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LOCARNO 2021 Piazza Grande

Stefan Jäger • Réalisateur de Monte Verità

“C’est drôle de penser que c’est nous, en Suisse, qui avons créé la première communauté hippie”

par 

- Le réalisateur suisse invite tout le monde à revisiter le Monte Verità, une colonie utopique qui accueillait tous les libres penseurs allant contre les conventions

Stefan Jäger • Réalisateur de Monte Verità

Nous sommes en 1906, et Hanna (Maresi Riegner), une jeune femme au foyer, ne peut littéralement plus respirer, étouffée par son rôle, dans un appartement qu'elle n'est pas censée quitter, du moins selon les médecins... Jusqu’à ce qu’elle entende parler d’un endroit mystérieux où tout le monde est désinhibé et libre. Dans Monte Verità [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Stefan Jäger
fiche film
]
de Stefan Jäger, présenté dans la section Piazza Grande du Festival de Locarno, l'heure est à la révolution, même s'il ne s'agit que d'une révolution personnelle.

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Cineuropa : Je n’avais jamais entendu parler de Monte Verità ; maintenant, je veux vraiment en savoir plus.
Stefan Jäger :
J’y suis allé en 1989 avec Cinema & Gioventù, qui fait aussi partie du Festival de Locarno : l'idée est d'y inviter des étudiants et des jeunes. C’était ma première fois, et ça m’a frappé d’emblée : c’est un lieu qui vous subjugue vraiment. Il est chargé d'Histoire et on le sent : on peut sentir tous les gens qui y ont marché et dansé et qui y ont découvert les choses mêmes dont on parle beaucoup aujourd’hui, comme le véganisme, la relation des humains avec la nature et les droits des femmes.

C’est fou de constater à quel point cette communauté était en avance – enfin, au-delà de la prescription de bains de soleil quotidiens.
Peut-être qu’à cette époque, le soleil n’était pas aussi agressif qu'aujourd'hui [rires]. J’étais curieux d’en apprendre plus sur les figures féminines qui ont créé cette endroit, comme la pianiste Ida Hofmann – n'être pas mariée était très important pour elle. Cette année en particulier, 1906, a été choisie parce que c’est le moment où Lotte Hattemer, la fille du maire de Berlin, s’est suicidée – or [le psychanalyste autrichien] Otto Gross lui faisait prendre tout un tas de potions, ça c’est un fait. Hermann Hesse a visité ce lieu, ainsi qu'Isadora Duncan (une des premières danseuses à aller là-bas). On ne sait toujours pas cependant qui a pris la plupart des photos de l'endroit – et il y en a plus de 500. C’est là que l'invention a commencé pour nous. Nous nous sommes dit : "Créons donc un personnage féminin qui sera photographe et en quête d’une nouvelle approche artistique".

En lui attribuant cette profession, vous avez pu jouer avec de vieilles techniques. Pour un cinéaste, ça a dû être amusant, non ?
J’adore les vieilles photos. Nous avions une caméra spéciale, une Hasselblad, donc on a pu filmer ce qu’elle voyait. Il y a aussi, en Suisse, un musée de la photographie ; le chercheur qui travaille là-bas nous a beaucoup aidés. Quand Hanna prend des photos et qu’on bondit à l’intérieur de sa tête, il y a des zones qui bougent encore alors que d’autres sont déjà gelées. Elle veut suivre le mouvement, l'intégrer à sa création. On s'est amusés, mais ça a représenté beaucoup de travail. Maresi a dû apprendre elle aussi à manier la caméra. On voit dans le film que son personnage n’est pas tellement habitué à le faire au début, après toutes ces années de mariage.

Au début, elle est prisonnière dans sa propre maison. Sa maladie, qu’elle soit réelle ou imaginée, évoque l’"hystérie" et la manière dont certains hommes essayaient de la traiter.
Nous avons parlé d’asthme, du fait de ne pas arriver à respirer. Pendant la pandémie, la chose a pris un sens tout à fait différent – après tout, nous avons dû travailler avec des masques. Notre idée était que quand on est au Monte Verità, c'est comme si on apprenait à respirer de nouveau. On peut aussi l’entendre dans le design sonore. Il y a toute une histoire racontée ici, juste à travers la respiration de Hanna.

À Vienne, nous voulions qu'elle ait le cou très dégagé, une coiffure très stricte. Toutes les pièces sont sombres et c’est comme d'être emprisonné dans une cage dorée, avec des médecins qui vous disent : "N'exprimez aucune émotion, sans quoi vous allez avoir une attaque". Ce n’est qu’après qu'elle gagne en confiance en elle, notamment parce qu'elle a la possibilité de travailler comme artiste.

Dans les films historiques, l'attention aux détails est un élément capital, mais n'avez-vous pas pu laisser votre imagination s'ébattre un peu plus librement dès qu'elle pénètre cet univers ?
Il y a beaucoup de livres sur le sujet, ainsi qu'un documentaire qui s’appelle Freak Out!, et toutes ces photos, bien sûr, mais nous avons décidé de ne pas être trop précis quant à l’allure de ces gens, parce que parfois ça faisait un peu tarte, pour parler franchement. Nous voulions aller plus loin et créer des allures qui rappelleraient aussi le mouvement Flower Power : nous avons regardé des photos des années 1960 et 1970. Je dis toujours que c’est drôle de penser que c’est nous, en Suisse, qui avons créé la première communauté hippie. Les gens se rebellaient contre cette société qui ne voulait pas les laisser être libres. J’aimerais beaucoup être un hippie moi-même, mais je suis né trop tard.

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(Traduit de l'anglais)

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