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ARRAS 2022

Nadia Paschetto • Directrice, Arras Film Festival

"Une salle, ce n’est pas un supermarché où l’on met un produit dans son caddie et où l’on passe à la caisse"

par 

- Rencontre avec la directrice du festival de la cité artésienne dont la 23e édition se déroule du 4 au 13 novembre

Nadia Paschetto • Directrice, Arras Film Festival
(© Aurélie Lamachère)

Directrice du Arras Film Festival qu'elle a fondé avec le délégué général Éric Miot, Nadia Paschetto évoque la 23e édition qui démarre aujourd'hui (lire l’article), mais aussi quelques tendances du cinéma européen, la conjoncture des distributeurs français et de la fréquentation des salles de l’Hexagone.

Cineuropa : Le Arras Film Festival est un événement à la fois très populaire tout en proposant un cinéma d’auteur européen assez rarement proposé dans les circuits de salles françaises ? Quelle est votre recette ?
Nadia Paschetto : C’est un équilibre de funambule de trouver des films qui plaisent à tout le monde et à tous les âges. Il faut penser à l’équilibre des goûts et des saveurs, et trouver ce petit ingrédient qui met du liant dans tout cela. Notre règle d’or, c’est de programmer les films avant tout pour le public, pas de nous faire plaisir en tant que sélectionneurs. Nous connaissons très bien notre public, mais c’est évolutif et il faut être très attentif à la manière font les films ont été reçus l’année précédente, voir ce qui a fonctionné, ce qui moins bien fonctionné, et en tenir compte. Nous oscillons entre des films qu’on peut qualifier de populaires comme notre ouverture Choeur de rockers ou Maestro(s) et des œuvres beaucoup plus d’auteurs. Mais il y a des fils rouges : cette année par exemple, la thématique de la famille émerge dans de nombreux films et je sais que c’est un sujet que va aimer notre public.

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Pour la compétition européenne, nous allons chercher des films inédits qui n’ont pas de distributeur en France et nous donnons des prix d’aide à la distribution. Cette année, encore davantage que d’habitude, nous avons énormément de films d’Europe de l’Est et des Balkans (République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Hongrie, Ukraine, Serbie, Macédoine). C’est d’ailleurs devenu un peu notre marque de fabrique. Nous avons deux films de réalisatrices (Six Weeks [+lire aussi :
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de la Hongroise Noémi Veronika Szakonyi et L’homme le plus heureux du monde [+lire aussi :
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de la Macédonienne Teona Strugar Mitevska), des sujets sociétaux, sur les conditions de travail, sur la maternité, sur le rapport à la famille, mais aussi une grande fresque historique avec Il Boemo [+lire aussi :
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du Tchèque Petr Václav qui a fait sa première mondiale en septembre en compétition à San Sebastián et qui avait été pitché en 2016 aux Arras Days, notre plateforme d’aide au développement. Cette continuité est très importante à nos yeux. Ainsi, l’an dernier, nous avions présenté en section parallèle My Thoughts Are Silent [+lire aussi :
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, le premier long de l’Ukrainien Antonio Lukich et il revient, en compétition cette fois, avec Luxembourg Luxembourg [+lire aussi :
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Quelles tendances avez-vous remarqué parmi tous les films européens qui vous ont été proposés ?
Un fossé semble se creuser un peu partout en Europe entre les oeuvres abouties et bien produites et d’autres qui sont réalisés, et ce n’est pas une question de talent, dans des conditions à l’évidence beaucoup trop minimalistes avec des cinéastes qui endossent tous les rôles : réalisateur, scénariste, producteur, etc. Or, même si faire un film peut paraître beaucoup plus simple aujourd’hui, les résultats révèlent un côté de bric et de broc, on sent un manque d’accompagnement et beaucoup de films ne sont pas malheureusement pas au niveau. La pandémie a certainement accéléré le processus, en compliquant le financement (en particulier dans certains pays d’Europe de l’Est) et les tournages, mais mon analyse est surtout de constater qu’il est très difficile de se passer d’un vrai producteur.

L’Atlas d’Or et le prix du public sont dotés d’aides de 12 000 et 5000 euros pour les distributeurs français s’engageant sur les films primés. Or, après la pandémie, ces derniers sont fragilisés et la distribution des films d’auteurs européens non nationaux est souvent la première à en pâtir.
Il y beaucoup à digérer encore pour les distributeurs. Certains sont obligés actuellement de réduire drastiquement leurs acquisitions pour amortir les résultats déceptifs de films sur lesquels ils s’étaient engagés sur scénario. Mais si tout n’est pas encore totalement régulé, on voit le bout du tunnel. Tous les distributeurs font un travail incroyable dans un contexte encore délicat et depuis la rentrée, cela s’améliore car les gens retournent au cinéma et les bons films ne manquent pas à l’affiche. À notre niveau, depuis que nous avons dévoilé notre programmation, nous constatons une attente beaucoup plus forte que l’an dernier. Tous ces indices laissent augurer que tout le monde va reprendre confiance et que nous allons retrouver, j’espère, un nouvel équilibre, même si ce ne sera pas le même qu’avant la pandémie car on ne peut pas nier aujourd’hui l’effet des plateformes. Je suis également persuadée que la salle de cinéma doit proposer aujourd’hui autre chose que ce que les gens peuvent trouver seuls chez eux avec une belle installation son & image. Cette différence, c’est du lien, du collectif, de l’animation, de la rencontre, de la prescription, de la réflexion. Juste programmer un film en sortie nationale, aujourd’hui cela ne suffit plus. Il faut redonner du sens aux programmations : une salle, ce n’est pas un supermarché où l’on met un produit dans son caddie et où l’on passe à la caisse.

Espérez-vous retrouver votre niveau record 2019 de 50 000 spectateurs ?
Le festival n’a pas pu avoir lieu en 2020 et l’an dernier nous avons eu plus de 38 000 spectateurs, ce qui était plutôt bien dans des conditions particulières avec les masques et les contrôles de passes sanitaires. J’espère évidemment que nous ferons beaucoup mieux cette année. Pour cette édition, nous avons aussi décidé de renforcer le volet professionnel des Arras Days. Nous allons maintenant mettre un pays à l’honneur et nous commençons par la Slovénie. Trois projets slovènes en développement s’ajouteront à ceux habituels sélectionnés pour les pitchings des Bourses d’aide et deux films seront présentés en work in progress.

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