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Finlande

Reetta Aalto • Réalisatrice de Laughing Matters

“Je n’aime tout simplement pas rire des gens”

par 

- Nous avons interviewé Reetta Aalto, la réalisatrice de Laughing Matters, après la première du film en Finlande

Reetta Aalto • Réalisatrice de Laughing Matters
(© Jarkko M. Virtanen)

Dans son premier long-métrage de fiction, Laughing Matters [+lire aussi :
interview : Reetta Aalto
fiche film
]
, Reetta Aalto pousse une aspirante-comique de scène sur les planches. En essayant de se démarquer parmi tous les comiques qui alignent des boutades sur leur belle-mère, elle et d'autres "bleus" du métier puisent dans des détails personnels de leurs vies, et apprennent que la comédie la vraie, ça n'est pas de la blague.

Cineuropa : Votre co-scénariste [Anna Ruohonen] a fait des one-woman-show, mais avez-vous aussi essayé d’explorer ce milieu vous-même ?
Reetta Aalto :
Avec ma productrice Sari Lempiäinen, nous sommes bien sûr camarades depuis l’école de cinéma. C'est elle qui a eu l'idée de commander ce scénario à Anna. Il n’y avait pas de film sur les comiques de scène en Finlande, bien que ce soit une tendance qui monte. Comme je ne connaissais pas tout ça, il se trouve que j’avais par ailleurs suivi des cours de comédie en solo guidés par Jamie MacDonald, qui tient une Académie de comédie féministe, après quoi on a l'occasion de se produire en public. Quand Sari a vu ça sur Facebook, elle a dit : "Reetta est la bonne réalisatrice pour ce film".

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Comment avez-vous travaillé sur les numéros des personnages pour qu'ils fassent l’effet d’être spontanés une fois qu’ils montent les jouer sur scène ?
Une idée fausse courante est que les comiques en solo se contentent de monter sur scène et se mettent à dire ce qui leur passe par la tête, alors que la plupart du temps, ils jouent des numéros qu'ils ont soigneusement répétés. Jamie a coaché nos acteurs et il les a poussés à faire des numéros comiques en solo eux-mêmes, et bien qu'ils n’aient comme public que notre bande, certains ont dit qu’ils avaient été super nerveux la nuit d’avant. La sensation est très différente par rapport à celle de jouer au théâtre ou dans des films, où on a un rôle qui vous protège. Ici, on s’attend à ce que vous arriviez sur scène plus ou moins tel que vous êtes : vous êtes et la personne qui se produit, et le scénariste et le metteur en scène. Et il faut faire rire le public.

Il y a des moments dans le film qui suggèrent qu’on a affaire à une comédie romantique type : une attirance entre deux personnes qui se détestaient avant, et même un "montage d’entraînement sportif". Et puis vous retournez les choses sur leur tête et au lieu de courir, Maria semble soudain avoir du mal à respirer.
Nous avons clairement utilisé une structure de comédie romantique comme cadre, mais nous voulions lui donner un angle un peu différent et adopter un ton féministe avant tout. Dans la scène où Maria court, nous jouons avec ces clichés, avec ces montages d’entraînement fréquents au cinéma, comme ceux qu'on a dans Rocky ou Flashdance, même si courir n’a rien à voir avec la comédie. Ou peut-être que si ?

Je suppose que ça dépend comment vous courez ! Il faut dire que Maria n’est pas exactement la comique de scène typique, le genre de nana un peu décalée, et Elena Leeve interprète ce rôle de manière très subtile.
Pour moi, l'humour ne vient pas de ce que je j’appellerais une mauvaise manière de jouer : je ne vois pas l’intérêt d’exagérer quelque chose juste pour souligner, pour les spectateurs, qu'attention, ceci est censé être drôle. Je préfère largement placer ces personnages au beau milieu d'une situation absurde. Ce qui m’intéresse, c'est de créer un univers réaliste ; j’aime dépeindre des gens et des phénomènes reconnaissables. Je ne pense pas tant que ça à la "comédie", je cherche ce qui me paraît authentique. Je n’aime tout simplement pas rire des gens.

Ça devient une histoire sur l’amitié, aussi, car ces quatre personnes qui concourent pour le titre de meilleur comique de scène forment un lien très spécial, même si on a tendance à voir les one-man/one-woman-shows comme une activité solitaire.
On imagine les comiques de scène comme des âmes solitaires, mais la vérité, c’est qu’ils sont souvent en tournée. Pour pouvoir faire assez de spectacles, il faut voyager beaucoup, et on fait ça avec d'autres comiques. Ça reste un milieu relativement petit, mais ils s'aident entre eux, ils testent leurs spectacles les uns sur les autres et développent leurs blagues ensemble. C’est l’expérience qu'a eue Anna de la chose. On ne peut pas y arriver seul, c’est ce que tout comique solo doit comprendre.

Ce groupe coche toutes les cases du politiquement correct : il y a un personnage de couleur, un autre qui est "non binaire". Est-ce que les one-man/one-woman-shows en Finlande sont en train de gagner en diversité ?
#MeToo a joué un rôle là-dedans, #BlackLivesMatter aussi... tous ces mouvements. aussi, tous ces mouvements... C’est une scène assez diversifiée, mais il y a aussi tout cet autre univers, qui est misogyne et sexiste et pousse Maria, au début du film, à se lancer dans ce parcours. Il se trouve qu’un de mes spectacles a eu lieu dans un club où j’étais la seule femme à me représenter. Mon spectacle tournait autour du thème #MeToo, et ce soir-là, il y avait une société qui faisait sa fête de Noël d’entreprise là-bas, ou quelque chose comme ça, donc le public était bien ivre et la plupart des spectateurs étaient des hommes. Le maître de cérémonie insistait vraiment sur le fait que j'étais une femme et ça a été horrible, d’aller sur scène quand tout le monde s’attendait à ce que je sois la partie "sexy" du spectacle. Ça ne s’est pas trop mal passé, ils ont ri un peu. Mais tout cela va devoir changer tôt ou tard. Personne n’a plus envie d’entendre ces plaisanteries sans fin sur les femmes au volant.

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(Traduit de l'anglais)

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