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FRANCE

Bruno Delecour • Directeur général, Filmo TV

"Quand vous êtes obligés d’attendre trois ans pour diffuser un film en SVOD, c’est sûr que vous n’allez pas le préacheter"

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- Bruno Delecour, le directeur général de Filmo TV, filiale de Wild Bunch, évoque l’actualité de sa plateforme 100% cinéma et livre son analyse des tendances du marché

Bruno Delecour  • Directeur général, Filmo TV

Pionnier en France de la vidéo à la demande par abonnement, Filmo TV, filiale de Wild Bunch compte aujourd’hui 200 000 abonnés et offre un accès illimité à plus de 750 films. Et la société a récemment signé des accords avec tous les grands studios français (Pathé, Gaumont, StudioCanal), mais aussi des studios américains comme Paramount et Warner. Le directeur général Bruno Delecour évoque l’actualité de sa plateforme 100% cinéma et livre son analyse des tendances du marché.

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Cineuropa : Quel a été l’impact du confinement en France depuis le 17 mars sur la fréquentation de Filmo TV ?
Bruno Delecour
 : Comme pour tous les services à domicile, les usages et le trafic ont très fortement augmentés. Selon les indicateurs, nous avons enregistré de deux à trois fois plus de trafic, de prises d’abonnements et de visionnages de films. L’impact est plus fort sur la partie abonnements dans la mesure où l’intérêt d’un tel service est d’avoir un forfait de consommation illimitée. Comme les Français confinés chez eux se disent qu’ils vont consommer beaucoup de vidéos, cette notion de forfait est très appréciée et l’on constate d’ailleurs que ce sont des usages extrêmement familiaux : les films pour enfants et les films grand public pour l’ensemble de la famille sont privilégiés.

Quelle est la ligne éditoriale de Filmo TV ?
C’est un service 100 % cinéma. Nous ne parlons que de cinéma, mais de tous les cinémas, donc nous proposons tous les grands genres : du cinéma familial-populaire, des classiques, des films d’auteurs, du cinéma de genre avec en particulier de l’horreur, et des titres jeunesse. A l’intérieur de chacun de ces univers, relativement autonomes, nous essayons de présenter un panorama mondial du cinéma. Française, européenne, américaine, asiatique : toutes les grandes cinématographies mondiales sont représentées. Notre particularité, c’est une approche éditoriale extrêmement forte : tous les films sont à la fois sélectionnés pour leur intérêt et puis présentés par des journalistes, des spécialistes, des artistes, en particulier des réalisateurs, qui viennent évoquer les thématiques que nous confectionnons autour d’un sujet, d’un pays ou d’un artiste.

L’arrivée de Netflix en France vous inquiétait un peu à l’époque, mais vous estimez maintenant qu’elle a eu un effet d’entrainement.
Cela continue. Il y avait un décalage entre les usages des spectateurs qui étaient de plus en plus à la demande et une presse grand public un peu frileuse à l‘époque, qui ne parlait que des services traditionnels, des chaînes de télévision en linéaire. Nous avions beaucoup de mal alors à émerger dans la communication des médias. Le lancement de Netflix a créé tout d’un coup un appel, une curiosité, des envies pour les services à la demande payants. Cela a été énormément repris par toute la presse, cela a développé considérablement le marché et nous en avons profité dans la mesure où notre positionnement est original. Car la plupart des grands services anglo-saxons sont surtout axés sur les séries, en particulier les séries américaines assez formatées, alors que nous ne parlons que de cinéma et d’un cinéma qui est un peu plus qualitatif, qui n’est pas forcément un cinéma américain grand public, même si nous en avons, mais qui est beaucoup plus diversifié. Nous savons qu’aux Etats-Unis ou dans les pays où les services par abonnement sont développés, un utilisateur est en général abonné à plusieurs services. Donc nous sommes un complément idéal à ce genre de service et du coup, notre croissance a été ininterrompue depuis le lancement des grands services américains.

Au-delà des circonstances actuelles exceptionnelles, votre croissance n’est-elle pas entravée par la rigidité de la chronologie des médias en France ?
Le poids des diffuseurs traditionnels en France a en partie bloqué la réglementation au détriment du développement des services à la demande. Il n’y a pas eu de neutralité technologique : les services traditionnels des chaines de télévision ont toujours aujourd’hui plus d’avantages que les services à la demande, même s’ils proposent d’ailleurs des services qui peuvent être assez équivalents. Les services traditionnels ont une meilleure chronologie, une TVA à un taux favorable, etc. Le choix des professionnels et des pouvoirs publics a toujours été, hélas, de maintenir l’existant, en oubliant que les spectateurs étaient passés à la génération suivante. Cette évolution des spectateurs a été mal intégrée en France jusqu’à présent.

Quand on regarde autour de nous, en particulier aux Etats-Unis, il y a de fait une certaine chronologie des médias, mais il y aussi beaucoup plus de pragmatisme. Un certain nombre de films y sortent en même temps en salles et en VOD par exemple ou des films sortent en salles et deux ou trois semaines plus tard sur un service de SVOD. Il ne s’agit pas forcément de tous les films, mais il y a plus de souplesse, alors qu’en France il y a une très grande rigidité.

Dans le contexte exceptionnel actuel, pour éviter l’engorgement dans les salles quand on reviendra à la normale, un certain nombre de producteurs et distributeurs souhaitent sortir leurs films directement en VOD. A partir du moment où il y a un bon travail de communication autour de la sortie d’un film, cela peut lui donner la même existence que s’il était sorti en salles. D’ailleurs, il y a quelques années, avec un certain nombre de distributeurs et de plateformes VOD, nous avions expérimenté en France, sous le nom de ecinema, des sorties directement en VOD d’œuvres ayant la qualité artistiques de films, mais avec une communication qui était la même que celle d’une sortie en salles. Ces expériences ont été tout à fait satisfaisantes et les films ont eu ensuite, sur les chaînes payantes et gratuites, la vie qu’ils auraient eu s’ils étaient sortis en salles. Ce sont des faits qu’il faut vraiment considérer et au niveau du syndicat des éditeurs de VOD en France, nous avons fait passer notre message aux professionnels et aux pouvoirs publics : tous ces films qui ne peuvent plus sortir en salles, nous sommes prêts non seulement à les mettre en ligne, mais à leur donner une mise en avant, une existence qui fera que la sortie VOD ne sera pas pénalisante.

Quid du préfinancement des films ? Les plateformes américaines peuvent le pratiquer grâce à leur volume mondial d’abonnés et à leurs moyens financiers colossaux, mais au niveau des services à la demande français, on entend souvent les producteurs dire que la diffusion en VOD et SVOD n’est pas rentable.
Il faut regarder ce qui se passe au niveau des usagers. Les usagers ont fait le choix : aujourd’hui, massivement, les contenus sont regardés à la demande. C’est un fait, on ne peut pas l’empêcher. Donc il faut s’adapter.  Et il n’y a pas de raison que les services à la demande ne génèrent pas des chiffres d’affaires qui soient comparables à ceux des anciens services. Mais il faut aussi leur donner envie d’acheter des films qui puissent rencontrer un public et dans une chronologie raisonnable. Quand vous êtes obligés d’attendre trois ans pour diffuser un film en SVOD, c’est sûr que vous n’allez pas le préacheter : cela vous obligerait à préacheter quatre ans avant et personne ne sait où on sera dans quatre ans. Si on met des contraintes aussi rigides, c’est évident que ces acteurs auront du mal à préfinancer, donc il faut mettre de la souplesse.

En France, la défense de la salle reste un totem très puissant.
Il y a un lobby important des salles. Je comprends que chacun défende son activité et son périmètre, mais à un moment donné, il y a des mauvais combats. Pour des films qui ont une vie en salles courtes et qui seront oubliés dans l’esprit des spectateurs assez rapidement, les empêcher d’être sur d’autres supports assez vite, c’est tuer leur financement et leur exploitation. Si la salle veut continuer à avoir des films qui attirent du public, il faut permettre aux films plus fragiles d’avoir une chronologie accélérée.

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