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STOCKHOLM 2022

Ali Abbasi • Réalisateur des Nuits de Mashhad

“On a vraiment l’impression d’être en 1942 et de se battre contre l’Allemagne nazie”

par 

- Le réalisateur danois de naissance iranienne semble viser droit dans le mille : son nouveau film est de plus en plus d’actualité

Ali Abbasi • Réalisateur des Nuits de Mashhad
(© Nadim Carlsen)

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cette année en compétition à Cannes, ce récit dur et critique d'Ali Abbasi sur le "tueur araignée" iranien, qui a "nettoyé les rues" de la présence de 16 prostituées en 2001, a suscité des polémiques. Six mois plus tard, l'Iran est devenu une véritable poudrière, après la mort de Mahsa Amini. Nous avons rencontré le réalisateur à l’occasion du passage du film au Festival international du film de Stockholm pour discuter des turbulences du moment et de la meilleure manière de s'impliquer.

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Cineuropa : La sortie des Nuits de Mashhad coïncide, d'une manière qui peut peut-être submerger, avec la situation actuelle en Iran, ce que personne n’aurait pu prédire. Comment avez-vous pris tout cela, en termes d’implication personnelle ?
Ali Abbasi : Je suis à vrai dire un mauvais porte-parole, quelle que soit la chose ou la personne que je voudrais défendre, et je ne me vois pas comme un représentant du peuple iranien. Ceci étant dit, cette situation en particulier appelle des mesures extraordinaires. On dirait vraiment qu’on est en 1942 et qu’on se bat contre l'Allemagne nazie. Ça ne laisse pas la place de se demander si telle ou telle déclaration est d'assez bon goût ou si elle devient trop politique. Si je peux enlever ma chaussure et le jeter à quelqu’un, je le ferai ; si je peux m’habiller en mollah vampire à une projection londonienne, je le ferai ; si je peux causer du remous devant l’ambassade iranienne à Stockholm, je le ferai. En revanche, si je décide, à l'inverse, de garder mes distances par rapport à tout ce qui serait politique, eh bien c'est en soi un choix politique clair – et ce n'est pas pour moi.

Votre équipe et vous avez-vous été confrontés à des réactions ou conséquences particulières depuis la sortie du film ?
Beaucoup – bons baisers d'Iran ! Déjà à Cannes, nous avons été marqués au même fer rouge que Salman Rushdie : nous sommes des traîtres, des blasphémateurs, enfin la totale. Mon monteur a reçu une injonction des tribunaux et n'est pas rentré en Iran. Un de mes assistants est régulièrement interrogé... Cela dit, les autorités agissent assez maladroitement, et ce n’est pas comme si on était en haut de leur liste de priorités, dans les circonstances actuelles : il y a certainement 99 problèmes plus graves devant nous, je dirais.

Pouvez-vous entrer en Iran aujourd’hui ?
Non. Quand on nous a refusé l'autorisation de tourner en Iran, nous sommes allés en Turquie, mais après avoir été subi des pressions de la part de l'Iran, les Turcs nous ont jeté dehors. Nous avons tourné en Jordanie, et là, ils ont de nouveau pris contact pour demander de voir le film "afin d’éviter de possibles conséquences". "Bien sûr, ai-je dit, vous êtes les bienvenus si vous voulez venir en Allemagne et le voir". "C’est compliqué, qu'ils ont dit, ne pourrions-nous pas plutôt nous retrouver en Turquie et regarder le film là-bas ?" "Mais bien sûr, ai-je répondu, comme ça vous pourriez tranquillement profiter de l’occasion pour me kidnapper ? Merci, mais non merci."

Une réponse claire et peu diplomatique, en somme.
Avec mon tempérament, je ferais le pire diplomate qui ait jamais existé, ce qui tient en partie à là d'où je viens, un endroit où le manque de transparence est frustrant au possible. Personne ne dit ce qu’il pense, et tout le monde tourne autour du pot. Pour moi, la vie est trop courte pour ça, surtout quand on traite de problèmes évidents, et très conséquents. Pour moi, il faut aborder ce genre de problème de manière aussi simple et directe que possible. La règle numéro un c’est : ne mentez pas. Et pas question d'accepter ces balivernes comme quoi il faudrait lire entre les lignes, qui pénètrent toute la culture iranienne. Mon propos, c’est ce qu’on peut lire, tout est là, il n'y a rien entre les lignes.

Est-ce que Les Nuits de Mashhad restera votre film le plus politique ou est-ce qu'il y a plus qui demande à sortir ?
Peut-être. Mon côté idiot et imaginatif se repose pour le moment, donc il n’y aura pas de Border 2. De manière générale, je m'intéresse beaucoup à l'actualité, mais hélas, être pile au milieu des choses vous fait perdre de la distance par rapport à un sujet. Cela dit, j’aime aussi être en plein dans le mille. J’aimerais assez faire un film sur 2023 en 2023, quitte à ce que le film ait une date de péremption rapprochée, mais il faudrait que ce soit un film du moment, sur un certain sujet politique. Ça colle très bien avec mon tempérament, je trouve.

Les Nuits de Mashhad est le candidat danois pour les Oscars, tout comme Border a représenté la Suède en 2019. Comment gérez-vous vos relations internationales ces temps-ci ?
Je devrais vraiment faire mon prochain film en Norvège... Je me sens très en phase avec les sensibilités artistiques de ce pays. J’ai été parachuté ici depuis l'Iran, mais j'ai aimé vivre ici, et j'ai eu un fils avec une Danoise et j'ai récemment obtenu un passeport danois aussi, avant tout parce qu’avec un passeport iranien, on est certain de se faire traiter comme de la merde de temps en temps. À ce jour, j’ai vécu le plus gros de ma vie d'abord en Suède, puis au Danemark. Je me sens chez moi des deux côtés du pont Øresund. C’est un endroit agréable et très convenable où vivre.

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(Traduit de l'anglais)

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