, alors j’ai choisi un manège, une machine qui à la base, crée naturellement des sensations. Qu’on soit objectophile ou pas.

Le film débute avec un carton "D’après une histoire vraie", quel est son rôle ?
J’ai cherché à éviter toute psychologisation, je voulais qu’on entre dans le film par l’émotion. Préciser que le film est inspiré d’une histoire vraie, c’est aussi une manière d’aider le spectateur à entrer dans l’univers du film sans en douter.

Paradoxalement, il y a une tension entre la véracité revendiquée de l’histoire, et l’aspect conte initiatique du récit ?
Tout à fait, je dis souvent que c’est un conte de fées moderne, un récit initiatique, voire une simple histoire d’amour! Je voulais que le film relève du réalisme magique, et même parfois du surréalisme, qu’il soit ancré dans la réalité de ces gens objectophiles, et de leur entourage, mais aussi qu’il puisse placer le spectateur dans le point de vue subjectif d’une objectophile en décuplant ses sensations à l’écran, d’où le côté fantastique. La difficulté, c’était de garder le juste milieu entre la réalité et le fantastique. Et pour ce faire notamment, en flirtant un peu avec l’absurde, pour autoriser le spectateur à rire, car mine de rien c’est un sujet difficile. Le rire est aussi une manière de s’autoriser à se confronter à nos propres limites, ce qu’on peut accepter ou pas.

Face à Jeanne, l’autre protagoniste de cette histoire d’amour, c’est Jumbo. La question était: comment le faire exister à l’écran ?
On a mis très longtemps à "caster" la machine, elle devait être imposante, agile, mais avoir une taille raisonnable par rapport à la comédienne. Quand on a enfin trouvé la perle rare, on l’a customisée, on a changé toutes ses ampoules, on lui a rajouté un coeur lumineux, et on l’a reprogrammée pour pouvoir la manipuler comme une marionnette. Je savais dès le début qu’il fallait que Jumbo existe en tant de personnage, et qu’il ait un point de vue. Je ne voulais pas aller dans l’anthropomorphisme, lui donner une voix, ça me semblait être une facilité. Je voulais une sorte de réalité augmentée. Qu’est-ce que cette machine est capable de faire dans la réalité, et comment peut-on amener un peu plus loin ces attributs? On a essayé de créer un dialogue entre Jeanne et la machine. Je ne voulais pas partir complètement dans le fantastique mais je ne voulais pas être trop littéralement dans la réalité, et tendre vers le documentaire.

Il y a un vrai érotisme dans leur relation. Comment avez-vous choisi de l’aborder ?
Je voulais beaucoup parler de l’érotisme. Finalement, la sexualité arrive plutôt avec un homme, Marc, celui qui voudrait être son compagnon. Pour moi, une histoire d’amour est d’abord érotique, assez émotionnelle, avant d’être très physique. Et l’érotisme, c’est d’abord une exploration personnelle de son corps à soi, avant de passer à la rencontre. Je voulais que l’histoire avec Jumbo soit une vraie histoire d’amour, pas une déviance sexuelle.

Découvrir son corps et sa sensualité, c’est aussi une façon de reprendre le pouvoir sur sa vie, un vrai coming-of-age.
Je pense que quand on vit une première histoire d’amour, on gagne en indépendance par rapport à sa famille. Jeanne, en aimant avec cette machine, reçoit un miroir d’elle-même qui lui permet de s’assumer, d’avancer et de grandir. Elle va trouver une sorte d’équilibre familial grâce à cette histoire d’amour.

Il y a un autre personnage phare dans l’initiation de Jeanne, c’est celui de sa mère.
Je voulais que Jeanne soit un personnage assez isolé, mais il me fallait un regard extérieur sur sa relation. Soit c’était sa mère, soit c’était la société. J’ai choisi de me concentrer sur la relation mère/fille, ce qui me permettait d’être plus nuancée dans l’opposition face aux sentiments que Jeanne développe pour Jumbo. Elle a beau être très dure avec sa fille, elle reste une mère, et forcément, se demande si elle est en partie responsable de la situation, ce qui me permettait aussi de traiter sa remise en question. Ce que j’aime beaucoup aussi dans ce personnage, c’est qu’elle-même traite les hommes comme des objets.

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