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CANNES 2020 Semaine de la Critique

Charles Tesson • Délégué général, Semaine de la Critique

"Il fallait absolument être présent pour que ces films puissent exister et relancer la machine au plus vite"

par 

- Le délégué général Charles Tesson retrace la genèse du Label Semaine de la Critique Cannes 2020 et commente sa sélection de longs métrages

Charles Tesson  • Délégué général, Semaine de la Critique
(© Aurélie Lamachère)

Charles Tesson, délégué général de la Semaine de la Critique, en l’absence d’une édition physique 2020 à Cannes, a dévoilé une sélection de cinq longs métrages labellisés (lire la news).

Cineuropa : Quand et pourquoi avez-vous décidé de labelliser des films pour cette Semaine de la Critique 2020 Hors Les Murs ?
Charles Tesson :
Le 16 avril, quand nous avons annoncé avec les autres sections parallèles l’annulation d’une édition cannoise à Cannes, nous étions en train de finaliser notre sélection et nous avons tout de suite déclaré que cela ne voulait pas dire que nous arrêtions tout et que nous lâchions les films. Nous avions une liste idéale sur le papier et nous avons appelé tous les interlocuteurs des films, les producteurs et, quand il y en avait, les vendeurs internationaux et les distributeurs, pour savoir s’ils souhaitaient notre accompagnement hors les murs. Cela s’est précisé un peu plus quand nous avons constaté que ceux qui étaient le plus intéressés par un Label étaient plutôt des films français en catalogue chez des distributeurs qui savaient qu’ils auraient besoin de les sortir avant que d’autres films n’arrivent pour 2021. Les discussions ont pris du temps car beaucoup étaient au départ sur un report à 2021 et parce que personne n’avait de visibilité claire sur quand les festivals reprendraient dans des conditions normales. Fallait-il accepter le Label, tenter plutôt sa chance pour d’autres festivals comme Sundance et à Berlin, ou tout remiser sur Cannes en 2021 ? Le Label a cependant pris forme au fur et à mesure et un autre aspect quand nous avons eu une proposition du festival d’Angoulême pour une carte blanche aux films français.

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Quel été votre degré de compréhension des hésitations éventuelles des producteurs et vendeurs à accepter le Label ?
Nous leur avons laissé du temps, de fin avril à fin mai. Ils étaient dans le doute car au début certains voulaient reporter à 2021, puis ils se disaient que ce serait l’embouteillage et qu’il était préférable de prendre l’option Label. La première inconnue était la reprise normale des festivals, qui aura lieu sans doute au moment de Sundance, Rotterdam et Berlin, parce qu’on ne sait pas trop dans quelles conditions auront lieu Venise, Toronto et San Sebastian. Car ce que veulent les vendeurs dans un grand festival, c’est la présence de toute la presse internationale, des acheteurs et des programmateurs des autres festivals. L’autre grosse inconnue, qui n’est d’ailleurs toujours pas résolue et c’est pour cette raison que choisir était un pari, c’est la reprise des tournages. Quand et comment les tournages arrêtés vont-ils reprendre ? Les tournages prévus à l’automne pourront-ils vraiment être mis en place ou pas ? Ces nouveaux films seront-ils prêts pour Cannes l’an prochain ou arriveront-ils plus tard ? Dans ce dernier cas, le report à 2021 des films de cette année serait utile pour alimenter la continuité car la chaîne de production aura été interrompue sur plusieurs mois. C’était tout cela, la discussion et c’est pour cela que cela a pris beaucoup de temps.

Un mot sur votre sélectionné britannique After Love [+lire aussi :
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d’Aleem Khan.

C’est un film qui sort un peu de l’école anglaise du réalisme cru. Là, on est plus sur un cinéma extrêmement maîtrisé, classique, qui joue sur une fibre presque mélodramatique. C’est l’histoire d’une femme anglaise qui a épousé un homme pakistanais et qui s’est donc convertie à l’islam (elle porte le voile, elle a changé de prénom) et qui, à sa mort, découvre qu’il a eu une autre vie avec une autre femme, une autre femme qu’elle va voir comme une sorte de miroir de sa propre vie, d’une vie qu’elle aurait pu avoir et qu’elle n’a pas eue. C’est très beau, très émouvant et très bien raconté avec une excellente actrice et très fort sur la question des choix de vie et comment une vie tout d’un coup s’effondre et bascule.

Du Pakistan, on passe au Liban avec Sous le ciel d'Alice [+lire aussi :
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de Chloé Mazlo.

C’est un film audacieux, poétique et inventif. Le personnage interprété par Alba Rohrwacher vit en Suisse, part faire du baby-sitting à Beyrouth et tombe amoureux d’un Libanais. C’est donc une exilée et elle se retrouve confrontée à la première guerre du Liban (contre la Syrie en 1975-1977) avec son mari dont la famille ne pense qu’à une chose : s’exiler. Le film est traité à travers la sensibilité de cette femme dont le romantisme fait un peu penser à des héroïnes à la Duras ou Akerman. Surtout, c’est un film avec des inventivités formelles et poétiques, qui mêle de l’animation en pâte à modeler, une dimension presque de fond de carte postale exotique rétro et un petit côté théâtre de poupées car tout est filmé dans une maison qui est un peu le théâtre du Liban et de la nation.

Votre sélection inclut une autre réalisatrice avec De l’or pour les chiens [+lire aussi :
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d’Anna Cazenave Cambet.
Ce n’est pas un film conformiste, ni bien-pensant. On suit le cheminement d’une jeune fille adolescente, naïve, ivre d’amour et de sexe. C’est un film déroutant, imprévisible, une sorte de roman d’apprentissage d’une jeune fille qui dans son avidité du désir de l’autre se découvre elle-même et se construit. C’est vraiment très fort avec une actrice formidable, Tallulah Cassavetti, dans son premier rôle.

Quid du film fantastique La Nuée [+lire aussi :
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interview : Just Philippot
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de
Just Philippot ?
Parfois quand on tente des greffes et cela génère des catastrophes, mais là, c’est une greffe qui fait tout l’intérêt au film. Le réalisateur prend tous les canons du film d’horreur, de l’invasion animalière, sa prolifération, sa menace, ses dangers. Le film est honnête : il promet des sauterelles et il y aura des sauterelles. Mais ce que j’aime aussi, c’est ce contexte qu’on voit dans beaucoup de films aujourd’hui, celui du monde rural et paysan. Il y a ces sujets "tendance" sur l’agriculture autour du bio, de la nourriture de demain, des farines animales, etc., mais il y a également tout un aspect sur la dépendance au travail, la course à la surproductivité, qui est presque une terreur bis, et le mélange des deux fonctionne très bien.

On est aussi à la campagne avec La Terre des hommes [+lire aussi :
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fiche film
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de Naël Marandin
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Oui, mais différemment. Là aussi, il y a aussi deux sujets, mais c’est la politique agricole et le harcèlement sexuel, le chantage. Il s’agit d’un jeune couple d’agriculteurs qui a un projet moderne, singulier, donc le sujet de comment on peut penser aujourd’hui l’agriculture autrement, avec des besoins de soutien politique et économique. Cet aspect est associé avec l’idée d’emprise. C’est un film extrêmement bien écrit et très bien interprété avec une formidable Diane Rouxel dans le rôle principal.

C’est alléchant, mais j’imagine néanmoins que vous avez beaucoup de regrets de ne pas pouvoir organiser une Semaine de la Critique habituelle ?
C’est vrai que c’est très dur de faire le deuil d’une édition cannoise. C’est lorsqu’on voit qu’elle n’a pas lieu qu’on mesure vraiment tout ce qu’elle apporte. Là, tout va se déplier dans des temporalités successives entre le Label, le travail des vendeurs, quand la presse internationale pourra s’emparer des films et en parler, la relation avec le public. D’habitude, à Cannes, tout est concentré en un, dans la même conjonction de temps et de lieu avec une grande puissance du bouche à oreille. Là, les films ne vont pas avancer de la même façon, mais dans le contexte actuel où il s’agit de faire repartir les salles, de redonner le goût des films au public, surtout pour des films qui ont besoin d’accompagnement comme les premiers films et le jeune cinéma d’auteur, il fallait absolument être présent pour que ces films puissent exister et relancer la machine au plus vite : c’est capital.

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