email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VENISE 2022 Orizzonti

Guy Davidi • Réalisateur d'Innocence

“Être un enfant qui grandit à Israël, c’est tout un parcours”

par 

- VENISE 2022 : Entretien avec le réalisateur sur ce documentaire puissant et poétique sur les jeunes Israéliens qui sont morts pendant le service militaire obligatoire

Guy Davidi • Réalisateur d'Innocence

En Israël, le service militaire n’est pas seulement obligatoire, c’est un rite de passage pour chaque jeune Israélien et Israélienne. Grâce aux vidéos amateurs et aux récits tirés des journaux intimes des enfants morts au cours de leurs deux ou trois années d’entraînement avec les Forces de défense israéliennes, mais aussi aux images d’écoliers dans l’Israël d’aujourd’hui, Innocence [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Guy Davidi
fiche film
]
de Guy Davidi remet en cause le statu quo et l’endoctrinement qui cherche à lier les petits israéliens à l’armée. Nous avons rencontré Davidi à la Mostra de Venise, où le film a été présenté en avant-première dans la section Orizzonti.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : À 19 ans, vous avez quitté le service militaire après trois mois. Avez-vous toujours voulu faire un film sur le sujet ?
Guy Davidi : Lorsque j’ai quitté l’armée, j’ai intégré une école de cinéma. J’étais tellement marquée par cette expérience que j’avais l’impression que tout autour de moi ressemblait à l’armée. Le pays tout entier semblait être un endroit hostile, stérile. Pas un endroit où l’idée est d’aider les jeunes à réaliser leurs ambitions de réussite dans ce monde, de les encourager et de les soutenir.

Alors à l’âge de 21 ou 22 ans, je suis parti m’installer en France. Et lorsque je suis revenu, je n’étais plus dans la même optique. Mes perspectives étaient différentes, je pouvais gérer ce qui fait qu’Israël est ce qu’elle est aujourd’hui. Cela m’a conduit en Palestine, en Cisjordanie, mais également à participer à des manifestations aux côtés des Palestiniens, puis à réaliser Five Broken Cameras [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
. Je m’employais à parler, non pas de moi, de mon histoire ou de l’armée, mais plutôt des vraies victimes, des victimes bien plus importantes.

J’avais très peur de faire un film comme Innocence, consacrés aux victimes en Israël. Mais ce sont des enfants, et il m’a semblé juste de faire ce film après avoir reconnu les victimes palestiniennes dans Five Broken Cameras. Aujourd’hui, après avoir préparé le terrain avec mon film précédent et parce que je suis toujours engagé dans ce combat, je me sens autorisé à parler aussi d’autres victimes, à savoir les enfants innocents d’Israël.

J’ai d’abord imaginé ces enfants comme des victimes impuissantes, qui se contentaient de faire ce qu’on leur dictait. Je n’imaginais pas qu’ils puissent ne pas être d’accord. Mais dès le début du film, nous comprenons que ce sont de jeunes personnes très avisées.
Grandir en Israël est un voyage. D’abord, certaines idées vous semblent banales. Que le service militaire soit une bonne chose, qu’il vous protège, que ce soit obligatoire. Vous apprenez à envoyer des cadeaux aux soldats qui servent le pays. C’est une chose à laquelle vous êtes habitués et vous n’avez besoin de rien d’autre. La propagande pure et dure n’est pas nécessaire.

C’était l’approche que j’avais en tête lorsque j’ai choisi Zohar, cet enfant de quatre ans. J’ai choisi une maternelle où la maitresse était bienveillante, elle parlait gentiment des choses sans pour autant faire passer un message. Et puis, vous avez l’autre enseignante, celle qui fait peindre des soldats aux enfants. Mais la méthode est sournoise. On ne vous force pas vraiment, et ça n’arrive pas tous les jours. Vous voyagez ici et là. Vous rencontrez des soldats héroïques. C’est quelque chose d’insidieux. Ella, en revanche, l’autre enfant du film a dix ans, et la propagande est alors un instrument plus cruel. On lui dit franchement qu’elle va servir dans l’armée. Cela s’intensifie au fil des ans.

Il y a un aspect du film qui est très agressif, avec les images et les histoires. Mais la structure est également très poétique. Comment avez-vous pensé tout cela ?
Je ne suis pas parti d’une simple idée. J’ai lu les textes de Ron Adler, ils sont si poétiques. L’un de ses poèmes me parlait particulièrement. Celui où il écrit "je rêve de chevaux, je rêve de toi." J’aimais sa faculté d’évasion. Pour lui, les chevaux du texte incarnaient l’essence même de la liberté. Je voulais profiter de ce moment et m’inspirer de lui, mais je voulais également lui rendre hommage en l’intégrant au film. C’était mon point de départ. Mon intention première n’était pas de filmer des enfants dans une maternelle et de voir ce qu’on leur enseignait. Ces scènes étaient certes nécessaires pour comprendre qui était Ron et les raisons pour lesquelles il écrivait sur les chevaux. Mais elles n’étaient pas ce que je recherchais. J’essayais plutôt d’arriver à ce moment où le public comprend pourquoi l’image du cheval dehors, dans la nature, peut parler à un soldat.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy