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CPH:DOX 2022

Victoria Fiore • Réalisatrice de Nascondino

“Difficile de ne pas devenir cynique, c’est une lutte”

par 

- La réalisatrice italienne nous parle de la fabrication de son premier long-métrage, entièrement tourné dans les Quartiers Espagnols de Naples

Victoria Fiore • Réalisatrice de Nascondino

Le premier long-métrage de Victoria Fiore, la coproduction entre l’Italie et le Royaume-Uni Hide and Seek [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Victoria Fiore
fiche film
]
, projeté cette année à CPH:DOX, raconte la vie quotidienne difficile d’Entoni, qui vient d’avoir 12 ans (au début du film) et vit maintenant dans les Quartiers espagnols de Naples. Nous avons sauté sur l’occasion d’interviewer la réalisatrice pour discuter du long processus de production qu'a nécessité ce projet et du parcours émotionnel intense qu'a représenté le fait de travailler en contact étroit avec une famille vivant dans les marges de la société napolitaine.

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Cineuropa : Quand et comment avez-vous commencé à travailler sur ce projet ?
Victoria Fiore :
Difficile de situer le moment précis où j’ai commencé à travailler sur ce projet, parce que tout s’est passé de manière très spontanée. J’organisais un atelier de cinéma. Eleonora Dell’Aquila, une amie travailleuse sociale à l’Association des Quartiers espagnols, est venue et m’a montré des vidéos d’enfants décrivant Naples en utilisant des expressions typiquement associées avec cette zone, et ces enfants m’ont demandé de filmer le "cippo" [la fête de Saint Antoine organisée chaque année dans ce quartier]. Nous les avons impliqués dans le projet en leur fournissant des caméras GoPro et nous leur avons demandé de nous parler de cette tradition. Ceci allait devenir le premier matériel qu'on a eu, qu’on a ensuite utilisé pour développer Hide and Seek. C’est pendant cette expérience que j’ai rencontré Entoni. Il a manifesté un intérêt particulier pour la caméra. Il voulait tourner Titanic sur la plage et nous a parlé de ses rêves et de son quartier. Il a fait preuve d’une réelle créativité. Nous avons ensuite rencontré Dora [Addolorata, la grand-mère d'Entoni], qui a vraiment aimé ce qu’on faisait. Elle m'a invitée pour le café et m'a demandé ce que je faisais exactement. Au départ, elle ne voulait pas être filmée. […] Au fil du temps, Addolorata nous a laissés la filmer de plus en plus librement. Ça a été un parcours de quatre ans.

Avez-vous rencontré des difficultés techniques ?
80% du temps, c'était mon directeur de la photographie [Alfredo De Juan] et moi qui filmions. On était dans des espaces exigus, et filmer là s’est avéré une excellente décision, parce que ça nous a permis de maintenir un sentiment d’intimité avec nos sujets. Nous n’avons pas travaillé en nous fixant des limites de temps. Tout devait être totalement improvisé, toujours. C'est probablement ça qui a été le plus difficile à gérer. Cela dit, en l'espèce ça a bien fonctionné, parce que ça signifiait que la réalité qu'on filmait n'en était que plus "vivante". Ce n’est pas facile, de suivre la vie quotidienne dans ce quartier.

Est-ce que la famille a vu le film ? Comment ont-ils réagi ?
Les premiers qui ont vu le film sont l’avocat et l’assistante sociale. Ensuite, Dora l'a vu. Avant de lui montrer le film, je lui ai montré le scénario dans son entier et j’ai aussi parlé avec toute la famille, pour qu'ils sachent plus ou moins à quoi s’attendre. Il a vraiment plu à Dora. Ensuite, nous l’avons montré à tous les autres. Dès le départ, Natalia [la mère d'Entoni] m’a serrée dans ses bras et nous avons pleuré ensemble. Elle nous a remercié d’avoir raconté une histoire authentique. Gaetano [le petit frère d’Entoni] a aussi aimé. Nous voulons amener le film à Naples en juin. Cela fait partie de notre plan.

Qu’est-ce qui vous a amenée à travailler avec le compositeur C.J. Mirra ?
Nous avons beaucoup travaillé ensemble. Naples est un endroit suffocant où il n’y a pas une seule seconde de silence. Je ne m’attendais pas créer l'effet "fête musicale" à l’intérieur du film. Au début, nous savions que nous voulions une bande originale en grande partie électronique parce que Naples est moderne, cinématographique et beaucoup d’autres choses. Quand j’ai entendu le travail sur le son de C.J. Mirra, qui a cette qualité presque "liminale", j’ai vraiment aimé. C’est à mi-chemin entre la musique et le design sonore, entre la mélodie et la musique ambiante. C’est le genre de musique qui vous touche l’âme sans être trop invasive. Et l’histoire semble tellement vraie qu’elle ne peut pas être vraie, si vous voyez ce que je veux dire…

En effet, en tant que spectateur, le sentiment est d'être devant un film très réaliste, mais fictionnel.
Nous voulions lui donner cet aspect fictionnel, presque au-delà du réel. La musique aide à nous transporter dans ce monde qui n’est plus documentaire, mais va au-delà.

En quoi cette expérience a-t-elle été changeuse pour vous en tant qu’être humain ?
L'élaboration d'un film est résolument une entreprise incroyablement intense, qui change beaucoup de choses. Il est difficile de ne pas devenir cynique, il faut se battre contre ça. Parfois, des choses se passent sous vos yeux qui vous donnent envie de cesser d’espérer. C’est naïf de faire un documentaire en pensant que vous allez changer des choses, mais il était important d’être là tout du long, d'accompagner les personnages jusqu’au bout, en leur offrant le soutien nécessaire. C’est résolument une expérience fortifiante.

Quel sera votre projet suivant ?
Je suis en train d'écrire un film de fiction inspiré d'une histoire vraie qui se passe au nord de l'Italie et s'intitule Aida.

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(Traduit de l'italien)

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