email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FANTASIA 2021

Rasmus Merivoo • Réalisateur de Kratt

"À bien des égards, mon film est comme un documentaire de sciences naturelles : on montre comment vivent les petites personnes, comment le monde les affecte et comment ils affectent le monde"

par 

- Nous avons interrogé le réalisateur estonien sur son film, qui s’adresse en fait à toute la famille, même si les parents devront peut-être répondre à quelques questions après la projection

Rasmus Merivoo • Réalisateur de Kratt
(© Kristin Kalamees)

Dans Kratt [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Rasmus Merivoo
fiche film
]
, à l’affiche de Fantasia, un vieux mythe reprend littéralement vie, grâce à deux enfants, qui s’ennuient à mourir au cours de leur été sans internet. Malheureusement, cela va impliquer que leur grand-mère n’est plus, et bien, n’est plus véritablement leur grand-mère, mais plutôt un démon meurtrier qui a besoin de travailler constamment. Heureusement, les pancakes sont de la partie. Nous avons discuté avec le réalisateur du film, Rasmus Merivoo.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : The "kratt" est une chose que je découvre progressivement grâce au cinéma estonien, et c’est génial. C’est le genre de créature mythique qui aurait du sens dans notre monde contemporain.
Rasmus Merivoo : C’est la raison pour laquelle j’avais besoin de faire le film. Nous sommes entourés de tous ces outils qui nous demandent constamment de travailler davantage. J’ai pensé qu’un petit avertissement venu du passé serait une bonne idée.

Lorsque vous réalisez un film familial, trop de violence est généralement à proscrire. Mais vous ne vous en êtes pas vraiment privé, non ?
À un moment, j’ai compris qu’il fallait que je sois honnête. C’est une comédie, et bien entendu, il y a des enfants dans l’histoire, mais lorsque quelque chose survient dans la vraie vie, vous n’enclenchez pas un "filtre famille". Outre tout le sang, certains mots ne sont pas appropriés pour des enfants. Mais m’en débarrasser relèverait de l’autocensure. Pas facile aujourd’hui de raconter des histoires sincères, car il faut toujours la vendre à quelqu’un. J’ai eu de la chance, les gens de Tallifornia (la société de production) m’ont donné carte blanche, ce qui a donné lieu à ce drôle de cocktail.

Les enfants du film sont les miens. Je sais ce qu’ils regardent : Rick and Morty, Big Mouth. Lorsque j’allais voir avec eux des films soi-disant "pour enfants", j’avais l’impression qu’il manquait quelque chose. C'était un peu saugrenu, comme si vous vouliez que vos enfants s'intéressent à quelque chose. Mais le monde ne se résume pas à un monde joyeux et j'ai réalisé que je ne pouvais pas raconter cette histoire sans apporter une réponse claire sur ce qui se passe, c’est de là que vient l’horreur corporelle. Quand j’ai commencé à écrire, c’était beaucoup plus gore, des parties de corps humain volaient. Mais je ne voulais pas surexploiter l’idée, car laisser croire que la violence est drôle ne serait pas très honnête non plus. Elle ne l’est pas. Aujourd’hui, les familles laissent des commentaires sur les réseaux sociaux : "C'est bon, allez le voir avec vos enfants, et s'ils ont des questions, c'est à vous d'y répondre." C’est une drôle d’idée, mais je m’en suis bien tiré.

C’est certainement parce que vous savez quand quelque chose est vraiment dérangeant, et ce n'est pas le cas ici. Même si les enfants pourraient tout à coup demander ce qu'il y a dans leur pizza.
Les enfants ne sont pas stupides, et aujourd’hui, ils grandissent vite. Lorsque mon fils était petit, il aimait ce jeu qui consistait à se cacher pour échapper à une grand-mère qui voulait vous tuer. Il s’est mis à faire des recherches sur Google, ils apprennent à le faire avant même de savoir écrire. Plus tard, nous avons découvert que son téléphone portable regorgeait de vidéos pornos mettant en scène des grands-mères. Il cherchait des images de ce jeu et voilà le résultat de la recherche.

Je suis né en Union soviétique. Je me souviens que je regardais des publicités finlandaises, en espérant pouvoir acheter des bananes un jour. Puis, un an plus tard, il y a eu l’effondrement de l’Union soviétique et j’ai pu acheter des bananes. Aujourd’hui, les enfants se trouvent dans la même situation, tout change si vite. Mon grand-père m’a laissé sa vieille voiture, et j’ai dit à mon fils qu’un jour, il pourrait l’avoir. Il s’est exclamé : "Mais, je n’en veux pas, ce n’est pas un véhicule autonome." Ces idées de ce que l’avenir nous réserve sont incroyables. Aussi, ce qui peut paraître extraordinaire pour un adulte peut être tout à fait normal pour un enfant.

C’est la raison pour laquelle ils restent détachés face à la transformation de leur grand-mère. Ils gèrent seuls la situation parce que les adultes sont assez minables.
Il y a cinq intrigues qui se croisent dans le film, et j'ai dû synthétiser certaines idées. Si les adultes sont plus grotesques, c’est à cause du temps limité. En effet, ils ont dû se mettre à nu pour le public beaucoup plus rapidement. Cette communauté, c'est aussi là que je vis, c'est la même ville. C'est comme une petite version de l'Estonie, et l'Estonie est comme une petite version du monde. Elle représente tout ce qui se passe, même la révolution des médias sociaux, et si les enfants ne sont plus sur Facebook, leurs parents le sont eux. C'est là qu'ils se rendent lorsqu'ils veulent changer les choses. À bien des égards, mon film est comme un documentaire de sciences naturelles : on montre comment vivent les petites personnes, comment le monde les affecte et comment ils affectent le monde. Vous savez, comme avec les fourmis dans la forêt. C'est comme cet échange dans le film, lorsque quelqu'un demande combien de temps ça dure. "C'est pour toujours." Si vous regardez Kratt plusieurs fois de suite, vous comprendrez qu'il commence là où il finit. Tout tourne en boucle.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy