email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VENISE 2022 Compétition

Emanuele Crialese • Réalisateur de L’immensità

“J’ai raconté l’histoire que j’avais dans le coeur”

par 

- VENISE 2022 : Entretien avec le réalisateur italien sur son nouveau film, inspiré de son adolescence, avant sa transition sexuelle

Emanuele Crialese • Réalisateur de L’immensità

Le réalisateur italien encensé Emanuele Crialese a présenté son nouveau film, L'Immensità [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Emanuele Crialese
fiche film
]
, à la 79e Mostra de Venise, où il est en lice pour le Lion d'or. Il a dévoilé à cette occasion à la presse internationale qu’il est né fille. L'Immensità parle d’une famille italienne vivant à Rome dans les années 1970 dont la fille ainée se sent garçon et voudrait protéger sa mère (interprétée par Penelope Cruz) de son père, violent et infidèle. Entretien avec le réalisateur.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : Vous avez dit que ce film s’inspire de votre enfance et de votre propre histoire.
Emanuele Crialese : Je ne me suis pas ouvert à mon entourage univers, je me suis ouvert, sans doute, en racontant l’histoire que j’avais dans le cœur. Oubliez cette histoire de "coming out" : tout le monde est au courant en Italie. L'histoire que je raconte ici n'a pas pour sujet le fait d’être transgenre. Pour vous, ce film a-t-il pour sujet la question transgenre ? C’est mon histoire, avec cette mère, ce frère et cette sœur, mais je veux juste éviter qu'on se concentre trop sur une question qu'on a choisi de ne pas exprimer dans le film de cette manière-là. C'est un sujet qui est ici mis en relation avec d’autres : le sentiment de malaise, la réponse somatique au manque d’amour qui affecte tous les autres enfants dans cette famille. Qu’est-ce qu'il arrive à ces enfants quand il n’y a pas d’amour ? Comment ces enfants vont-ils former leur identité ? Bien sûr, on suit avant tout le personnage d'Adriana/Andrea, mais on ne s'intéresse pas qu'à l'histoire d'Adri. C’est l’histoire de la relation entre Adri avec son frère et sa soeur, et sa mère et son père.

Et donc l’amour d’une mère ne suffit pas ?
Quand le père est dans le cercle, l’amour de la mère suffit toujours. Mais si votre père vous bat, votre mère peut vous aimer autant que vous voulez, vous n'aurez pas la vie facile. Pourquoi maman laisse-t-elle cet homme me battre comme ça ? Dans les années 1970, en Italie, il n’était pas facile pour une femme battue de quitter son mari. Beaucoup de femmes ont trouvé le courage, mais ce n’était pas très bien perçu, y compris par leur propre mère. Il fallait faire semblant que tout allait bien.

C’est moi, ici. C’est le moment de ma transition. Le film s’arrête quand l’enfant, qui est encore une fille, chante avec une voix de garçon. C’est un petit indice de ce que pourrait être le futur de la fille. C’était difficile, à cette époque, d’accepter la violence, et une des clefs d’interprétation poétique que je peux donner, c’est que cette fille, ce garçon manqué, ne supportait probablement pas le conflit, au point qu’elle a réuni corps masculin et corps féminin. Je ne donne pas de réponses, parce que j’aime les films qui soulèvent des questions.

Cette mère est similaire à celle de Respiro [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
. Aviez-vous le sentiment de n'avoir pas assez creusé ce personnage et que vous aviez encore quelque chose à dire sur le sujet ?
L'héroïne de Respiro avait un mari qui l'aimait énormément. Et le mari était triste de l’envoyer à Milan pour qu’elle puisse guérir. Ici, la situation est différente : on a une femme qui est complètement seule avec ses enfants. Cet homme ne fait montre d'aucune sensibilité ou compassion.

Ils ont tous les deux des problèmes psychologiques.
Est-on bien sûr que la mère, ici, ait des problèmes psychologiques ? Peut-être que c’est la société, son problème, l’environnement dans lequel elle vit. Ou le fait qu'on ne permette pas aux femmes de divorcer. Voilà les questions que le film soulève. La société tend à avoir peur de n'importe quelle apparence qu'on est différent par rapport aux standards. On est un homme ou on est une femme. Tout le reste est de fait exclu. Si on pense qu'on est quelque chose d'autre, c'est qu'on est malade. Mais peut-être que je m’en fiche, d’être un homme ou une femme. Je suis juste un être humain. Et personne ne devrait se sentir menacé par ma présence dans ce monde. À travers mon histoire, je veux juste ramener les choses à ce fait tout simple.

Est-ce que vous voyiez la musique à la télévision et la danse comme une échappatoire par rapport à la vraie vie, ou comme quelque chose qui vous donnait de l'espoir sur la possibilité d'arriver à vous échapper pour de bon ?
Quand la vie est vraiment frustrante, on va au cinéma. On va voir une représentation différente de la vie. Ça soulage. C’est ce que je faisais quand j’étais gamin, et je continue à le faire. Je vais regarder une autre réalité. Patty Pravo et Raffaella Carrà sont ma mère. Voilà ma mère qui chante et qui danse. Voilà ma mère heureuse. Elle est dans un lieu où elle se sent bien. Ma mère n’est jamais allée en clinique psychiatrique. C’est ce que j'appréhendais. Le vrai "coming out", c’est que j'aie pu me défaire de ce qui me terrifiait et évoquer le désir que j'avais, quand j'étais enfant, de voir ma mère à la place de Raffaella Carrà dans une émission de télé.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy