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TRANSYLVANIE 2021

Andrei Huţuleac • Réalisateur de #dogpoopgirl

“Nous ne pouvions pas prédire que les réseaux sociaux prendraient autant d’importance, donc nous sommes encore en train de découvrir leur importance”

par 

- L’acteur nous parle de son premier long-métrage en tant que réalisateur, sur les dangers de l’humiliation en ligne

Andrei Huţuleac • Réalisateur de  #dogpoopgirl

Avec à son actif une belle carrière d’acteur de théâtre et de cinéma, le réalisateur et scénariste roumain Andrei Huţuleac a présenté son premier long-métrage à petit budget, #dogpoopgirl [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Andrei Huţuleac
fiche film
]
, au Festival de Transylvanie. Le film a reçu plus tôt dans l’année les prix du meilleur film et de la meilleure actrice lors du Festival du film de Moscou. Huţuleac a confié ses réflexions et ses craintes sur le phénomène du shaming, phénomène qui consiste à humilier publiquement sur les réseaux sociaux, et donne un aperçu de son processus de travail.

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Cineuropa : #dogpoopgirl s’inspire d’une véritable affaire survenue en 2005 en Corée du Sud. Comment en avez-vous entendu parler et qu’est-ce qui vous a poussé à faire le film ?
Andrei Huţuleac : J’ai lu le livre de Jon Ronson, So You've Been Publicly Shamed, dans lequel il décrit des affaires d’humiliation publique survenues ces dernières années. Et l'histoire de #dogpoopgirl est la première affaire d’humiliation publique sur les médias sociaux dans l'histoire d'Internet. Il y est question d’une fille dont le chien fait ses besoins dans le métro de Séoul, un vlogger a alors publié la vidéo sur le net et en un mois, la vie de cette femme s’est littéralement écroulée. On s’est mis à la reconnaître dans la rue, elle a été renvoyée de son université et sa famille a même reçu des menaces de mort. Toute l'agitation autour de cette affaire a pris fin lorsque la jeune femme a menacé de mettre fin à ses jours en postant un message sur les réseaux sociaux . Tout le monde a laissé tomber. J’ai écrit le scénario en 2017 au moment même où les réseaux sociaux se développaient et devenaient de plus en plus puissants. Je voulais en effet montrer leurs inconvénients et comment certains pouvaient tout simplement être tués dans le processus.

Après avoir effectué des recherches sur le sujet, avez-vous une explication sur ce phénomène ?
Je n’en suis pas certain. En effet, je ne suis pas anthropologue. Mais je pense qu’il s’agit d’un nouvel outil que nous ne maitrisons pas encore. Nous ne pouvions pas prédire l’importance que prendraient les réseaux sociaux, donc nous sommes encore en train de découvrir leur potentiel. Je ne suis pas en train de dire que la société a tort d’agir comme elle le fait, mais nous avons encore beaucoup à apprendre et nous devons nous y atteler.

Vous avez transposé en Roumanie une histoire vraie survenue en Asie. Pensez-vous que le public roumain puisse s'identifier?
Je ne me suis même pas posé la question dans la mesure où ce n’était pas mon objectif premier. Je voulais plutôt souligner le caractère universel d’un certain type de comportement problématique. Mais il va de soi que l’histoire, qui se déroule dans un lieu précis, résonne dans l’univers environnant. Et en qualité de satire sociale, #dogpoopgirl est certainement excessif. Je pense pourtant que ceux qui se sentent concernés par le film voient davantage le problème comme celui de la société connectée que de la société roumaine.

Comment avez-vous élaboré le scénario après avoir découvert l'affaire ?
J'ai commencé à me documenter sur l'affaire, mais je ne cherchais pas à reconstituer la véritable histoire. Elle n’était pour moi qu’un prétexte pour réaliser un film sur le problème et puisqu’elle est librement inspirée de faits réels, je n’en ai pas parlé dans le film. Le faire aurait été un acte de manipulation, car il ne s'agit que d'une fiction basée sur une idée. C’est la peur qui m’a poussé à écrire le scénario, car je me trouvais dans une situation où j’avais subi la même humiliation et où j'avais aussi humilié des gens sans m'en rendre compte. Je pensais avoir entièrement raison sur un sujet. Internet nous permet de clarifier les choses et de le faire en un instant. Mais ensuite, vous vous rendez compte que des personnes ont été blessées dans le processus et que vous avez peut-être tort, et vous commencez à regretter et à effacer vos messages parce que vous êtes désolé. Or, il est trop tard. Tout cela me fait prendre conscience de ce que je peux devenir dans l'espace Internet et de ce que les autres peuvent faire de moi. De ce point de vue, le scénario est né de cette peur, et ce cri de terreur qui est le mien alimente cet excès. Et si les choses allaient aussi loin et aussi mal ? Parce qu'une part de moi est socialement inapte lorsque je suis entouré de monde et je suis très sensible aux comportements agressifs. Je pense que je réagirais exactement comme mon personnage dans cette situation, je serais tétanisé.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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