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VENISE 2022 Hors-compétition

Sergueï Loznitsa • Réalisateur de The Kiev Trial

“Il y a des histoires après lesquelles on ne peut plus en écouter d'autres”

par 

- VENISE 2022 : Le cinéaste se replonge dans les images déjà présentées dans Babi Yar. Context et nous livre un nouveau documentaire bouleversant

Sergueï Loznitsa • Réalisateur de The Kiev Trial
(© La Biennale di Venezia/Foto ASAC/G. Zucchiatti)

Le génocide d’environ 33 000 locaux juifs et appartenant à d'autres minorités dans le ravin de Babi Yar était le sujet choquant du documentaire précédent de Sergueï Loznitsa, Babi Yar. Context [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Sergei Loznitsa
fiche film
]
. Le réalisateur ukrainien présente maintenant hors-compétition, à la Mostra de Venise, un film qui prolonge ce regard historique et montre d’autres images inédites sur la condamnation à mort de 15 nazis dans la ville de Kiev. Les récits émouvants des témoins et les souvenirs de plus en plus brutaux des crimes commis font de The Kiev Trial [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Sergueï Loznitsa
fiche film
]
une expérience très bouleversante.

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Cineuropa : En 2021, vous avez présenté Babi Yar. Context. Certaines images de ce film sont également montrées aussi dans votre nouveau documentaire. Est-ce que c’est un diptyque, ou souhaitiez-vous approfondir davantage le sujet ?
Sergueï Loznitsa : Ce film est étroitement lié à Babi Yar. Context. Pendant l’occupation nazie, il n'y a pas que des juifs qui ont été tués, mais aussi des Ukrainiens. La raison pour laquelle Babi Yar. Context. a été fait d’abord, c’est que j'ai trouvé ces images en faisant des recherches sur Babi Yar. Ce projet est très important pour ma ville, même si la plupart des gens ne savent même pas qu’il a eu lieu.

Qu’est-ce que ce procès de 1946 a d'unique ? Le lieu où il s'est tenu ? Le moment ?
Des procès ont eu lieu dans plusieurs villes, partout en Union soviétique. Ils avaient tous un objectif précis et se sont achevés sur des exécutions publiques. Ce genre d’exécution est sérieusement choquant et représente une occasion pour les autorités d'exprimer quelque chose de net. Ces procès ont été mis en scène, notamment pour les caméras. Le verdict était connu longtemps avant, mais ce qu'il reste, c’est cet événement, qui nous raconte, encore maintenant, une histoire très claire.

Ces images ont une allure de films de propagande. Les Soviétiques y disent : "Nous avons tenu, et nous faisons payer les Allemands".
Si on parle des objectifs de Staline, bien sûr qu’il voulait blâmer les Allemands, car cela lui permettait aussi de couvrir les crimes commis par l’Union soviétique (le centre de Kiev, par exemple, a été détruit par les mines que l'Armée rouge a placées là). Alors pourquoi Staline a-t-il décidé de ne pas faire un film de ces images qu'on n'a jamais revues après ? Peut-être qu'elles étaient trop sincères, que la vraie vie transparaissait trop à travers les images.

Quand on utilise des images qui sont politiques et chargées idéologiquement, comment peut-on rendre le résultat pédagogique, et non reproduire leur intention originelle ?
J’avais trois heures d’images et je n’ai coupé que la moitié. D’abord, je présente les bourreaux qui vont exécuter les condamnations et les gens qui ont commis les crimes. La seconde partie est réservée aux témoins. J'ai arrangé l'ensemble de manière à présenter les choses "plus légères" d'abord, avant d’aller vers les contenus plus choquants. Il faut procéder ainsi pour avoir l'attention des gens jusqu'au bout – parce qu’après certaines histoires, on n'est même plus capable d'en entendre d’autres. Il faut préparer le terrain, pas à pas. Et puis il y a la dramaturgie qu'on retrouve à chaque procès : comment il a commencé, comment il s’est développé et comment il s’est terminé, avec le verdict. J'estimais qu'il n'était pas possible de mettre quoi que ce soit d’autre dans le film, par exemple de montrer les crimes ou les corps. Ce n’était pas nécessaire, à mon sens.

Les nazis allemands se défendent en disant qu’ils n’ont rien vu, ou qu’ils ne faisaient qu'obéir aux "ordres de leurs supérieurs". Hannah Arendt avait-elle raison de parler de "banalité du mal" ?
Tout criminel, quand il commet un crime, sait qu'il commet un crime, et il sait aussi qu’il sera puni, et il a peur de ce châtiment. Des réponses comme "je ne savais pas" et "je n’étais pas là" ne fonctionnent pas, parce que c’est une manière très primitive de se défendre. Le fait qu'on ait affaire à un système de massacre industriel n'absout pas chaque individu qui y a participé. Le génocide est une situation très complexe, ce n’est pas un mal simple. Donc ce n’est pas banal.

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(Traduit de l'anglais)

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