email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BLACK NIGHTS 2020 Compétition Films baltes

Veiko Õunpuu • Réalisateur de The Last Ones

“J’aimerais qu’on puisse revenir, dans notre manière de penser, à une sorte d’animisme”

par 

- Nous avons interviewé le réalisateur estonien Veiko Õunpuu, dont le film, The Last Ones, traite des gens à l’échelon le plus bas de la société. Et de Roxette

Veiko Õunpuu • Réalisateur de The Last Ones

The Last Ones [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Veiko Õunpuu
fiche film
]
de Veiko Õunpuu, récemment élu meilleur long-métrage balte au Festival Black Nights de Tallinn (lire l'article), montre la Laponie à partir d'un petit village minier et de ses habitants, qui balaient tous leurs soucis le soir en chantant au bar karaoké, avec l’aide de certains des meilleurs acteurs de Finlande, de Laura Birn dans le rôle de la reine de beauté locale, Riitta, à Tommi Korpela qui joue ici, comme le dit le réalisateur, un de ses meilleurs rôles à ce jour.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : S'il y a un endroit où on peut jouer avec certains éléments de la mythologie occidentale, c’est la Laponie. Comment vouliez-vous montrer cet endroit et l’utiliser pour cette histoire ?
Veiko Õunpuu :
Mon espoir était que le paysage dans le film se présente comme un monde en lui-même, un monde presque sacré dans sa simplicité totale, comme la terre pour les Hopis en Amérique : c'est une chose sur laquelle on peut marcher, mais dans laquelle on ne devrait pas creuser et qu’on ne devrait déranger en aucune manière. La Laponie, avec ses étendues ouvertes, était parfaite pour cela.

Vous montrez la vie des gens comme comportant deux moitiés : il y a le travail, et puis il y a une soirée bien arrosée dans un bar. Qu’est-ce qui vous a donné envie de parler de mineurs ? Comme l'a prouvé la situation de la Silésie en Pologne, par exemple, c’est un métier qui meurt.
Pour moi, ce film ne parle pas tant de mineurs que de gens qui sont sur l’échelon le plus bas de la société et se font entuber pour le profit de quelqu’un d’autre – alors que le "profit" en soi peut être un objet de désir indéfinissable pour un esprit délirant qui veut contrôler et dominer tous les autres. Ce qui est intéressant, c’est la manière dont cet esprit délirant est capable de manipuler les autres pour qu’ils suivent, respectent et même désirent ce qu'il veut.

Vous mentionnez, dans une vieille interview, le fait que vous adorez vos acteurs, or ici, vous avez réuni quelques visages finlandais bien reconnaissables. Pourriez-vous nous parler de votre travail avec Tommi Korpela ? C’est un personnage très intéressant qu’il joue ici.
Tommi joue le sociopathe au centre de l'intrigue, qui est charismatique et complètement perdu. Comme tout le film était censé être une métaphore somme toute très simple, qui risquait d'être lue trop vite et rejetée comme trop simpliste, j’espérais créer un écran de fumée autour du centre, avec une "texture" complexe (faite de moments tout naturels, de gestes involontaires, de paroles naturalistes, etc.) que nous avons dû improviser, de manière à obtenir l'effet escompté. J’ai aussi essayé de cacher les "arcs narratifs" de chacun des personnages aux acteurs, pour qu’ils semblent plus volatiles. Tommi et Laura [Birn] ont porté cette méthode à un tout autre niveau, même si c’était parfois assez difficile. Et Tommi est parvenu à produire quelque chose qui pourrait bien être un de ses meilleurs rôles au cinéma.

Ce conflit entre "vendre et ne pas vendre" [auquel est confronté un des personnages] est quelque chose qu’on voit assez souvent au cinéma ces temps-ci. Diriez-vous que c’est une chose qui pose vraiment problème aux gens, dans la mesure où on attribue plus de valeur à la richesse que, disons, à la tradition ?
Il y a plus en jeu ici que juste la tradition. La tradition en elle-même n’a pas de sens, au-delà du fait que c'est une sorte d’habitude, mais si nous perdons toutes les manières traditionnelles de vivre qui voient la planète comme un organisme vivant et donnent de la valeur même à quelque chose d’aussi apparemment inerte et sans vie que le monde minéral, ça finira par marquer notre extinction comme espèce. J’ai ce désir utopique que nous puissions revenir à une sorte d’animisme, dans notre pensée, et voir tout ce qui existe comme sacré et digne de notre vénération. S'il en était ainsi, alors on vivrait sur une planète très différente, dans une société très différente.

"C'est dans des moments comme ça que les hommes finlandais ne lâchent rien", entend-on dans le film. Aviez-vous l’intention d'évoquer un peu la "finlandicité" ? Comment la voyez-vous ? Est-ce que c’est une perspective qui met les gens sur la défensive, comme quand Holland parle de la République tchèque, par exemple ?
La seule chose que je voulais obtenir avec cette réplique était souligner le fait qu'un sentiment nationaliste peut être très facilement utilisé comme un outil de manipulation. Je ne dis pas qu’on ne peut pas aimer son pays ou être un fier membre de sa nation. Étant moi-même estonien, c'est-à-dire le descendant de gens qui ont perdu leur pays face à l’Union soviétique, quand les Finlandais ont bravé l'URSS et qu'ils se sont battus pour le leur, cela me rend personnellement envieux, et je respecte les Finlandais. La boutade, dans le film, ne se fonde pas sur une idée des Finlandais ou sur leur fierté quant à leur "sisu" [un concept finlandais qui renvoie à une sorte de détermination stoïque, de tenacité, de courage] : elle renvoie au Pêcheur [le surnom du personnage de Korpela], dont le compas moral intérieur, dysfonctionnel, est ce qui lui permet de monter ce coup, entre autres choses.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy