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CINEMAMED 2022

Selcen Ergun • Réalisatrice de Snow and the Bear

“L’histoire est fondée sur les relations de pouvoir dont beaucoup de femmes de tous âges autour de moi et moi-même faisons l’expérience tous les jours”

par 

- Nous avons rencontré la réalisatrice turque pour en savoir plus sur son premier long-métrage, qui a décroché le Prix Cineuropa au récent festival Cinemamed à Bruxelles

Selcen Ergun • Réalisatrice de Snow and the Bear

La Turque Selcen Ergun est réalisatrice, scénariste et productrice. Elle a obtenu son Master en écriture de scénario et mise en scène à l’Université Bilgi d'Istanbul en 2009 et elle a été invitée à participer à Berlinale Talents en 2018. Elle a commencé sa carrière comme assistante réalisation sur un bon nombre de productions nationales et internationales et a ensuite réalisé des courts-métrages, des publicités et des clips musicaux. Snow and the Bear [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Selcen Ergun
fiche film
]
est son premier long-métrage. Il a fait sa première à Toronto en 2022. Cette coproduction entre la Turquie, l'Allemagne et la Serbie vient d’être projetée à Cinemamed à Bruxelles, où elle a remporté le Prix Cineuropa (lire l'article).

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Cineuropa : Quelles étaient vos motivations en faisant ce film ?
Selcen Ergun : Cette histoire reflète un sentiment profond que je vis de plus en plus au quotidien en tant que jeune femme, depuis longtemps : le sentiment de vivre sous une pression constante qui n’est pas entièrement visible, mais qui nous enveloppe comme quand l’air est lourd, le sentiment perpétuel de ne pas être en sécurité, auquel beaucoup de gens sont invariablement confrontés à différents endroits de la planète, à différents niveaux. De l'autre côté, à partir du moment où j’ai commencé à m'élever contre ça, de plus en plus, je me suis aussi rendu compte que je suis plus forte que je ne pensais l'être. Dans ce film, je voulais explorer tous ces sentiments (la peur, l'enfermement, la lutte et l'espoir) dans le microcosme d'une petite ville isolée où ils seraient plus tangibles. Ce film reflète aussi mes réflexions sur la manière dont nous, les êtres humains, nous nous voyons comme le centre du monde et traitons injustement la nature et toutes ses créatures.

Pensez-vous que le film reflète la situation des femmes en Turquie aujourd’hui ?
Bien que l'histoire se passe dans une ville isolée imaginaire, elle est fondée sur les sentiments et les relations de pouvoir dont beaucoup de femmes de tous âges autour de moi et moi-même faisons l’expérience tous les jours. Je pense que beaucoup de femmes en Turquie et partout dans le monde peuvent facilement se rapporter à ce sentiment troublant qui persiste tout au long du film. Un spectateur qui a vu le film lors de sa première à Toronto a émis un commentaire qui reflète pour moi ce qui est au cœur de Snow and the Bear : "Ce film médite sur une époque où l’hiver va cesser et où le monde va enfin laisser les femmes et la nature exister".

Une étude récente de l’Observatoire européen de l'audiovisuel a montré qu'en Europe, les films réalisés par des femmes ces cinq dernières années ne représentent que 30 % du total. Est-ce que c’est vrai aussi pour la Turquie ? Est-il plus difficile pour une femme que pour un homme de trouver des financements en Turquie ?
Hélas, en Turquie, ce chiffre descend à 6 % seulement, ce qui est incroyable et fait réfléchir. Bien sûr, au cœur de cette inégalité, il y a la série d’obstacles qui sont le lot d'une réalisatrice qui essaie de faire son premier film et de se faire une carrière. La barrière la plus significative, quand on commence, est le déséquilibre et au niveau des fonds publics, et auprès des investisseurs privés. De nouveau, ces cinq dernières années, seuls 8 % des films qui ont reçu des aides publiques en Turquie ont été réalisés par des femmes. À côté de ces statistiques, quand j'entends les histoires individuelles de réalisatrices qui ont choisi la même voie que moi, j’entends encore et encore parler des obstacles qu’elles rencontrent à chaque étape tout du long du chemin, et des mots qu’on leur adresse : "Tu n'y arriveras pas". Je pense que toutes les femmes qui arrivent à continuer à faire des films, surtout en Turquie, sont de farouches guerrières armées d’une détermination et d’une persévérance sans borne.

Qu'est-ce qui a été le plus dur dans ce tournage dans un village isolé au milieu de l’hiver ?
Le lieu et les conditions météorologiques ont été le plus dur pour nous. Il nous fallait l’hiver le plus extrême possible, et le plus de neige possible, et il fallait que cela dure tout au long de notre tournage, qui était assez serré puisque nous avions 29 jours. Le changement climatique a également affecté la fabrication du film : nous avons découvert que beaucoup de lieux en Turquie qui sont habituellement enneigés pendant des mois ont à présent peu de neige. Finalement, il nous a fallu aller dans un village situé en hauteur dans les montagnes, à l'extrême nord-est du pays. Pendant le tournage, il y a eu des jours où nous ne pouvions pas quitter la base pour aller au village où nous tournions à cause de tempêtes de neige et des routes verglacées. Certaines nuits, nous avons dû travailler à -30°. Cependant, je suis contente d'avoir affronté tout cela, car cela nous a aussi permis de créer l'atmosphère unique qui est celle du film.

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(Traduit de l'anglais)

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