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LIM 2021

Antoine Le Bos • Fondateur et codirecteur, Le Groupe Ouest

“Raconter des histoires est un art que tous les humains devraient maîtriser”

par 

- Selon le codirecteur du programme breton Le Groupe Ouest, savoir dire des histoires, c’est beaucoup plus que du divertissement

Antoine Le Bos  • Fondateur et codirecteur, Le Groupe Ouest
Antoine Le Bos (à droite) et Atiq Rahimi, qui a co-guidé la saison 2 de StoryTANK avec lui (© Brigitte Bouillot/Le Groupe Ouest)

Le Groupe Ouest, localisé en Bretagne, a formé plus de 700 réalisateurs et écrivains venus d'une cinquantaine de pays, créant dans le même temps LIM (Less Is More), un programme européen de développement de longs-métrages à budget limité, et StoryTANK, qui rassemble scénaristes et chercheurs. Le 28 mai, Le Groupe Ouest organisera, dans le cadre du Nouveau Bauhaus européen, une conférence autour de l'idée que la communication narrative peut être une partie importante de l'avenir de l'Europe. Entretien avec son fondateur et co-directeur, Antoine Le Bos.

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Cineuropa : Toute cette idée d'"utopie locale", telle que vous la décrivez sur votre site, a pris encore plus de sens durant la pandémie. D'un seul coup, les gens ont dû trouver des solutions sur leur lieu de vie.
Antoine Le Bos
: Dans cette industrie, on a tendance à travailler dans un certain système financier et dans certain état d'esprit. J'ai remarque qu'être impliqué dans des collaborations à l'échelle internationale était beaucoup plus intéressant : les gens était ouverts et moins happés par les jeux de pouvoir. Quand on met ces esprits créatifs loin de leur environnement habituel (dans un petit village, par exemple), ils se sentent libres. Ici, on brainstorme pendant des heures, en se baladant sur la plage et en regardant les mouettes.

L'idée était de créer un "paradis des écrivains" dans un lieu où le paysage aiderait au processus créatif. Désormais, 15 ans plus tard, nous encadrons 200 projets par an. Le village (Plounéour-Brignogan-Plages) est devenu un lieu où scénaristes et réalisateurs peuvent tester leurs projets les uns face aux autres, en essayant de comprendre ce qui fonctionne ou non. L'idée, c'est de travailler ensemble, de sortir de cet individualisme obsessionnel qui marque notre époque. On ne fait pas un film pour soi : on le fait pour les autres. Il n'y a pas de bras de fer ici, juste la mer, la plage et vous. Nous avons créé un espace où les gens peuvent se sentir à l'aise, où ils peuvent échanger des outils afin de raconter une meilleure histoire.

Parfois, une résidence d'écrivains tient surtout à l'isolement, mais dans votre cas, la Bretagne est toujours mentionnée comme faisant partie de l'expérience. Comment avez-vous abordé la communauté locale ? En vous assurant que l'initiative les intéresserait eux aussi ?
On est allé leur parler dès le tout début du projet. Chaque fois qu'on débute le processus de sélection, ils ont un jury qui lit les scripts. Leur approche est toujours intéressante. Nous demandons aussi aux participants de présenter leurs projets aux villageois. Petit à petit, ils se sont pris d'enthousiasme pour ces histoires, et ils se réjouissent de leur succès par la suite. Avant la pandémie, en allant au bar du coin, même le barman disait : "La petite fille ? C'est pas le personnage principal : c'est le vieil homme". Ça n'a pas toujours été simple pour les locaux, ceci dit. Pour eux, le cinéma c'était Paris ; ça voulait dire des gens arrogants. Maintenant, un fermier nous a dit qu'on a donné espoir à ses enfants. Ils voient qu'il y a un avenir ici. Le maire nous a demandé de coller des affiches des personnages et des dialogues écrits ici partout dans le village. Ça fait partie du décor maintenant.

Vous affirmez qu'"il est de notoriété publique que 95% de l'industrie cinématographique française est située à Paris". Que faudrait-il faire pour changer ces chiffres ?
De plus en plus de gens fuient Paris. La situation actuelle, avec le Covid-19 et l'environnement, nous a montré que le changement est nécessaire. Les histoires que nous créons ici ne sont pas simplement destinées aux fonds d'aide au cinéma ou au secteur : elles sont censées aller toucher les gens. Pour y parvenir, il faut qu'on sorte de notre bulle.

C'est pour cela que nous avons créé StoryTANK, par exemple. Dans les périodes difficiles, les histoires sont aussi importantes que le pain : sans elles, on meurt. Nous voulions aider les scénaristes à mieux comprendre leur métier, plus en profondeur, mais la communication narrative est un art que tout humain devrait maîtriser : citoyens, politiciens, etc. Le 28 mai, dans le cadre de l'initiative Nouveau Bauhaus européen, nous organiserons une conférence autour de l'idée selon laquelle la communication narrative peut être une partie importante de l'avenir de l'Europe. Raconter des histoires, c'est plus que du simple divertissement, contrairement à ce que semblent suggérer les films américains. Un bon film peut changer votre manière de voir la vie, ou la façon dont vous voulez élever vos enfants. On veut retrouver ça. Nous demandons aux gens quel rôle jouent les histoires dans leur vie, et un griot [historien-troubadour d'Afrique de l'Ouest] du Sénégal nous a dit : "Les histoires sont censées nous aider à vivre". En Amérique latine, on dit que les histoires ont pour fonction de soigner, de nous aider à aller mieux. Nous sommes passés de la création de ce village utopique pour écrivains à une quête de la manière dont cette façon de penser pourrait être utilisée par les citoyens du monde entier.

Il est clair que le label que vous êtes devenus est en plein changement. Comment souhaitez-vous qu'il se développe ?
Nous sommes en collaboration permanente avec d'autres pays européens. La collaboration la plus récente s'est faite avec ARTE et TV2 Denmark autour de la création de ce laboratoire destiné à booster la créativité dans le champ des séries. L'idée est de comprendre comment fonctionne le processus et de trouver des nouveaux moyens de stimuler le cerveau. Ce n'est pas une question d'écriture, mais d'élargissement du champ des possibles. Le travail par groupes est essentiel pour cela, parce que l'interaction humaine est un cadeau. De tels échanges créent toujours de nouvelles significations, et en Europe, par chance, beaucoup de pays partagent le même objectif. C'est pour cela que nous organisons aussi des ateliers de pré-écriture : nous voulons nous aider mutuellement à progresser.

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(Traduit de l'anglais par Alexandre Rousset)

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